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26/10/2021 | FRANCE | N°20LY02687

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 26 octobre 2021, 20LY02687


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... D... et Mme H... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire délivré le 22 août 2017 par le maire de Courchevel à l'indivision C.../B..., l'arrêté du 18 mars 2019 portant transfert de ce permis de construire à la SARL Indivision F... et la décision du 14 juin 2019 rejetant leur recours gracieux formé contre ces deux arrêtés.

Par un jugement n° 1905108 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Proc

dure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 septembre 2020, M. D... et Mme A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... D... et Mme H... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire délivré le 22 août 2017 par le maire de Courchevel à l'indivision C.../B..., l'arrêté du 18 mars 2019 portant transfert de ce permis de construire à la SARL Indivision F... et la décision du 14 juin 2019 rejetant leur recours gracieux formé contre ces deux arrêtés.

Par un jugement n° 1905108 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 septembre 2020, M. D... et Mme A..., représentés par Me Bernard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 juillet 2020, ce permis de construire du 22 août 2017, cet arrêté du 18 mars 2019 et cette décision du 14 juin 2019 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Courchevel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier car il ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions dirigées contre le permis de construire du 22 août 2017 et l'arrêté du 18 mars 2019 ; l'affichage n'était pas régulier, les mentions des voies et délais de recours étant partiellement dissimulées par le système de fixation ; l'affichage a été effectué en bordure d'une voie privée interdite à la circulation du public ; les trois différents emplacements du panneau d'affichage en démontrent la discontinuité et ce, malgré les trois constats d'huissier réalisés ;

- le permis de construire a été obtenu par fraude ; c'est à tort que le maire de Courchevel n'a pas fait droit à leur demande de retrait formulée dans leur recours gracieux ; les pétitionnaires ont omis d'informer les services instructeurs de ce que l'allée des Cerisiers, dans sa portion desservant le projet, est une voie privée fermée à la circulation du public et ils ont omis de préciser qu'une servitude leur était nécessaire pour pouvoir désenclaver le terrain d'assiette et réaliser leur projet sans méconnaître l'article UC 3 du PLU ;

- ils ont intérêt pour agir contre le permis de construire ;

- la notice architecturale exigée par l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme est insuffisante ;

- les documents graphiques produits en application de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ne permettent pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement ;

- le permis de construire méconnaît l'article UC3 du règlement du PLU ;

- le permis de construire méconnaît l'article II-11 des dispositions générales de ce même PLU ; le terrain ne dispose pas d'un accès permettant le passage des véhicules d'incendie et de secours, lesquels ne pourront pas accéder au chalet n°4 ;

- le permis de construire méconnaît l'article UC7 du règlement du PLU ;

- le permis de construire méconnaît l'article UC8 du règlement du PLU ;

- le permis de construire méconnaît l'article UC12 du règlement du PLU ;

- la prescription mentionnée au permis de construire et tendant à ce que la commune réalise les équipements nécessaires pour desservir le terrain d'assiette est illégale ;

- l'arrêté de transfert du permis de construire est illégal du fait de l'illégalité du permis de construire.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2021, l'indivision C... B... et la Sarl Indivision C... B..., représentées par la Selarl CDMF-Avocats Affaires Publiques, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants.

Elles font valoir que :

- le jugement est régulier ;

- la demande de première instance est irrecevable, faute pour les requérants de justifier de leur intérêt pour agir ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2021, la commune de Courchevel, représentée par la Selas Adamas Affaires publiques, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que soient mises en œuvre les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me Saint-Lager, substituant Me Petit, pour la commune de Courchevel, ainsi que celles de Me Punzano, substituant Me Fiat, pour l'indivision C... B... et la Sarl Indivision C... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme A... relèvent appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2017 par lequel le maire de Courchevel a délivré un permis de construire cinq chalets à l'indivision F..., de l'arrêté du 18 mars 2019 portant transfert de ce permis de construire à la SARL Indivision F... et de la décision du 14 juin 2019 rejetant leur recours gracieux formé contre ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement de première instance attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, par l'assesseure et par la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature dont serait entachée cette minute manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En second lieu, en vertu de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, le délai de recours contentieux de deux mois à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15, lequel précise que : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur (...) ". Les articles A. 424-15 à A. 424-18 du même code précisent les caractéristiques de l'affichage sur le terrain. L'article A. 424-17 de ce code prévoit ainsi : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme). " ". Aux termes de son article A. 424-18 : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. ".

4. Il ressort tout d'abord des trois constats d'huissier, établis les 30 août, 2 octobre et 6 novembre 2017, qu'était implanté sur le terrain d'assiette du projet un panneau, informant les tiers de la délivrance du permis de construire du 22 août 2017 et conforme aux exigences précitées au point 3. Notamment, les mentions relatives aux voies et délais de recours étaient lisibles alors même que les photographies jointes au procès-verbal d'huissier du 2 octobre 2017 montraient que le système de fixation du panneau en recouvrait très superficiellement une partie. S'il ressort de l'examen des photographies annexées aux procès-verbaux successifs qu'au cours de la période d'affichage, le panneau a été remplacé et déplacé, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir que, contrairement à ce que soutiennent les requérants sans produire le moindre élément, l'affichage du permis de construire en litige a été interrompu.

5. Par ailleurs, selon ces mêmes procès-verbaux, le panneau était visible depuis l'allée des cerisiers, notamment de la portion de voie constituée par la parcelle cadastrée section D n° 1223 et propriété privée des époux A... et D.... Il ressort des pièces du dossier que l'allée des cerisiers est une voie communale qui dessert le centre du village de Courchevel Le Praz jusqu'à la parcelle appartenant à M. D... et Mme A..., à partir de laquelle elle se prolonge sous le régime de la propriété privée et qu'elle est utilisée pour la desserte de plusieurs constructions et les circuits de randonnée. Il ressort notamment des photographies versées en première instance par la commune qu'aucune opposition des requérants à la circulation publique sur la portion de la voie leur appartenant n'était matérialisée pendant la période d'affichage du permis de construire en litige, le constat d'huissier faisant état d'un panneau " propriété privée " greffé sur la signalétique communale étant postérieur de plus de deux années au permis litigieux et à sa période d'affichage. Dans ces conditions, le panneau d'affichage était visible depuis une voie privée ouverte à la circulation publique. Les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que leurs conclusions à fin d'annulation du permis de construire délivré le 22 août 2017 étaient tardives et, comme telles, irrecevables.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité.

Sur la légalité de la décision du 14 juin 2019 :

7. Dans leur recours gracieux, rejeté par décision du 14 juin 2019, les requérants ont demandé au maire de Courchevel de retirer le permis de construire en litige au motif qu'il aurait été obtenu par fraude, les pétitionnaires n'ayant pas mentionné le caractère privé de la voie desservant le projet et ayant induit le service instructeur en erreur en le laissant croire qu'aucune servitude de passage n'était nécessaire pour désenclaver le terrain d'assiette du projet.

8. Un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai de recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.

9. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 5 et bien que le dossier de demande de permis de construire se contente de mentionner que le projet est bordé au nord par l'allée des cerisiers, les pétitionnaires n'ont entaché leur demande de permis de construire d'aucune inexactitude ou omission caractérisant une démarche frauduleuse. Ainsi, le maire de Courchevel, qui avait d'ailleurs connaissance du caractère privé de la portion de l'allée des cerisiers desservant le terrain d'assiette comme le montre la prescription dont a fait l'objet le permis en litige, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de le retirer.

Sur la légalité de l'arrêté du 18 mars 2019 :

10. La demande d'annulation de cet arrêté n'est fondée que sur l'illégalité du permis initial. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 9, elle ne peut qu'être rejetée.

11. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demandent M. D... et Mme A... au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de Courchevel, qui n'est pas partie perdante en appel. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions à l'encontre de M. D... et Mme A... et de mettre à leur charge la somme globale de 1 500 euros à verser à Mme E... B... pour l'indivision F... et à la Sarl Indivision F... d'une part, ainsi que la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Courchevel d'autre part, au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... et Mme A... est rejetée.

Article 2 : M. D... et Mme A... verseront à Mme E... B... pour l'indivision F... et à la Sarl Indivision F... la somme globale de 1 500 euros ainsi qu'à la commune de Courchevel la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D... et Mme H... A..., à Mme E... B..., indivisaire désignée, à la Sarl Indivision F... et à la commune de Courchevel.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président ;

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2021.

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N° 20LY02687


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02687
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FRECHE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-26;20ly02687 ?
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