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17/11/2020 | FRANCE | N°18LY02220

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 novembre 2020, 18LY02220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Chazelle l'Echo environnement, l'association Les amis de Saint-Thibault-en-Auxois, la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), les communes de Charny et Mont-Saint-Jean, la communauté de communes de Saulieu, M. et Mme L... M..., M. AD... et Mme A... R..., M. et Mme D... Z..., M. et Mme I... G..., Mme F... G..., M. et Mme T... P..., M. et Mme V... E..., Mme X... S..., M. et Mme C... AA..., Mme Y... U..., M. et Mme AB... W..., M. AC... J..., la SARL " Born to Qu

ilt ", la société Jean-Michel Georges W... ayant pour nom commerci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Chazelle l'Echo environnement, l'association Les amis de Saint-Thibault-en-Auxois, la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), les communes de Charny et Mont-Saint-Jean, la communauté de communes de Saulieu, M. et Mme L... M..., M. AD... et Mme A... R..., M. et Mme D... Z..., M. et Mme I... G..., Mme F... G..., M. et Mme T... P..., M. et Mme V... E..., Mme X... S..., M. et Mme C... AA..., Mme Y... U..., M. et Mme AB... W..., M. AC... J..., la SARL " Born to Quilt ", la société Jean-Michel Georges W... ayant pour nom commercial " La tour de Giry ", la société anonyme Bernard S..., la SCI sous Baroche et la SCI du Bois de Thil, représentés par Me H..., ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2015 par lequel le préfet de la région Bourgogne a accordé à la SNC MET Mont-Ernault un permis de construire quatre éoliennes et quatre postes de transformation sur le territoire de la commune de Fontangy, ensemble la décision du 14 février 2016 portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1601189 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Dijon a donné acte du désistement de la requête de M. et Mme L... M..., de M. AD... et Mme A... R..., de M. et Mme I... G..., de Mme F... G..., de M. et Mme T... P..., de M. et Mme V... E..., de Mme X... S..., de Mme Y... U..., de M. et Mme AB... W..., de M. AC... J..., de la SARL " Born to Quilt ", de la société Jean-Michel Georges W... ayant pour nom commercial " La tour de Giry ", de la société anonyme Bernard S..., de la SCI sous Baroche et de la SCI du Bois de Thil et rejeté la demande de l'association Chazelle l'écho environnement et des autres requérants.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 juin 2018 et des mémoires, enregistrés le 9 octobre 2018 et le 27 septembre 2019, l'association Chazelle l'écho environnement, l'association " les Amis de Saint-Thibault-en Auxois ", la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), la commune de Charny, la commune de Mont-Saint-Jean, la communauté de communes de Saulieu, M. et Mme D... Z... et M. et Mme C... AA..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler :

- ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2018 ;

- l'arrêté du 15 octobre 2015 par laquelle le préfet de la région Bourgogne a délivré un permis de construire quatre éoliennes et quatre postes de transformation semi-enterrés sur le territoire de la commune de Fontangy ;

- la décision du 14 février 2016 de ce même préfet ayant rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de SNC MET Mont-Ernault la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande de première instance était recevable ;

- le préfet de la région Bourgogne était incompétent dès lors que l'arrêté du 1er juillet 2013 qui a fondé sa compétence était illégal ;

- en délivrant l'autorisation de construire, le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le projet méconnaît les seuils réglementaires en matière de bruit fixés par le second alinéa de l'article R. 1334-33 du code de la santé publique et que le permis de construire contesté ne prévoit aucune prescription destinée à garantir le respect des seuils réglementaires ;

- en délivrant l'autorisation, sans même l'assortir de mesures compensatoires, l'arrêté porte atteinte à la faune en méconnaissance des articles R. 111-15 du code de l'urbanisme et L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement ;

- les lieux avoisinants et le terrain d'assiette du projet constituent un paysage d'intérêt auquel le projet va porter atteinte en méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en intervention au soutien de la requête de l'association Chazelle l'écho environnement, enregistré le 21 janvier 2019, M. et Mme AB... W... et la société Jean-Michel Georges W..., ayant pour nom commercial " la tour de Giry ", représentés par Me H..., concluent à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2018 et de la décision du 15 octobre 2015 du préfet de la Côte-d'Or.

Ils soutiennent que :

- leur intervention est recevable ;

- le préfet de la région Bourgogne était incompétent dès lors que l'arrêté du 1er juillet 2013 qui a fondé sa compétence était illégal ;

- en délivrant l'autorisation, sans même l'assortir de mesures compensatoires, l'arrêté porte atteinte à la faune en méconnaissance des articles R. 111-15 du code de l'urbanisme et L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement ;

- les lieux avoisinants et le terrain d'assiette du projet constituent un paysage d'intérêt auquel le projet va porter atteinte en méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire, qui s'en rapporte aux écritures en défense produites en première instance par le préfet de la région Bourgogne, conclut au rejet de la requête.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 septembre 2019 et le 22 octobre 2019 (non communiqué), la SNC MET Mont-Ernault, représentée par Me N..., conclut au rejet de la requête et de l'intervention et demande que soit mise à la charge des requérants et intervenants une somme de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- la requête de première instance était irrecevable, les requérants n'ayant pas intérêt à agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2004-374 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Lacoste, représentant l'association Chazelle l'écho environnement et autres, et de Me Amabile représentant la SNC MET Mont-Ernault ;

Considérant ce qui suit :

1. En réponse aux demandes de la SNC MET Mont-Ernault, déposées en décembre 2013, de trois permis de construire pour huit éoliennes, d'une hauteur totale chacune de 150 mètres, et de deux postes de livraison sur les territoires des communes de Fontangy, Missery et Noidan (département de la Côte-d'Or) et formant le parc éolien dit des Genêvres, le préfet de la région Bourgogne lui a délivré, par un arrêté du 15 octobre 2015, un permis de construire pour quatre éoliennes et quatre postes de transformation sur la commune de Fontagny (éoliennes E 3, E 4, E 5 et E 6). L'association Chazelle l'écho environnement et autres relèvent appel du jugement rendu le 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de l'intervention :

2. M. et Mme W... résident à la ferme du château de Chazelle-l'Echo, au lieudit " Chazelle " sur la commune de Fontangy et y exercent une activité d'exploitation d'un gîte, chambres et tables d'hôtes sous l'enseigne " La Tour de Giry ". S'il ressort des pièces du dossier que les éoliennes en cause ne seront que partiellement visibles, et seulement depuis certaines parties de leur propriété, cette visibilité est de nature à modifier les vues sur les paysages concernés et leur confère un intérêt à intervenir dans la présente instance. Leur intervention doit par suite être admise.

Sur la compétence du préfet de la région Bourgogne :

3. Le quatrième alinéa de l'article 2 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 dispose : " Le préfet de région peut également évoquer, par arrêté, et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas, il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département ". En application de ces dispositions, le préfet de la région Bourgogne, par un arrêté du 1er juillet 2013, a décidé d'exercer la compétence pour statuer, en lieu et place des préfets de la Côte-d'Or, de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et de l'Yonne, sur les demandes de permis de construire des aérogénérateurs et leurs annexes. Cet arrêté a été pris, selon ses termes, " en vue d'assurer à l'échelon régional la cohérence de l'implantation des aérogénérateurs " et afin de " garantir à l'échelle des quatre départements de la région Bourgogne, (...) l'harmonisation de l'instruction des dossiers de demande de permis de construire et des décisions accordant ou refusant les permis de construire portant sur les aérogénérateurs et leurs annexes, (...) ".

4. Si cet arrêté du 1er juillet 2013 fait référence au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie de Bourgogne, approuvé le 26 juin 2012, cette circonstance n'a pas pour effet de lui conférer le caractère de mesure d'application de ce schéma. Par suite, l'annulation de celui-ci, par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 novembre 2016, est sans influence sur la légalité de l'arrêté du 1er juillet 2013. Par ailleurs, il ne ressort pas des motifs avancés par le préfet de la région Bourgogne pour justifier la mise en oeuvre du pouvoir d'évocation prévu par l'article 2 du décret du 29 avril 2004 que ceux-ci excèdent le cadre prévu par ces dispositions. Enfin, en fixant à trois ans la durée d'application de cet arrêté du 1er juillet 2013, le préfet de la région Bourgogne a limité sa durée conformément aux dispositions précitées du décret du 29 avril 2004.

Sur la légalité interne de l'arrêté en litige du 15 octobre 2015 :

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

5. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dispose, dans version applicable à la date de la décision attaquée : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "

6. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Dijon, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'illégalité des dispositions de l'arrêté du 26 août 2011 susvisé, applicable au régime des installations classées pour la protection de l'environnement des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent dans le cadre de la contestation d'un acte d'autorisation de construction soumise aux dispositions du code de l'urbanisme. Ils ne peuvent pas, non plus, utilement se prévaloir d'une méconnaissance des prescriptions des dispositions des articles R. 1334-31 et R. 1334-33 du code de la santé publique, ces dispositions n'étant, en vertu de l'article R. 1334-30 du même code, pas applicables aux installations en cause.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles R. 111-15 du code de l'urbanisme et L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement :

7. L'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, dans la version applicable aux faits de l'espèce dispose : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. ". L'article L. 110-1 du code de l'environnement prévoit que : " I. Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. (...) ".

8. Les appelants soutiennent que, faute pour le préfet de la région Bourgogne d'avoir assorti son arrêté d'autorisation de construction des éoliennes de mesures compensatoires destinées à limiter les conséquences dommageables des installations sur plusieurs espèces d'oiseaux, celui-ci méconnaît les dispositions citées au point précédent.

S'agissant du milan royal :

9. Les requérants exposent que des études menées en Allemagne démontrent l'exposition particulière de ce rapace, dont l'espèce est en déclin au niveau européen et au nombre des espèces vulnérables en France, à une surmortalité liée au mouvement des pales des éoliennes. Si la présence de couples nicheurs de cette espèce dans la région de l'Auxois, lieu d'implantation du parc éolien litigieux, est avérée, les requérants ne produisent pas d'éléments propres à contredire les indications contenues dans l'étude d'impact présente au dossier selon lesquelles les constats opérés en Allemagne ne sont pas transposables à la situation en cause dès lors que, à la différence de la pratique habituellement observée dans ce pays de laisser se développer un couvert végétal au pied des aérogénérateurs propre à attirer les proies du milan royal, les zones de levage des machines du projet en cause, situées en outre en zone de culture, seront stabilisées avec un support minéral peu propice à attirer le milan et permettant ainsi de considérer le risque de collision et de perte de territoire de chasse comme faible.

10. Il résulte par ailleurs des indications non contredites de l'Etat, confirmées par les pièces du dossier, notamment une documentation élaborée par la ligue de protection des oiseaux (LPO) que le nombre de couples de milan royaux en Bourgogne suit une dynamique d'augmentation non démentie depuis 2006 et au moins jusqu'à la date de la décision attaquée.

11. Enfin, il résulte des indications de la SNC MET Mont-Ernault que le cumul d'effets lié à la construction d'autres installations de parcs éoliens dans un rayon de plus de quinze kilomètres du parc des Genêvres n'est pas significatif pour le milan dès lors que, si celui-ci peut se déplacer jusqu'à quinze kilomètres de son nid, sa zone d'activité majeure reste contenue dans un rayon de 1 kilomètre à 1,5 kilomètre autour du nid. Les requérants ne produisent aucun élément de nature à contredire ces indications.

12. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le moyen doit être écarté.

S'agissant de la cigogne noire :

13. Les requérants soutiennent que la présence de la cigogne noire a été détectée à plusieurs reprises à proximité du site prévu pour l'implantation du parc éolien des Genêvres en litige. Ni les témoignages invoqués de deux personnes dont la compétence en la matière n'est pas connue, ni l'étude de la LPO produite à ce sujet ne permettent toutefois de tenir pour avérée cette présence dans un rayon rapproché des machines, celle-ci n'indiquant pas sur quelles périodes ont été réalisées les observations et n'étant pas en mesure de préciser le lieu d'installation d'un couple nicheur avancé seulement à titre d'hypothèse probable. Dans ces circonstances, et alors que l'exposition au risque de collision est connue pour être liée au fonctionnement des aérogénérateurs, lequel relève de l'autorisation d'exploitation, et non de leur seule édification, le moyen tiré de ce que le préfet s'est abstenu, en méconnaissance des textes mentionnés au point 7, de prescrire des mesures propres à mieux protéger cette espèce doit être écarté.

S'agissant des autres espèces :

14. Les appelants soutiennent que des oiseaux appartenant à des espèces telles que le faucon pèlerin, la grue cendrée, la cigogne blanche, l'aigle botté et le circaète Jean le Blanc sont également menacés par le projet qui devait faire l'objet de mesures de nature à prévenir leur exposition au risque lié à la présence des machines en litige. Toutefois, si la présence d'un couple de faucons pèlerins a été relevée à un kilomètre de l'une des futures machines et deux autres dans un rayon de vingt kilomètres, la présence régulière de couples nicheurs des autres espèces à proximité du projet n'est pas établie par les pièces du dossier, non plus que la sensibilité particulière de toutes ces espèces à la seule présence des machines. Le moyen doit par suite être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

15. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme (dans sa version applicable aux faits de l'espèce) : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

16. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux lieux, sites ou paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un lieu, site ou paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ce site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des décisions en litige, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.

17. Il ressort des pièces du dossier que le projet en cause, situé dans la région naturelle dite de l'Auxois, doit être implanté sur un plateau comportant quelques reliefs estompés et des contreforts en coteaux boisés. Son altitude moyenne d'environ 500 mètres lui confère une position dominante sur plusieurs villages placés entre 100 et 200 mètres plus bas et, en partie, sur la vallée du Serein située à l'ouest. Le projet est prévu pour s'insérer, dans son périmètre rapproché, dans un paysage agricole entrecoupé de zones boisées et, dans un périmètre élargi à quelques kilomètres, dans une zone bocagère préservée, essentiellement de plaine, mais dont les reliefs, tels que le plateau d'accueil du projet, ou d'autres monts, lui confèrent une allure variée et relativement pittoresque, agrémentée, en outre d'un patrimoine architectural ancien et digne d'intérêt.

S'agissant du parc naturel régional du Morvan (PNRM) :

18. Il ressort de ces mêmes pièces que le projet, qui ne comporte, selon l'arrêté en litige, que quatre machines, doit s'implanter à proximité d'une zone paysagère sensible constituée par la vallée du Serein, elle-même située à l'extérieur des limites du parc naturel régional du Morvan (PNRM) et éloignée des sites emblématiques et touristiques de ce parc naturel, dont le plus proche, Saulieu, est distant d'une quinzaine de kilomètres. Aucun élément du dossier ne permet d'établir que le parc éolien sera visible depuis ces lieux emblématiques. Les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir que le parc éolien portera une atteinte marquée au PNRM de nature à entacher d'erreur manifeste l'appréciation du préfet de la région Bourgogne concernant l'application l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme au regard des enjeux paysagers présentés par le PRNM.

S'agissant de l'église abbatiale de Saint-Thibault :

19. Il ressort du volet paysager de l'étude d'impact présentée au titre de la demande d'autorisation d'exploiter le parc, que cette église est située à environ sept kilomètres de l'éolienne la plus proche, sur les quatre autorisées par l'arrêté en litige, ainsi que l'a justement relevé le tribunal administratif de Dijon. Aucun élément n'établit que le parc éolien sera visible depuis l'église elle-même Si ces machines seront en partie en covisibilité du bourg de Saint-Thibault, qui abrite l'église, depuis la route locale RD 26, la perception en sera éloignée et ne concernera que la plaine agricole dépourvue de relief et elle-même déjà traversée par l'autoroute A6. Cette visibilité ne présente ainsi que des enjeux limités qui ne révèlent pas d'une méconnaissance manifeste des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

S'agissant du bourg de Mont-Saint-Jean :

20. Ce bourg perché, situé au sud du projet à un peu moins de trois kilomètres de l'éolienne la plus proche, légèrement en contrebas est flanqué d'une butte sur laquelle se trouve un château dont les remparts constituent une promenade offrant notamment des vues privilégiées sur la vallée du Serein. Il ressort du volet paysager de l'étude d'impact susmentionnée que les éoliennes devraient être partiellement visibles depuis les points hauts dégagés du bourg dont le château, qui n'est au demeurant pas ouvert au public. Elles seront toutefois séparées du bourg par des espaces boisés et les points de vue paysagers les plus attrayants sont à leur opposé. S'il ressort, par ailleurs, de divers photomontages produits au dossier que le Mont Saint-Jean sera en covisibilité avec les éoliennes depuis divers points de vues, l'impact visuel en demeurera limité, les quatre éoliennes autorisées étant éloignées des points de covisibilité et ne provoquant pas d'effet d'écrasement ou de saturation, ni d'effet de rupture brutale de la ligne d'horizon qui comporte d'ailleurs elle-même déjà des vues sur des structures artificielles telles que pylônes ou relais de radio et télécommunication. Il en résulte que, contrairement aux affirmations des requérants, l'atteinte visuelle sur le bourg du Mont Saint-Jean ne méconnaît pas manifestement les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

S'agissant du bourg et du Château de Missery :

21. Le village de Missery, situé au sud-ouest et au pied de coteau du plateau d'implantation des éoliennes, est partie intégrante de la " vallée " bocagère du Serein et comporte plusieurs éléments patrimoniaux historiques d'intérêt tels qu'une église du 12ème siècle, un château privé, fermé au public, du 18ème siècle, comportant quatre tours du 15ème siècle, entouré de douves et d'un parc également entouré de murs. Il ressort des photomontages produits au dossier que la vue sur les aérogénérateurs depuis le bourg sera limitée essentiellement aux pales, leurs mâts étant en large partie masqués par le relief du plateau et le couvert végétal. Ainsi, contrairement aux affirmations des requérants, l'installation du parc et la modification du paysage qu'il induira depuis le bourg de Missery, ne méconnaît pas manifestement les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

S'agissant du village de Noidan :

22. Le village de Noidan se trouvant à un peu moins de deux kilomètres au nord des deux éoliennes les plus proches autorisées et environ à 150 m en contrebas du site d'implantation, les éoliennes y seront nettement visibles sur la majeure partie de leur hauteur avec un effet de contreplongée. L'impact demeurant toutefois limité à un angle de vue relativement étroit, c'est sans erreur manifeste d'appréciation sur l'application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme que le préfet de la région Bourgogne a pu délivrer le permis de construire aux quatre éoliennes.

S'agissant du hameau de Saizerey :

23. Situé à environ un kilomètre au nord de Missery, ce hameau sera soumis à un impact visuel du même ordre que ce bourg, atténué cependant par le relief du plateau et son couvert boisé qui masquent en majeure partie les éoliennes dont l'impact visuel est ainsi limité.

24. Il résulte ainsi de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 doit être écarté.

25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt à agir des requérants, que les conclusions à fin d'annulation de ces derniers doivent être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la SNC MET Mont-Ernault, qui ne sont pas les parties perdantes, une somme à ce titre, les conclusions de l'association Chazelle l'écho environnement et autres en ce sens doivent être rejetées.

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge solidaire de l'association Chazelle l'écho environnement, l'association " les Amis de Saint-Thibault-en Auxois, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), la commune de Charny, la commune de Mont Saint-Jean, la communauté de communes de Saulieu, M. et Mme D... Z... et M. et Mme C... AA..., une somme de 3 000 euros qu'il paieront à la SNC MET Mont-Ernault, au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de M. et Mme AB... W... et de la société Jean-Michel Georges W..., ayant pour nom commercial " la tour de Giry " est admise.

Article 2 : La requête de l'association Chazelle l'écho environnement, l'association " les Amis de Saint-Thibault-en Auxois, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), la commune de Charny, la commune de Mont-Saint-Jean, la communauté de communes de Saulieu, M. et Mme D... Z... et M. et Mme C... AA..., est rejetée.

Article 3 : L'association Chazelle l'écho environnement, l'association " les Amis de Saint-Thibault-en Auxois, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), la commune de Charny, la commune de Mont-Saint-Jean, la communauté de communes de Saulieu, M. et Mme D... Z... et M. et Mme C... AA..., verseront solidairement une somme de 3 000 euros à la SNC MET Mont-Ernault en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Chazelle l'écho environnement, à l'association " les Amis de Saint-Thibault-en-Auxois ", à la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), à la commune de Charny, à la commune de Mont-Saint-Jean, à la communauté de communes de Saulieu, à M. et Mme D... Z..., à M. et Mme C... AA..., à M. et Mme AB... W..., à la société Jean-Michel Georges W..., ayant pour nom commercial " la tour de Giry ", au ministre de la transition écologique et solidaire, et à la SNC MET Mont-Ernault.

Copie en sera délivrée au préfet de la région Bourgogne.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Paix, présidente de chambre,

Gilles Fédi, président-assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

N° 18LY022202


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