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28/01/2021 | FRANCE | N°19LY00013

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 28 janvier 2021, 19LY00013


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le Gaec de l'or vert a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 mai 2017 n° 2017/05-79 par lequel le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a refusé de l'autoriser à exploiter les parcelles ZT 29, ZN 10 et ZS 2, situées sur le territoire de la commune d'Anzat-le-Luguet et, d'autre part, l'arrêté du même jour n° 2017/05-78 autorisant le Gaec Chabrut Pélissier à exploiter un ensemble de 69 hectares dont ces mêmes parcelles.

Par un jugement n°

1701485 du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le Gaec de l'or vert a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 mai 2017 n° 2017/05-79 par lequel le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a refusé de l'autoriser à exploiter les parcelles ZT 29, ZN 10 et ZS 2, situées sur le territoire de la commune d'Anzat-le-Luguet et, d'autre part, l'arrêté du même jour n° 2017/05-78 autorisant le Gaec Chabrut Pélissier à exploiter un ensemble de 69 hectares dont ces mêmes parcelles.

Par un jugement n° 1701485 du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces deux arrêtés du 9 mai 2017.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2019 et un mémoire, enregistré le 29 octobre 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 octobre 2018 ;

2°) de rejeter les conclusions du Gaec de l'or vert à fin d'annulation des arrêtés du 9 mai 2017.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une contradiction dès lors que dans le dispositif il a annulé la totalité de l'arrêté d'autorisation accordé au Gaec Chabrut Pélissier alors que dans les motifs, au point 11 du jugement, il ne vise que les trois parcelles faisant l'objet d'un refus d'autorisation au Gaec de l'or vert ; l'arrêté d'autorisation ne pouvait être annulé qu'en ce qui concerne les parcelles ZT 29, ZN 10 et ZS 2 ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu le moyen tiré de l'exception d'illégalité dès lors que les arrêtés en litige ne se fondent pas sur les dispositions de l'article 1er du schéma directeur régional définissant les " restructurations " ;

- le Gaec Chabrut Pélissier était prioritaire pour l'attribution des parcelles litigieuses, les deux Gaec étant par ailleurs l'un et l'autre en situation d'agrandissement ;

- aucune disposition du code rural et de la pêche maritime ne fait obstacle à ce que ne soient pas comptés dans les actifs, au titre des critères du rang de priorité, les associés ayant atteint l'âge de la retraite ;

- le signataire des décisions litigieuses était compétent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2019, le Gaec de l'or vert représenté par Me E... conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de ministre de l'agriculture et de l'alimentation la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Il soutient :

A titre principal que :

- la requête est tardive ;

- les moyens ne sont pas fondés ;

A titre subsidiaire que :

- le signataire de la décision est incompétent ;

- il n'a pas pu prendre connaissance du dossier de son concurrent, le Gaec Chabrut Pélissier, en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la substitution de motif demandée n'aboutit pas au maintien de la décision car le fait que M. D... C... ait atteint l'âge de la retraite, n'est pas de nature à le priver de la qualité d'actif, sa demande n'était donc pas d'un rang de priorité inférieur.

Par ordonnance du 23 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 30 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 20 juillet 2015 fixant le modèle d'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricole ;

- l'arrêté n° 2015-178 du préfet de la région Auvergne du 23 décembre 2015 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles pour la région Auvergne ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le GAEC Chabrut Pélissier constitué entre deux associés et exploitant une superficie de 207 hectares, a sollicité l'autorisation d'exploiter une surface supplémentaire d'environ 69 hectares incluant notamment les parcelles ZT 29, ZN 10 et ZS 2 situées sur le territoire de la commune d'Anzat-le-Luguet, dans la perspective d'accueillir un nouvel associé. Parallèlement, le Gaec de l'or vert, composé de trois associés, et qui exploite une superficie de près de 234 hectares, a également souhaité agrandir sa surface d'exploitation par l'ajout des trois parcelles ZT 29, ZN 10 et ZS 2 formant une superficie légèrement supérieure à 17 hectares. Par deux arrêtés du 9 mai 2017, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a, par le premier (n° 2017/05-78), autorisé le Gaec Chabrut Pélissier à exploiter les 69 hectares, dont les parcelles en concurrence ZT 29, ZN 10 et ZS 2, tandis qu'il refusait, par le second (n° 2017/05-79), d'accorder une telle autorisation au Gaec de l'or vert sur ces mêmes parcelles. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement rendu le 3 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande du Gaec de l'or vert, annulé ces deux arrêtés.

Sur la recevabilité de la requête :

2. En vertu de l'article R. 431-12 du code de justice administrative, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation était compétent pour relever appel du jugement susmentionné. Par suite, en vertu de l'article R. 751-8 du même code, l'expédition dudit jugement devait lui être adressée et sa copie devait être adressée au préfet. Il est constant que si l'expédition de la copie du jugement a été adressée au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes le 3 octobre 2018, ce jugement n'a été notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation que le 6 novembre 2018. Celui-ci disposait à compter de cette date d'un délai de deux mois pour interjeter appel. Par suite, la requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation enregistrée le 4 janvier 2019 n'est pas, contrairement à ce qui est soutenu, tardive.

Sur les conclusions à fin d'annulation du ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

3. Le code rural et de la pêche maritime dispose à son article L. 331-1 que : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : /1° Consolider ou maintenir les exploitations (...); / 2° Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, (...); / 3° Maintenir une agriculture diversifiée ". Il prévoit à son article L. 312-1 que : " I.-Le schéma directeur régional des exploitations agricoles (...) détermine, pour répondre à l'ensemble des objectifs mentionnés à l'article L. 331-1, les orientations de la politique régionale d'adaptation des structures d'exploitations agricoles, en tenant compte des spécificités des différents territoires et de l'ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux définis dans le plan régional de l'agriculture durable. (...) III.-[il] établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. / Les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation sont l'installation d'agriculteurs, l'agrandissement ou la réunion d'exploitations agricoles et le maintien ou la consolidation d'exploitations agricoles existantes. (...) ".

4. Pour l'application de ces dispositions, a été pris l'arrêté ministériel du 20 juillet 2015 susvisé qui dispose que : " le schéma directeur régional des exploitations agricoles doit être conforme au modèle figurant en annexe du présent arrêté ". L'article 1er de ce modèle figurant en annexe dispose que constitue une " installation " l'" action de s'établir sur une ou plusieurs unités de production constituant une entité juridique et économique autonome et indépendante pour y exercer une activité agricole ; " et un " agrandissement " le " fait, pour une personne, physique ou morale, mettant en valeur une exploitation agricole, d'accroître la superficie de cette exploitation. L'installation d'un nouvel exploitant en tant qu'associé d'une personne morale, si elle s'accompagne d'une mise à disposition de terres supplémentaire, est un agrandissement de la société au regard des priorités du SDREA / est également considéré comme un agrandissement ou une réunion d'exploitations au bénéfice d'une personne morale, la mise à disposition de biens d'un associé exploitant lors de son entrée dans une personne morale (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Auvergne, établi par l'arrêté susvisé du 23 décembre 2015, distingue, à son article 4, trois catégories d'opérations susceptibles d'être soumises au contrôle des structures d'exploitation : l'installation, la consolidation et la restructuration. Aux termes des dispositions de ce même article, l'opération " installation " comprend, entre autres, " l'entrée d'un nouvel exploitant dans une société avec ou sans mise à disposition de terre supplémentaire ". Ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, outre que le type d'opération dénommée dans ce schéma " restructuration " n'est prévue ni dans les dispositions précitée de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, ni dans celles de l'arrêté ministériel du 20 juillet 2015, en conférant à la catégorie d'opération " installation " une définition différente de celle de l'arrêté du 20 juillet 2015, le schéma directeur régional des exploitations agricoles d'Auvergne en a fait une inexacte application.

6. Il n'est pas contesté que l'opération demandée par le Gaec Chabrut Pélissier a été considérée par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes comme une opération " d'installation " au sens des dispositions de l'article 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles d'Auvergne. Ainsi que le reconnaît le ministre de l'agriculture et de l'alimentation les deux opérations demandées par le Gaec de l'or vert et le Gaec Chabrut Pélissier devaient, l'une et l'autre, être qualifiées d' " agrandissement " au sens des dispositions de l'arrêté du 20 juillet 2015. Cet arrêté, qui expose les lignes directrices que doivent respecter les schémas directeurs régionaux d'exploitations agricoles, n'est toutefois pas applicable directement aux décisions en cause, la seule base légale susceptible de fonder les décisions du préfet sur les demandes des deux GAEC étant le schéma directeur régional des exploitations agricoles d'Auvergne. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est ainsi fondé ni à demander la requalification de l'opération du Gaec Chabrut Pélissier comme un agrandissement, ni à demander l'application des dispositions, entachées, comme il vient d'être dit, d'erreur de droit, du schéma directeur régional. Par suite, contrairement à ce que soutient le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, c'est sans erreur que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a considéré que le Gaec de l'or vert était fondé à soutenir, par la voie de l'exception, qu'en faisant application, pour départager les deux demandes qui lui étaient soumises, des dispositions entachées d'erreur de droit de l'article 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles d'Auvergne, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a entaché d'illégalité les deux arrêtés litigieux.

7. Toutefois, si l'illégalité susmentionnée conduit à l'annulation complète de l'arrêté du 9 mai 2017 n° 2017/05-79 refusant au Gaec de l'or vert l'autorisation sollicitée d'exploiter les parcelles ZT 29, ZN 10 et ZS 2, cette illégalité n'était de nature à entacher l'arrêté n° 2017/05-78 autorisant le Gaec Chabrut Pélissier à exploiter ces mêmes parcelles que dans cette mesure. Cette illégalité est sans influence sur l'autorisation accordée portant sur les autres parcelles, aucun autre moyen n'étant par ailleurs soulevé contre la partie de l'autorisation portant sur celles-ci.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas limité son annulation de l'autorisation n° 2017/05-78 aux seules parcelles litigieuses. Il en résulte que le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand doit être annulé dans cette mesure.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mis à la charge du Gaec de l'or vert, qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions du ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce sens doivent être rejetées.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros qu'il paiera au Gaec de l'or vert, au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 9 mai 2017 n° 2017/05-78 du préfet de la région Rhône Alpes est annulé en tant qu'il concerne les parcelles ZT 29, ZN 10 et ZS 2.

Article 2 : L'arrêté du 9 mai 2017 n° 2017/05-79 du préfet de la région Rhône Alpes est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est rejeté.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros au Gaec de l'or vert en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et au Gaec de l'or vert.

Copie en sera délivrée au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme B... A..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.

N° 19LY000132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00013
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures. Cumuls d'exploitations.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DELAHAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-28;19ly00013 ?
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