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07/10/2021 | FRANCE | N°19LY02857

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 07 octobre 2021, 19LY02857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée sous le n° 1802708, la commune de Saint-Claude et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision n° ARS-BFC/DOS/PSH/2018-889 du 14 août 2018 par laquelle l'Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a retiré l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier Louis Jaillon situé à Saint-Claude.

Par un jugement n° 1802708 du 10 mai 2019, le tribunal administratif de Dijon a reje

té leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée sous le n° 1802708, la commune de Saint-Claude et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision n° ARS-BFC/DOS/PSH/2018-889 du 14 août 2018 par laquelle l'Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a retiré l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier Louis Jaillon situé à Saint-Claude.

Par un jugement n° 1802708 du 10 mai 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2019 sous le n° 19LY02857, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 7 et 25 août 2020, la commune de Saint-Claude et M. G... A..., représentés par Me Herrmann, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° ARS-BFC/DOS/PSH/2018-889 du 14 août 2018 par laquelle le directeur général de l'Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a retiré l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier Louis Jaillon situé à Saint-Claude ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la cheffe de service adjointe à la directrice générale de l'offre de soins du ministère des solidarités et de la santé n'a aucune compétence pour représenter le ministre ;

- le ministre ne peut se référer à ses écritures de première instance sans qu'elles soient exposées et jointes en cause d'appel ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le mémoire de l'agence régionale de santé, enregistré le 26 mars 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 22 mars 2019, n'a pas été communiqué alors qu'il n'est pas établi que les premiers juges n'en auraient pas tenu compte lors du délibéré ; le principe du caractère contradictoire de la procédure a ainsi été méconnu ; le tribunal administratif n'a pas répondu à l'ensemble des moyens présentés et le jugement est insuffisamment motivé ; le jugement de première instance n'a pas été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier de l'audience ;

- la décision n'a pas été signée par le directeur général de l'agence régionale de santé mais par le directeur général adjoint ; la délégation de signature au profit du directeur général adjoint est trop générale et imprécise quant à son second volet et ne définit pas précisément les matières déléguées ; la décision litigieuse est privée de base légale du fait de l'illégalité de la délégation ; il n'est pas établi que le directeur général de l'agence régionale de santé aurait été absent ou empêché alors qu'il est courant que le même jour des décisions soient prises concomitamment par le directeur général et par le directeur général adjoint de l'agence régionale de santé ; il n'est pas justifié que le directeur général aurait été informé de cette décision ;

- la décision de suspension et donc celle de retrait de l'autorisation n'a pas été précédée d'une injonction prévue par les dispositions de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique et permet de constater que, pour l'agence régionale de santé, la réponse du 9 mars 2018 de l'administrateur provisoire était suffisante s'agissant des mesures correctrices ;

- les décisions de suspension et de retrait ne sont pas suffisamment motivées ; il appartenait à l'autorité administrative de démontrer l'urgence tenant à la sécurité des patients conformément aux termes du II de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique ; la suspension ne pouvait qu'être immédiate et non pas différée dans le temps ; de même, la réponse le 9 mars 2018 de l'administrateur provisoire établit l'absence d'urgence de nature à justifier une suspension ; la décision de suspension donnait un délai d'un mois à l'administrateur provisoire pour remédier aux manquements notifiés, l'administrateur provisoire n'y a pas répondu et le retrait n'interviendra que le 14 août 2018 démontrant ainsi l'absence d'urgence ; les manquements reprochés ont trait à des points organisationnels des services mais rien n'est fourni pour apprécier la réalité du constat de l'administration ou les tentatives de recrutement de spécialistes par l'administrateur provisoire ; s'il est fait état d'évènements indésirables, ils ne sont pas détaillés ; si la décision critiquée fait état de correspondances et décisions, celles-ci ne sont pas jointes de telle sorte qu'aucune motivation par référence ne peut être retenue ;

- l'avis du conseil de surveillance de l'établissement était requis au regard des dispositions de l'article L. 6143-1 du code de la santé publique compte tenu de ce que la décision avait trait à la qualité, la sécurité des soins, à la gestion des risques et aux conditions d'accueil et de prise en charge ;

- la transformation de la maternité en centre périnatal de proximité (CPP) n'a pas respecté la procédure prévue à l'article L. 6122-1 et L. 6122-6 du code de la santé publique ; le transfert des soins de gynécologie-obstétrique a priori vers le centre hospitalier de Lons-le-Saunier revient à y concentrer et regrouper l'activité de gynécologie-obstétrique ; ce transfert n'a pas été apprécié par la commission spécialisée de l'organisation des soins de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie prévue au 3ème alinéa de l'article L. 6122-8 du code de la santé publique ; la procédure prévue par l'article R. 6122-35 du code de la santé publique pour un transfert d'autorisation n'a pas été respectée ;

- par un arrêté du 12 mai 2017, le centre hospitalier Louis Jaillon a été placé sous administration provisoire à compter du 18 mai 2017 ; M. E..., inspecteur général des affaires sociales, n'a pas respecté les termes du dernier alinéa de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique en ne remettant pas le rapport de gestion deux mois avant la fin de mandat ;

- l'organisation courante jusqu'à la mise en place de la suspension a été garante de la permanence et de la qualité des soins et de la sécurité des patients et ce grâce au recours à des praticiens contractuels ou intérimaires ; l'agence régionale de santé ne fournit aucun document de recensement des événements indésirables graves ; il en est de même de la prétendue rupture d'activité de gynécologie-obstétrique du 2 au 4 janvier 2018 ; la suspension et la fermeture de la maternité sont de nature à créer une situation intolérable en termes de sécurité et de santé publiques compte tenu de la situation de Saint-Claude en zone de montagne qui ne bénéficie que de voies de circulation rares et particulièrement difficiles en période hivernale ;

- il y a une rupture d'égalité devant les charges publiques conduisant à un traitement inégalitaire dès lors que sont essentiellement mises en exergue des difficultés statutaires liées à l'organisation du service de maternité et que ces difficultés sont rigoureusement les mêmes pour les autres services du centre hospitalier ; deux gynécologues avaient indiqué être intéressés pour travailler dans le service de maternité du centre hospitalier avant la fermeture ; un chirurgien viscéral a été forcé au départ alors que la présence d'un tel chirurgien à temps plein permet de répondre aux impératifs réglementaires lorsque le gynécologue n'est pas qualifié en chirurgie ; le docteur B..., gynécologue-obstétricien à la maternité, a été contraint de quitter la maternité en raison d'une rémunération inférieure à la pratique habituelle ; l'administrateur provisoire n'a pas procédé à des recrutements compliquant le fonctionnement du centre hospitalier et créant des dysfonctionnements ;

- la décision de suspension et de fermeture du service de maternité méconnaît le projet régional de santé qui s'attache à garantir à tous une offre de soins dans des conditions permettant de pallier les inégalités sociales et/ou géographiques au sein des territoires de santé et le schéma régional d'organisation des soins (SROS) 2012/2016 qui garantissait le maintien de la maternité pour des raisons géographiques et climatiques afin d'assurer une offre de proximité dans le secteur du Haut-Jura ;

- la décision litigieuse méconnaît les principes fondamentaux prévus par les articles L. 1110-3 et L. 1110-5 du code de la santé publique et méconnait le principe fondamental de libre choix pour la parturiente de son praticien et de son établissement de santé conformément aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 1110-8 du code de la santé publique ;

- la décision est entachée d'un détournement de procédure dès lors que la fermeture de la maternité a été décidée pour des motifs économiques et financiers et non pour des motifs tirés de la sécurité des patientes ;

- la cour des comptes a précisé, dans une étude de décembre 2014 confirmée par des études de l'INSERM et du centre hospitalier universitaire de Dijon, que l'éloignement de la parturiente de la maternité est un facteur de risque potentiel ; depuis la fermeture de la maternité de Saint-Claude au mois d'avril 2018, six cas officiels d'accouchements inopinés et problématiques se sont produits ; par suite, cette fermeture préjudicie aux parturientes et aux nouveau-nés.

Par des mémoires, enregistrés le 25 février 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- sur la régularité du jugement attaqué, les premiers juges ont répondu à tous les moyens invoqués et le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement manque en fait ; le juge administratif n'était pas tenu de communiquer le mémoire du 26 mars 2019 en l'absence de réouverture de l'instruction et les premiers juges ont pris connaissance de ce mémoire, l'ont visé sans être tenu de rouvrir l'instruction conformément à l'article R. 613-3 du code de justice administrative ; par suite, le moyen tiré du non-respect du caractère contradictoire de la procédure manque en fait ; le jugement a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- sur la recevabilité de la demande ; il se rapporte aux écritures de première instance ;

- il résulte des dispositions de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique que les mesures prévues au I de cet article ne font pas obstacle à la mise en œuvre des mesures prévues par le II ;

- il renvoie aux écritures produites par l'agence régionale de santé en première instance ;

- s'agissant de la compétence de l'auteur de la décision ; par une décision du 1er juin 2018, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur général de l'agence régionale de santé, délégation de signature est donnée à M. D... C..., directeur général adjoint, à l'effet de signer les décisions relatives à l'exercice de la totalité des mission de l'agence, à charge pour lui d'en informer le directeur général ; l'obligation d'information du supérieur hiérarchique n'est pas une condition de validité de la délégation de signature ; il n'est pas établi que le directeur général de l'agence régionale de santé n'ait pas été absent ou empêché ; par suite, le directeur général adjoint de l'agence régionale de santé était compétent pour signer la décision de retrait ;

- le II de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique n'est pas indépendant du I ; si l'urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel se présente, le directeur général peut prononcer la suspension immédiate de l'autorisation ; le cas de l'injonction non satisfaite relève d'une autre procédure en l'absence d'urgence ; le directeur général a fait le choix de ne pas adresser d'injonction en application du I de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique au regard de l'urgence de la situation et a décidé de prononcer une mesure de suspension immédiate ; celle-ci était accompagnée d'une mise en demeure de remédier aux manquements dans un délai d'un mois à compter de sa réception le 23 mars 2018 ; en application du 4ème alinéa de cet article, en l'absence de mesures correctrices des manquements, le directeur général peut procéder au retrait de l'autorisation ;

- s'agissant de la motivation ; les requérants ne peuvent exciper de l'illégalité de la décision de suspension afin de démontrer que la décision attaquée est insuffisamment motivée ; par ailleurs, il ne ressort pas des dispositions de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique que la condition d'urgence doit être motivée dès lors que cette condition ne concerne que les mesures de suspension en application de l'alinéa 1er du II de l'article L. 6122-13 ; en tout état de cause, la décision de retrait est fondée sur la décision de suspension et notamment sur l'absence de réponse satisfaisante à la mise en demeure accompagnant la décision de suspension ; si les visas de la décision contestée font référence à des événements indésirables et à des courriers, il ne s'agit pas de la motivation de la décision ; seul le courrier du 9 mars 2018 est cité et ce courrier ne constitue pas la motivation de la décision ;

- s'agissant de l'avis du conseil de surveillance ; en application de l'article L. 6143-1 du code de la santé publique, cet avis est requis pour les décisions internes à l'établissement et non pour les décisions de suspension ou de retrait ;

- la décision contestée a pour objet le retrait de l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique et non la création d'un centre périnatal de proximité ou le transfert des activités de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier Louis Jaillon vers la maternité de Lons-le-Saunier ;

- les dispositions de l'article L. 6113-1 du code de la santé publique prévoient que le rapport de l'administrateur provisoire remis à l'agence régionale de santé peut permettre au directeur général de l'agence de mettre en œuvre notamment des mesures de coordination ou des mesures de coopération et de fusion des établissements de santé ; il n'a pas pour objet de permettre au directeur général de mettre en œuvre les mesures prévues à l'article L. 6211-13 du code de la santé publique ; l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique ne prévoit pas que le directeur général sollicite lui-même la communication de ce rapport ;

- la décision n'est pas fondée sur l'urgence et l'urgence n'a pas à être caractérisée pour une décision de retrait ;

- les services du centre hospitalier Louis Jaillon ne se trouvant pas tous dans une situation identique, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques est infondé ;

- la décision de retrait n'est pas fondée sur les difficultés statutaires liées à l'organisation des services mais sur l'incapacité de l'établissement à garantir aux parturientes la permanence et la sécurité des soins à partir du 3 avril 2018 ;

- les requérants ne peuvent se prévaloir du schéma régional d'organisation des soins de 2012-2016 qui n'était applicable que jusqu'au 3 juillet 2018 pour contester la légalité de la décision du 14 août 2018 ; l'activité de soins de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier était incompatible avec les dispositions du nouveau projet régional de santé (PRS) de Franche-Comté 2018-2028 ;

- la décision contestée n'a ni méconnu le principe de continuité du service public ni les droits garantis par les articles L. 1110-1, L. 1110-3, L. 1110-5 et L. 1110-8 du code de la santé publique dès lors que le centre hospitalier n'était plus en mesure de garantir une prise en charge sécurisée des parturientes et des nouveau-nés ;

- la décision n'est pas entachée d'un détournement de procédure ; s'il n'y avait pas eu d'urgence, le projet régional de santé de 2018 ayant prévu une implantation en moins pour le territoire de santé du Jura pour l'activité de soins de gynécologie-obstétrique, l'autorisation serait devenue incompatible avec le nouveau projet régional de santé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Herrmann, représentant la commune de Saint-Claude et M. A....

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Saint Claude et M. A..., a été enregistrée au greffe le 14 septembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 19 décembre 2000, renouvelée tacitement le 19 décembre 2015, le centre hospitalier Louis Jaillon situé à Saint-Claude a été autorisé à exercer l'activité de soins de gynécologie obstétrique sous la forme d'hospitalisation complète. Le 27 février 2017, le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a demandé au centre hospitalier Louis Jaillon de présenter un plan de redressement dans le délai d'un mois. En l'absence de présentation d'un plan de redressement, par un arrêté n° 2017-391 du 12 mai 2017, le directeur général de l'Agence régionale de Santé de Bourgogne-Franche-Comté a placé le centre hospitalier Louis Jaillon de Saint-Claude sous administration provisoire pour une durée de douze mois renouvelables à compter du 18 mai 2017 sur le fondement des dispositions des articles L. 1431-2, L. 1432-2, L. 6143-3, L. 6143-3-1 et D. 6143-39 du code de la santé publique aux motifs d'une " situation financière structurellement dégradée ", " d'un déficit du budget principal de 15,3 % du total des produits " et " d'une insuffisance d'autofinancement de 2 millions d'euros projetée en 2017 ". Par un courrier du 15 février 2018, le directeur général de l'Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a fait état de dysfonctionnements dans l'organisation de l'activité de soins en gynécologie-obstétrique du centre hospitalier et l'a mis en demeure de proposer des mesures correctrices concernant le service de maternité. Le 9 mars 2018, l'administrateur provisoire a fait état des difficultés d'attractivité médicale et de l'incapacité de l'établissement à garantir de façon permanente la continuité de la prise en charge obstétricale et chirurgicale 24 heures sur 24 à compter du 3 avril 2018. Le 20 mars 2018, l'administrateur provisoire a informé l'agence régionale de santé des difficultés rencontrées depuis novembre 2017 pour assurer la permanence médicale en chirurgie viscérale. Par une décision n° ARS-BFC/DOS/PSH/2018-227 du 20 mars 2018, le directeur général de l'Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a suspendu l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier Louis Jaillon de Saint-Claude en application de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique à compter du 3 avril 2018 à huit heures. Le 18 juin 2018, la commission spécialisée de l'organisation des soins a émis un avis favorable pour le retrait de l'autorisation de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier. Par une décision n° ARS-BFC/DOS/PSH/2018-889 du 14 août 2018, le directeur général de l'Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a retiré l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier Louis Jaillon. Par une requête, enregistrée sous le n° 19LY02858, la commune de Saint-Claude et M. G... A... relèvent appel du jugement du 10 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est, à cet égard, entaché d'irrégularité.

4. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction ".

5. Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé -, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Dans tous les cas où il est amené à tenir compte de ce mémoire, il doit - à l'exception de l'hypothèse dans laquelle il s'agit pour le juge de la reconduite de se fonder sur un moyen qu'il devait relever d'office - le soumettre au débat contradictoire, soit en suspendant l'audience pour permettre à l'autre partie d'en prendre connaissance et de préparer ses observations, soit en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire produit le 26 mars 2019 par l'agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 22 mars 2019, se bornait à développer l'argumentation produite dans ses mémoires en défense, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Dijon les 22 janvier et 28 février 2019, sans faire état de nouveaux moyens. Il ne ressort pas des mentions du jugement attaqué que les premiers juges se seraient fondés sur les écritures de l'agence régionale de santé issues de ce mémoire du 26 mars 2019 pour apprécier la légalité de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure, doit être écarté.

7. Contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments des requérants, ont répondus à tous les moyens soulevés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement ne peut qu'être écarté.

Sur la recevabilité du mémoire en défense présenté par le ministre des solidarités et de la santé :

8. Les requérants font valoir que la cheffe de service adjointe à la directrice générale de l'offre de soins du ministère des solidarités et de la santé n'a aucune compétence pour représenter le ministre.

9. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ". Par un décret du 24 juillet 2019, Mme F..., cheffe de service, adjointe à la directrice générale de l'offre de soins, a été chargée des fonctions de directrice générale de l'offre de soins par intérim à compter du 1er août 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que le mémoire en défense aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait.

10. En défense, le ministre peut s'en remettre aux écritures de première instance produites par l'agence régionale de santé sur les moyens des requérants repris en appel.

Sur la légalité de la décision du 14 août 2018 retirant l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier Louis Jaillon :

11. Par un arrêté du 1er juin 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial le 4 juin 2018, le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a donné délégation de signature à M. D... C..., directeur général adjoint de l'agence régionale, à l'effet de signer les décisions relatives à l'exercice de la totalité des missions de l'agence régionale de santé, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur général et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce directeur général n'aurait pas été absent ou empêché à la date de la décision litigieuse. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la délégation de signature n'est ni générale ni imprécise. La circonstance que l'arrêté de délégation précise qu'il appartient au directeur général adjoint d'informer le directeur général des décisions signées est sans incidence sur la légalité de l'arrêté de délégation du 1er juin 2018 et sur celle des décisions signées en vertu de la délégation qu'il contient. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du directeur général adjoint de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté pour signer la décision contestée doit être écarté.

12. Il ressort des mentions de la décision critiquée qu'après avoir visé les articles L. 1432-2, L. 6122-1 à L. 6122-13, R. 6122-23 à R. 6122-25, R. 6122-40, R. 6122-41, R. 6123-39 à R. 6123-53, D. 6124-35 à D. 6124-631 du code de la santé publique, le directeur général adjoint de l'agence régionale de santé a indiqué que " du 2 au 4 janvier 2018, le centre hospitalier Louis Jaillon a été contraint, faute de ressource médicale disponible, de transférer toutes les patientes hospitalisées et rediriger toutes les urgences vers les centres hospitaliers les plus proches autorisés pour l'activité de gynécologie-obstétrique ; que l'établissement ne disposait que d'un seul poste de praticien hospitalier actuellement occupé par un titulaire avant la suspension provisoire de l'autorisation ; que cette situation contraint l'établissement à recourir à des praticiens contractuels ou intérimaires dans des conditions incompatibles avec les exigences de sécurité concernant la prise en charge des patients ; que les différents éléments portés à la connaissance de l'agence régionale de santé par l'établissement permettent d'établir l'existence de périodes sans astreinte en dehors de la présence sur site d'un praticien en journée, l'absence de dispositif permettant d'assurer la continuité des soins et la permanence des soins dans le cas de l'absence non programmée du praticien devant assurer l'astreinte, l'astreinte d'un seul et même praticien sur de longues périodes sans jour de repos et donc une violation de la réglementation relative au temps de travail régissant le repos quotidien garanti aux praticiens ; que l'établissement, dans son courrier du 9 mars 2018, indique expressément qu'il n'est plus en capacité d'assurer la continuité et la permanence des soins et donc de garantir la qualité des soins et la sécurité des patients à compter du 3 avril 2018 ; que l'établissement devait porter à la connaissance de l'agence régionale de santé dans un délai d'un mois à compter de la décision de suspension l'ensemble des mesures pour remédier aux manquements notifiés conformément au II de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique ; que pour éviter une rupture de prise en charge sur la commune de Saint-Claude un centre périnatal a été créé sur le site de l'établissement afin de maintenir une offre de proximité pré et postnatale à destination des parturientes et des nouveau-nés sur la zone du Jura ; que l'établissement n'a à aucun moment pris des mesures correctives depuis la suspension de son autorisation pour améliorer la situation de fragilité de l'équipe médicale dédiée au fonctionnement de la maternité de Saint-Claude, pour organiser la continuité obstétricale et chirurgicale des soins tous les jours de l'année, 24h sur 24 dans l'unité d'obstétrique, pour garantir la présence des médecins spécialistes assurée par un gynécologue-obstétricien, sur place ou en astreinte opérationnelle exclusive, tous les jours de l'année 24h sur 24 pour l'unité d'obstétrique, pour organiser l'intervention d'un gynécologue-obstétricien sur appel, en cas de situation à risque pour la mère ou l'enfant dans des délais compatibles avec l'impératif de sécurité et que l'établissement n'est donc plus en mesure de garantir une sécurité de prise en charge des parturientes et des nouveau-nés et le respect des conditions techniques de fonctionnement et aux conditions d'implantation de l'activité de gynécologie-obstétrique. Par suite, la décision critiquée, qui n'est pas fondée sur la survenue d'événements indésirables, est suffisamment motivée en fait et en droit alors, au demeurant, que l'urgence ne conditionne pas la mise en œuvre des dispositions relatives au retrait d'une autorisation d'exercice d'une activité de soins prévue par le II de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique.

13. Si les requérants font valoir que la référence aux courriers et lettres, qui n'ont pas été joints, n'est pas suffisante pour assurer une motivation par référence de la décision, la décision litigieuse ne vise que le courrier du 9 mars 2018 de l'administrateur provisoire du centre hospitalier dont les conclusions sont expressément reprises dans la décision critiquée. Par ailleurs, la motivation de la décision est suffisante en soi pour permettre d'en comprendre les motifs de fait et de droit sans qu'il ait été nécessaire de joindre la décision de suspension provisoire.

14. Aux termes de l'article L. 6143-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Le conseil de surveillance se prononce sur la stratégie et exerce le contrôle permanent de la gestion de l'établissement. Il délibère sur : 1° Le projet d'établissement mentionné à l'article L. 6143-2 ; 2° La convention constitutive des centres hospitaliers universitaires et les conventions passées en application de l'article L. 6142-5 ; 3° Le compte financier et l'affectation des résultats ; 4° Tout projet tendant à la fusion avec un ou plusieurs établissements publics de santé ; 5° Le rapport annuel sur l'activité de l'établissement présenté par le directeur ; 6° Toute convention intervenant entre l'établissement public de santé et l'un des membres de son directoire ou de son conseil de surveillance ; 7° Les statuts des fondations hospitalières créées par l'établissement ; 8° Les prises de participation et les créations de filiales mentionnées à l'article L. 6145-7. Il donne son avis sur : - la politique d'amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques ainsi que les conditions d'accueil et de prise en charge des usagers (...). A tout moment, le conseil de surveillance opère les vérifications et les contrôles qu'il juge opportuns et peut se faire communiquer les documents qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. " Aux termes de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique : " (...) Pendant la période d'administration provisoire, les attributions du conseil de surveillance et du directeur, ou les attributions de ce conseil ou du directeur, sont assurées par les administrateurs provisoires. "

15. Si les requérants font valoir que l'avis du conseil de surveillance de l'établissement était requis au regard des dispositions de l'article L. 6143-1 du code de la santé publique compte tenu de ce que la décision avait trait à la qualité, la sécurité des soins, à la gestion des risques et aux conditions d'accueil et de prise en charge des usagers, la décision du 14 août 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé a retiré l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier de Saint-Claude constitue une mesure de police administrative en vue d'assurer la sécurité des patients. Cette mesure de police administrative ne saurait être regardée comme une " politique d'amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques " ou comme ayant trait aux conditions d'accueil et de prise en charge des usagers fixées par l'établissement au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 6143-1 du code de la santé publique alors, au demeurant, que, par un arrêté du 12 mai 2017, le centre hospitalier Louis Jaillon a été placé sous administration provisoire à compter du 18 mai 2017 et que durant la période d'administration provisoire, les attributions de ce conseil de surveillance sont assurées par les administrateurs provisoires en application des dispositions de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique. Par suite, la décision contestée n'avait pas à être précédée de la consultation du conseil de surveillance du centre hospitalier.

16. Si les requérants font valoir que la transformation du service de maternité du centre hospitalier en centre périnatal de proximité (CPP) n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 6122-1 et L. 6122-6 du code de la santé publique, que le transfert des soins de gynécologie-obstétrique a priori vers le centre hospitalier de Lons-le-Saunier n'a pas été apprécié par la commission spécialisée de l'organisation des soins de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie prévue au 3ème alinéa de l'article L. 6122-8 du code de la santé publique et que la procédure prévue par l'article R. 6122-35 du code de la santé publique pour un transfert d'autorisation n'a pas été respectée, la décision litigieuse, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Dijon, a procédé au retrait de l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique et n'a pas eu pour objet de créer un centre périnatal de proximité ou de transférer les activités de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier Louis Jaillon vers la maternité de Lons-le-Saunier. Par suite, les moyens invoqués ne peuvent qu'être écartés.

17. Aux termes de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique : " Par décision motivée et pour une durée n'excédant pas douze mois, le directeur général de l'agence régionale de santé place l'établissement public de santé sous administration provisoire soit d'inspecteurs du corps de l'inspection générale des affaires sociales ou de l'inspection générale des finances, soit de personnels de direction des établissements mentionnés aux 1° et 2° de l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, soit de toutes autres personnalités qualifiées, désignés par le ministre chargé de la santé, en cas de manquement grave portant atteinte à la sécurité des patients ou lorsque, après qu'il a mis en œuvre la procédure prévue à l'article L. 6143-3, l'établissement ne présente pas de plan de redressement dans le délai requis, refuse de signer l'avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens ou n'exécute pas le plan de redressement, ou lorsque le plan de redressement ne permet pas de redresser la situation de l'établissement. (...) Deux mois au moins avant la fin de leur mandat, les administrateurs provisoires remettent un rapport de gestion au directeur général de l'agence. Au vu de ce rapport, ce dernier peut décider de mettre en œuvre les mesures prévues aux articles L. 6131-1 et suivants. (...) ".

18. S'il n'est pas contesté que les administrateurs provisoires n'ont pas remis au directeur général de l'agence un rapport de gestion, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au directeur général de l'agence régionale de santé de solliciter ce rapport pour mettre en œuvre les mesures prévues à l'article L. 6122-13 du code de la santé publique.

19. Aux termes de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.- Lorsqu'il est constaté, à l'occasion de l'exercice d'une activité de soins ou de l'installation d'un équipement matériel lourd, un manquement aux lois et règlements pris pour la protection de la santé publique ou à la continuité des soins assurée par le personnel médical imputable à la personne titulaire de l'autorisation, le directeur général de l'agence régionale de santé le notifie à cette dernière et lui demande de faire connaître, dans les huit jours, ses observations en réponse ainsi que les mesures correctrices adoptées ou envisagées. / En l'absence de réponse dans ce délai ou si cette réponse est insuffisante, il adresse au titulaire de l'autorisation une injonction de prendre toutes dispositions nécessaires et de faire cesser définitivement les manquements dans un délai déterminé. Il en constate l'exécution. / II.-En cas d'urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel ou lorsqu'il n'a pas été satisfait, dans le délai fixé, à l'injonction prévue au I, le directeur général de l'agence régionale de santé peut prononcer la suspension immédiate, totale ou partielle, de l'autorisation de l'activité de soins concernée ou l'interruption immédiate du fonctionnement des moyens techniques de toute nature nécessaires à la dispensation des soins. / La décision est notifiée au titulaire de l'autorisation, accompagnée des constatations faites et assortie d'une mise en demeure de remédier aux manquements dans un délai déterminé. / S'il est constaté au terme de ce délai qu'il a été satisfait à la mise en demeure, le directeur général de l'agence régionale met fin à la suspension. / Dans le cas contraire et après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire, le directeur général de l'agence régionale de santé se prononce alors à titre définitif, soit sur le maintien de la suspension jusqu'à l'achèvement des mesures prévues, soit sur le retrait de l'autorisation ou sur la modification de son contenu. Il peut également assortir l'autorisation des conditions particulières mentionnées à l'article L. 6122-7. "

20. Aux termes de l'article D. 6124-44 du code de la santé publique : " Le personnel intervenant dans le secteur de naissance ne peut être inférieur, à tout instant, aux effectifs suivants : (...) 2° En ce qui concerne les médecins : Quel que soit le nombre de naissances constatées dans un établissement de santé, celui-ci organise la continuité obstétricale et chirurgicale des soins tous les jours de l'année, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans l'unité d'obstétrique. Cette continuité est assurée : - soit par un gynécologue-obstétricien ayant la qualification chirurgicale ; - soit, lorsque l'établissement ne peut disposer que d'un praticien ayant seulement une compétence obstétricale, à la fois par cet obstétricien et par un praticien de chirurgie générale ou viscérale de l'établissement. a) Pour les unités réalisant moins de 1 500 naissances par an, la présence des médecins spécialistes est assurée par : - un gynécologue-obstétricien, sur place ou en astreinte opérationnelle exclusive, tous les jours de l'année, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour l'unité ou les unités d'obstétrique du même site. Le gynécologue-obstétricien intervient, sur appel, en cas de situation à risque pour la mère ou l'enfant dans des délais compatibles avec l'impératif de sécurité ; - un anesthésiste-réanimateur, sur place ou d'astreinte opérationnelle permanente et exclusive pour le site dont le délai d'arrivée est compatible avec l'impératif de sécurité ; (...) ".

21. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une note de service de la directrice déléguée du centre hospitalier du 29 décembre 2017 faisant état de la nécessité faute de praticiens suffisants de réorienter les parturientes vers le centre hospitalier Jura Sud ou le centre hospitalier du Haut-Bugey du 2 au 4 janvier 2018, le directeur général de l'agence régionale de santé a demandé à l'administrateur provisoire de préciser l'organisation de la continuité médicale de la maternité. Par une lettre du 30 janvier 2018, l'administrateur provisoire a indiqué que la situation était " extrêmement fragile du fait des effectifs médicaux puisqu'un seul poste de praticien hospitalier est pourvu par un titulaire " et que, confronté à cette situation, l'établissement est contraint de recourir à des praticiens soit par intérim soit par des contrats courts, que " l'absence intermittente de permanence des soins en chirurgie viscérale limite les possibilités de recrutements aux seuls praticiens qualifiés en chirurgie " et que " malgré la publication de postes, le centre hospitalier n'a reçu aucune candidature de gynécologue-obstétricien ". A la suite de la communication des plannings des effectifs médicaux et paramédicaux, le directeur général de l'agence régionale de santé a constaté, par un courrier du 15 février 2018, d'une part, que les conditions d'organisation de la continuité et de la permanence des soins en obstétrique, telles que définies à l'article D. 6124-44 du code de la santé publique, n'étaient pas respectées dès lors que la continuité obstétricale, chirurgicale et médicale était uniquement assurée en journée à compter du 4 mars 2018 et que, du 5 au 8 mars 2018, le service fonctionnait sans couverture médicale par un praticien qualifié et, d'autre part, que les praticiens étaient appelés à assurer seuls la présence médicale au sein du service de gynécologie-obstétrique en journée et l'astreinte opérationnelle sur plusieurs jours consécutifs en méconnaissance des articles R. 6152-27 et R. 6152-407 du code de la santé publique relatifs au repos des praticiens hospitaliers et contractuels et a invité l'administrateur provisoire à indiquer, dans un délai de huit jours, les mesures correctrices durables et sécurisées pour faire cesser les différents manquements relevés. En réponse, par une lettre du 9 mars 2018, l'administrateur provisoire a indiqué que le centre hospitalier n'a qu'un seul praticien hospitalier titulaire en gynécologie-obstétrique et en anesthésie qui sont tous deux domiciliés hors de la région, que le praticien hospitalier d'anesthésie a sollicité une disponibilité à compter du 1er avril 2018 et que le praticien contractuel d'anesthésie a été interdit d'exercer par une décision de justice, ce qui oblige le service de maternité à recourir exclusivement à l'intérim et que face à cette situation, " à compter d'avril 2018, fautes d'effectifs médicaux conformes, le centre hospitalier de Saint-Claude n'est plus en capacité de garantir de façon permanente la continuité de la prise en charge obstétricale et chirurgicale 24h sur 24 tout au long de l'année ". A la suite de ces échanges, le directeur général adjoint de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a suspendu provisoirement l'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique et a mis en demeure le centre hospitalier de lui faire connaitre, dans un délai d'un mois, les mesures correctives. Faute de réponse, le directeur général adjoint a procédé au retrait de l'autorisation. Il résulte de ces échanges entre le centre hospitalier de Saint-Claude et l'agence régionale de santé, et alors qu'il n'est pas établi que des gynécologues auraient fait acte de candidature, qu'à compter du 3 avril 2018, l'établissement hospitalier n'était plus en mesure d'assurer la continuité et la permanence de soins en gynécologie-obstétrique de nature à garantir la qualité de soins et la sécurité des patients. Par suite, le directeur général adjoint de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté a pu, sans méconnaître le II de l'article L. 6122-13 du code de la santé publique, retirer l'autorisation d'exercer l'activité de soins litigieuse.

22. Si les requérants font valoir que l'agence régionale de santé n'établit pas la matérialité d'événements indésirables graves, ce motif ne constitue pas le fondement de la décision contestée.

23. Les requérants font valoir que la décision contestée est entachée d'un traitement inégalitaire entre les services du centre hospitalier, ce qui constituerait une rupture d'égalité devant les charges publiques, dès lors que seraient essentiellement mises en exergue des difficultés statutaires liées à l'organisation du service de la maternité et que ces difficultés sont rigoureusement les mêmes pour les autres services du centre hospitalier. Toutefois, il n'est pas établi que le recours à des praticiens contractuels ou intérimaires dans les autres services du centre hospitalier se ferait dans des conditions incompatibles avec les exigences de sécurité dans la prise en charge des patients dans le secteur de la gynécologie-obstétrique telles qu'elles ont été définies par les dispositions de l'article D. 6124-44 du code de la santé publique.

24. Si les requérants soutiennent que la décision attaquée méconnaît les dispositions du projet régional de santé défini pour la période 2012-2016 ainsi que le schéma régional d'organisation des soins pour cette même période, il ressort des pièces du dossier que ces projet et schéma n'étaient applicables que jusqu'au 3 juillet 2018. S'agissant du nouveau projet régional de santé pour la période 2018-2028, l'activité de soins de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier Louis Jaillon était incompatible avec les dispositions de ce nouveau projet régional de santé eu égard à l'impossibilité de garantir la permanence et la continuité des soins à partir du 3 avril 2018. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la décision attaquée du 14 août 2018 méconnaîtrait les dispositions tant du projet régional de santé que du schéma régional d'organisation des soins. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté conformément à ce qu'ont jugé à bon droit les premiers juges.

25. Aux termes de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique : " Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d'assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible. ". Aux termes de l'article de L. 1110-3 du même code : " Aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins (...). ". Aux termes de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. Ces dispositions s'appliquent sans préjudice ni de l'obligation de sécurité à laquelle est tenu tout fournisseur de produits de santé ni de l'application du titre II du présent livre (...). ". Aux termes de l'article L. 1110-8 du même code : " Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé et de son mode de prise en charge, sous forme ambulatoire ou à domicile, en particulier lorsqu'il relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, est un principe fondamental de la législation sanitaire. / Les limitations apportées à ce principe par les différents régimes de protection sociale ne peuvent être introduites qu'en considération des capacités techniques des établissements, de leur mode de tarification et des critères de l'autorisation à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux. "

26. C'est à bon droit que les premiers juges ont relevé pour écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 1110-1, de l'alinéa 1 de l'article L. 1110-3, de l'article L. 1110-5 et de l'alinéa 1 de l'article L. 1110-8 du code de la santé publique que, d'une part, l'établissement n'était pas en capacité d'assurer la continuité et la permanence des soins à partir du 3 avril 2018 et que, d'autre part, le service des urgences du centre hospitalier Louis Jaillon était en capacité de prendre en charge les patientes devant être transférées vers la maternité adéquate la plus proche dès le 3 avril 2018, soit le centre hospitalier d'Oyonnax situé à 30 kilomètres environ, soit le centre hospitalier de Lons-le-Saunier situé à 60 kilomètres environ, et qu'un centre périnatal de proximité avait été mis en place au centre hospitalier Louis Jaillon, permettant une offre de soins pré- et post-natale dès la date d'effet de la suspension. Nonobstant la circonstance que depuis la suspension puis la fermeture du service de maternité du centre hospitalier des accouchements se sont produits de façon inopinée, il y a lieu d'adopter ces motifs qui ne sont pas utilement critiqués en appel.

27. Le détournement de procédure allégué et tiré de ce que la fermeture de la maternité a été décidée pour des motifs économiques et financiers et non pour des motifs tirés de la sécurité des patientes n'est pas établi.

28. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en première instance par l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté, que la commune de Saint-Claude et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande d'annulation de la décision 14 août 2018 du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Claude et de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Claude, à M. G... A... et au ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressée au directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.

4

N° 19LY02857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02857
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-06 Santé publique. - Établissements publics de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : HERRMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-07;19ly02857 ?
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