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14/12/2021 | FRANCE | N°21LY01758

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 14 décembre 2021, 21LY01758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Ecole nationale des travaux publics de l'Etat (ENTPE) à lui verser la somme de 143 643,43 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa situation administrative, outre les intérêts légaux à compter du 17 mars 2014.

Par un jugement n° 1405896 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif a condamné l'ENTPE à verser à Mme C... la somme de 106 917 euros avec intérêts légaux à compter du 17 mars

2014.

Procédure devant la cour

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Ecole nationale des travaux publics de l'Etat (ENTPE) à lui verser la somme de 143 643,43 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa situation administrative, outre les intérêts légaux à compter du 17 mars 2014.

Par un jugement n° 1405896 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif a condamné l'ENTPE à verser à Mme C... la somme de 106 917 euros avec intérêts légaux à compter du 17 mars 2014.

Procédure devant la cour

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 janvier 2017 et le 25 septembre 2018, l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE), représentée par Me Vergnon, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... devant le tribunal administratif ou, subsidiairement, de réduire le montant de la condamnation prononcée ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les activités d'enseignement de Mme C... ne correspondaient pas à un besoin permanent : elle n'était pas recrutée sous le plafond d'emploi des personnels permanents ; les emplois d'enseignants externes, intervenant à titre accessoire, n'ont jamais figuré au tableau des effectifs rémunérés de l'ENTPE au titre des crédits affectés aux emplois permanents ;

- son engagement était à durée déterminée, et non pas indéterminée ;

- la créance invoquée au titre de la période allant de 1980 à septembre 2009 est prescrite en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;

- la méthode de calcul retenue par le tribunal est erronée : elle ne tient pas compte du fait que Mme C... a été employée à temps incomplet ; elle était rémunérée à la vacation et le nombre de vacations était variable d'un mois sur l'autre ; les mois non payés correspondent à du service non fait ; le tribunal a pratiqué une mensualisation, qui n'est pas applicable s'agissant d'un agent contractuel de droit public et, de ce fait, il a alloué à Mme C... une indemnité plus élevée que l'indemnité de licenciement prévue par le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État ;

- le préjudice moral allégué est injustifié ; l'intéressée étant née le 2 décembre 1947, l'administration était tenue de mettre fin à ses fonctions, dès lors qu'elle avait atteint la limite d'âge.

Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2017, Mme C..., représentée par Me Dumoulin, avocat, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'ENTPE à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la cessation de son activité à la date du 2 décembre 2012 ;

3°) à ce que soit mis à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à son profit d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a commis aucune erreur en qualifiant sa situation ainsi qu'il l'a fait ;

- ses conclusions indemnitaires sont justifiées.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2017.

Par un arrêt n° 17LY00182 du 22 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur l'appel formé par l'ENTPE et sur l'appel incident de Mme C..., réformé le jugement du tribunal administratif de Lyon en ramenant à la somme de 50 000 euros l'indemnité que l'ENTPE avait été condamnée à verser à Mme C... et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de l'ENTPE ainsi que l'appel incident de Mme C....

Par une décision n° 427730 du 1er juin 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant seulement qu'il se prononce sur les conclusions de Mme C... tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ce qu'il a été mis fin, malgré sa demande de prolongation, à ses fonctions à son soixante-cinquième anniversaire et a renvoyé à la cour, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 21LY01758.

II. Par courriers du 3 juin 2021, les parties ont été informées du renvoi de l'affaire, dans la mesure de la cassation, à la cour administrative d'appel de Lyon.

Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2021, l'ENTPE demande à la cour de rejeter les conclusions incidentes présentées par Mme C... et de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de Mme C... tendant à l'indemnisation d'un préjudice moral sont irrecevables, celles-ci ayant été rejetées par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 février 2013 devenu définitif ;

- subsidiairement, le préjudice dont Mme C... se prévaut est dépourvu de caractère certain, le renouvellement de son recrutement en qualité de vacataire n'étant nullement de droit et aucune pièce n'en justifiant le principe et le montant ;

- le montant de l'indemnité demandée est en outre excessif ;

Par un mémoire enregistré le 21 juillet 2021, Mme C... demande à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'ENTPE à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la cessation de son activité à la date du 2 décembre 2012 ;

2°) de condamner l'ENTPE à lui verser la somme de 30 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'ENTPE une somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions indemnitaires sont recevables, compte tenu des circonstances nouvelles intervenues depuis le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 février 2013 ;

- les préjudices qu'elle invoque présentent un caractère certain, eu égard à l'ancienneté de la relation de travail entretenue avec l'ENTPE et au motif pour lequel il a été mis fin à son activité ;

- les préjudices moral et pécuniaire qu'elle a subis doivent être évalués à 30 000 euros ;

- le montant ainsi demandé n'est pas excessif, eu égard aux pertes de salaires et de pensions qu'elle a subies.

Par ordonnance du 22 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 3 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 2011-754 du 28 juin 2011 ;

- le décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Vergnon, avocat, représentant l'Ecole nationale des travaux publics de l'Etat ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été employée par l'Ecole nationale des travaux publics de l'Etat (ENTPE) en qualité de " chargée de cours d'espagnol vacataire " à compter du 1er janvier 1980. A la suite du rejet implicite, par l'ENTPE, de la demande de prolongation d'activité de l'intéressée au-delà de la limite d'âge, l'ENTPE a mis fin à la relation de travail à la date anniversaire de ses soixante-cinq ans, le 2 décembre 2012. Par un jugement du 6 février 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 31 août 2010 par laquelle l'ENTPE avait rejeté sa demande tendant à ce qu'elle soit titularisée. Mme C..., se prévalant des motifs du jugement du 6 février 2013 selon lesquels, du 1er janvier 1980 au 1er septembre 2009, elle devait être regardée comme ayant eu la qualité d'agent contractuel occupant un emploi permanent à temps incomplet, a présenté à l'ENTPE le 14 mars 2014 une demande préalable d'indemnisation à hauteur de 143 643,43 euros résultant des préjudices qu'elle estime avoir subis, d'une part, au titre de la perte de rémunération issue de la différence entre la rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait été employée comme agent contractuel en contrat à durée indéterminée entre le 1er janvier 1980 et le 1er décembre 2012 et celle qu'elle a effectivement perçue en qualité d'agent vacataire pendant la même période, et d'autre part, au titre de la perte de rémunération résultant de la décision de l'ENTPE de mettre fin à la relation de travail à compter du 2 décembre 2012, date à laquelle l'intéressée était atteinte par la limite d'âge, alors qu'elle avait demandé à bénéficier d'une " prolongation d'activité " du fait du caractère incomplet de sa carrière. A la suite du rejet de sa demande indemnitaire, par décision du directeur de l'ENTPE du 20 mai 2014, Mme C... en a saisi le tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 2 novembre 2016, y a partiellement fait droit en condamnant l'ENTPE à lui verser la somme de 106 917 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2014. Sur appel de l'ENTPE, la cour administrative d'appel de Lyon, par un arrêt du 22 octobre 2018, a réformé ce jugement en ramenant à la somme de 50 000 euros l'indemnité que l'ENTPE avait été condamnée à verser à l'intéressée. Cet arrêt a été annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, par Mme C... et tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ce qu'il a été mis fin, malgré sa demande de prolongation, à ses fonctions à son soixante-cinquième anniversaire, par une décision du Conseil d'Etat du 1er juin 2021 qui a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.

Sur les conclusions de Mme C... tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ce qu'il a été mis fin, malgré sa demande de prolongation, à ses fonctions à son soixante-cinquième anniversaire :

En ce qui concerne la recevabilité de ces conclusions en première instance :

2. Dans son jugement du 6 février 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a considéré que Mme C... devait être regardée comme demandant à titre principal au tribunal d'annuler la décision en date du 31 août 2010 par laquelle le secrétaire général de ladite école a rejeté sa demande tendant à la requalification de sa situation en enseignant titulaire, a rejeté ces conclusions ainsi que celles présentées par l'intéressée en vue " de convenir d'un dédommagement financier, sur le plan professionnel et pour le préjudice moral " en réparation de la situation de précarité née, notamment, du refus de l'ENTPE de " la laisser terminer ses annuités ", au motif qu'elle ne produisait aucun élément de nature à établir la réalité de ses préjudices. Toutefois, il ne résulte nullement de ce jugement, que ce soit de ses visas ou de ses motifs, ni d'aucune autre pièce du dossier, que cette demande se fondait alors sur l'illégalité fautive de la décision de l'ENTPE de mettre fin, malgré sa demande de prolongation, à ses fonctions dès son soixante-cinquième anniversaire, en lui appliquant la limite d'âge. Par suite, l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement ne faisait pas obstacle à ce que l'intéressée se prévalût de préjudices nés de l'interruption de son activité à l'âge de soixante-cinq ans sur ce fondement, par une nouvelle requête devant le tribunal administratif de Lyon. Contrairement à ce que soutient l'ENTPE, cette nouvelle demande était par suite recevable.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué en ce qu'il rejette ces conclusions :

3. Aux termes de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, créé par l'article 115 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " I.- Sous réserve des exceptions légalement prévues par des dispositions spéciales, la limite d'âge des agents contractuels employés par les administrations de l'Etat, (...) leurs établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial (...) ainsi que par toutes autres personnes morales de droit public recrutant sous un régime de droit public est fixée à soixante-sept ans. (...) ". Le II. de l'article 115 de la loi du 12 mars 2012 précise toutefois que : " La limite d'âge mentionnée au I de l'article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l'article 28 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ". L'article 8 du décret du 30 décembre 2011 portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers de l'Etat, auquel se réfère le II de l'article 28 de la loi du 9 novembre 2010 et abrogeant, pour l'essentiel et notamment son article 5, le précédent décret portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires des militaires et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat du 28 juin 2011, prévoit que : " I.-Comme il est dit aux II des articles 28 et 31 de la loi du 9 novembre 2010 susvisée, les limites d'âge applicables aux agents nés avant les dates mentionnées aux I de ces mêmes articles sont fixées, à titre transitoire, pour ceux atteignant avant le 1er janvier 2015 l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite qui leur était applicable avant l'entrée en vigueur de ladite loi, de manière croissante à raison : 1° De quatre mois par génération pour les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er juillet et le 31 décembre 2011 ; 2° De cinq mois par génération pour les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 (...) ".

4. Si la limite de soixante-sept ans fixée par l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 est applicable, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de cet article, à l'ensemble des agents non-titulaires des employeurs publics qu'il énumère, il résulte du II. de l'article 115 de la loi du 12 mars 2012, combiné aux dispositions de l'article 8 du décret du 30 décembre 2011, que cette limite d'âge n'est pas applicable aux agents nés avant le 1er janvier 1955 et qu'elle demeure fixée à soixante-cinq ans pour ceux nés avant le 1er juillet 1951, ceux-ci ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite qui leur était précédemment applicable avant le 1er juillet 2011.

5. Toutefois, aux termes du III. de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 : " (...) les agents contractuels dont la durée d'assurance tous régimes est inférieure à celle définie à l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites peuvent sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique et sans préjudice des règles applicables en matière de recrutement, de renouvellement et de fin de contrat, être maintenus en activité. Cette prolongation d'activité ne peut avoir pour effet de maintenir l'agent concerné en activité au-delà de la durée d'assurance définie au même article 5, ni au-delà d'une durée de dix trimestres ". En outre, l'article 6-2 de cette même loi prévoit que : " La limite d'âge définie à l'article 6-1 n'est pas opposable aux personnes qui accomplissent, pour le compte et à la demande des employeurs publics mentionnés au même article, une mission ponctuelle en l'absence de tout lien de subordination juridique ".

6. S'il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 qu'une limite d'âge de soixante-cinq ans demeurait applicable à Mme C..., née en 1947, celle-ci se prévaut des dérogations permettant un maintien en activité au-delà de cette limite.

7. Toutefois, Mme C... ne peut utilement se prévaloir de l'article L. 952-10 du code de l'éducation, qui n'est applicable qu'aux professeurs de l'enseignement supérieur et aux personnels titulaires de l'enseignement supérieur assimilés aux professeurs d'université. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de l'article 6-2 de la loi du 13 septembre 1984, rappelé au point 5, à défaut de démontrer que les activités qu'elle exerçait comme vacataire, et qu'elle aurait pu poursuivre au-delà de son soixante-cinquième anniversaire, l'étaient en dehors de tout lien de subordination juridique.

8. En revanche, en se prévalant de la dérogation prévue par l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, applicable aux seuls fonctionnaires, Mme C... doit être regardée comme ayant entendu se prévaloir des dispositions équivalentes applicables aux agents publics non-titulaires, prévues par le III. de l'article 6-1 de la même loi et rappelées au point 5 du présent arrêt.

9. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 7 novembre 2012 dont l'ENTPE ne conteste pas avoir reçu notification, Mme C... a, avant son soixante-cinquième anniversaire, présenté une demande en ce sens, en sollicitant le bénéfice d'une prolongation d'activité jusqu'à ses soixante-sept ans, en raison d'une durée d'assurance insuffisante pour pouvoir bénéficier d'une pension de retraite à taux plein. Il n'est nullement soutenu par l'ENTPE, qui n'invoque aucun motif, autre que la limite d'âge, susceptible de justifier l'interruption de sa collaboration avec Mme C..., que les cours dispensés depuis plus de trente ans par l'intéressée devaient cesser prochainement, ni même qu'ils seraient à l'avenir dispensés par un tiers. Ainsi, l'intérêt du service commandait qu'elle poursuive ses activités. Il n'est, par ailleurs, nullement contesté que l'aptitude physique de l'intéressée lui permettait de les poursuivre. Enfin, il résulte du courrier de la CARSAT de Rhône-Alpes du 5 juin 2013 que Mme C... n'avait pas cotisé un nombre suffisant de trimestres pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Dans ces conditions, et alors même que le renouvellement de vacations n'est pas de droit, Mme C..., qui remplissait l'ensemble des conditions fixées par le III. de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984, est fondée à soutenir qu'en interrompant son activité à son soixante-cinquième anniversaire, sans lui accorder le bénéfice d'une prolongation d'activité, l'ENTPE a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

10. Il résulte toutefois du III. de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 que la prolongation ainsi accordée ne peut outrepasser dix trimestres. Par suite, d'une part, eu égard à la différence entre le montant annuel de la pension de retraite qu'elle perçoit, qui s'élève à 7 463,76 euros, et à la rémunération annuelle moyenne qu'elle a perçue en qualité de vacataire entre 2010 et 2012, telle qu'elle résulte du tableau récapitulatif des revenus perçus qu'elle a joint à sa demande de première instance et qui avoisine 9 400 euros, il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel, tenant à la perte de traitement subie pendant les dix trimestres au cours desquels elle aurait pu prétendre à une prolongation d'activité, en fixant l'indemnité due à 5 000 euros. D'autre part, eu égard à l'espérance de vie des femmes, qui, à la date du départ à la retraite de Mme C..., s'établissait d'après l'INSEE à 84,8 ans, ainsi qu'au salaire de référence et aux trimestres précédemment cotisés par l'intéressée tels que retenus par la caisse d'assurance vieillesse et mentionnés dans son courrier du 5 juin 2013, il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel tenant à la réduction du montant de sa pension de retraite, résultant du défaut de cotisations au régime de retraite pendant dix trimestres supplémentaires, en fixant l'indemnité due à ce titre à 5 000 euros. Enfin, l'interruption anticipée de son activité professionnelle et ses incidences sur sa pension de retraite lui ont causé un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en fixant à 2 000 euros l'indemnité due à ce titre.

11. Il résulte de ce qui précède que de Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices subis du fait de ce qu'il a été mis fin, malgré sa demande de prolongation, à ses fonctions à son soixante-cinquième anniversaire.

Sur les intérêts :

12. Mme C... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 12 000 euros décidée au point 10 à compter du 17 mars 2014, date de réception de sa demande par l'ENTPE.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'ENTPE. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme à Mme C..., sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 est annulé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de Mme C... des préjudices subis du fait de ce qu'il a été mis fin à ses fonctions à son soixante-cinquième anniversaire.

Article 2 : L'ENTPE est condamnée à verser à Mme C... une somme de 12 000 euros, au titre de la demande visée à l'article 1er.

Article 3 : La somme visée à l'article 2 emporte intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2014.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la voie de l'appel incident par Mme C... et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'ENTPE en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Ecole nationale des travaux publics de l'Etat et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.

2

N° 21LY01758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01758
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Mise à la retraite pour ancienneté - limites d'âge.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : VEDESI - SCP SCHMIDT VERGNON PELISSIER THIERRY EARD-AMINTHAS et TISSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-14;21ly01758 ?
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