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12/01/2022 | FRANCE | N°21LY02448

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 12 janvier 2022, 21LY02448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le réintégrer au poste qu'il occupait et sous le statut qui était le sien au 24 novembre 2017.

Par un jugement n° 1800127 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

I°) Pa

r une requête enregistrée le 12 avril 2019 et un mémoire enregistré le 21 janvier 2020, M. A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le réintégrer au poste qu'il occupait et sous le statut qui était le sien au 24 novembre 2017.

Par un jugement n° 1800127 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

I°) Par une requête enregistrée le 12 avril 2019 et un mémoire enregistré le 21 janvier 2020, M. A..., représenté par Me Mazur-Champanhac, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le réintégrer au poste qu'il occupait et sous le statut qui était le sien avant son licenciement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son dossier disciplinaire lui a été communiqué tardivement au regard de la séance du conseil de discipline et c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait disposé d'un temps suffisant pour organiser sa défense ;

- l'administration n'a pas répondu à sa demande de communication des notes prises lors du conseil de discipline du 26 octobre 2017 par les secrétaires et a ainsi méconnu les droits de la défense ;

- les dispositions du 1er alinéa de l'article 5 du décret relatif à la procédure disciplinaire ont été méconnues ;

- le conseil de discipline a méconnu les dispositions de l'alinéa 3 de l'article 5 du décret relatif à la procédure disciplinaire en ce que les deux témoins cités par l'administration ont été entendus ensemble, et non séparément ;

- les dispositions des articles 5, 33 et 35 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ont été méconnues ;

- l'arrêté attaqué méconnaît la prescription triennale de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- l'administration ne pouvait se fonder sur les notations dont il est fondé à exciper l'illégalité ; ainsi, la notation 2014 n'a pas été réalisée par son supérieur hiérarchique, il a été privé de notation en 2015 du fait de l'administration, sa notation 2016 n'évoque pas ses problèmes de santé, ne s'appuie sur aucune fiche du poste et sa notation 2017 est erronée ;

- son licenciement procède d'un détournement de procédure ;

- il a été prononcé en méconnaissance de la circulaire ministérielle du 8 juillet 2009 sur l'instauration d'un conseiller mobilité carrière dans les préfectures ;

- la méconnaissance du principe du contradictoire le prive également de la possibilité de développer des moyens de légalité interne dans le cadre de la phase juridictionnelle ;

- le délibéré de la commission administrative du 26 octobre 2017 est entaché d'erreurs.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 19LY01427 du 1er octobre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 mars 2019 et l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé le licenciement de M. A..., a enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer M. A... au 25 novembre 2017, dans un délai de deux mois, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision nos 445843,445845 du 20 juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 21LY02448.

II°) Par courriers du 21 juillet 2021, les parties ont été informées du renvoi de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.

Par un mémoire enregistré le 5 août 2021, M. A... conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que la méconnaissance du 3ème alinéa de l'article 5 du décret relatif à la procédure disciplinaire l'a privé de la possibilité de demander une confrontation de témoins, en méconnaissance du 4ème alinéa du même article.

Par un mémoire enregistré le 12 août 2021, le ministre de l'intérieur a conclu aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Par ordonnance du 30 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021.

Un mémoire, enregistré le 5 octobre 2021, a été présenté par le ministre de l'intérieur et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 24 novembre 2017, le ministre de l'intérieur a prononcé le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. A..., attaché d'administration d'Etat alors affecté comme contrôleur interne financier à la préfecture de la Haute-Loire. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de ce dernier tendant à l'annulation de cette décision, par un jugement du 7 mars 2019. Ce jugement, ainsi que la décision de licenciement en litige, ont été annulés par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 1er octobre 2020, lui-même annulé par une décision du Conseil d'Etat du 20 juillet 2021, laquelle a renvoyé le jugement de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.

2. Aux termes de l'article 70 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire (...) ". Selon l'article 67 de cette même loi : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général (...) ".

3. Par ailleurs, aux termes du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (...) ". En application de ces dispositions et en vertu du principe général des droits de la défense, le fonctionnaire qui fait l'objet d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle doit être informé des insuffisances qui lui sont reprochées et mis à même de demander la communication de son dossier.

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier daté du 2 octobre 2017, M. A... a été convoqué devant la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire prévue le jeudi 26 octobre 2017 à 14 heures 30, pour examiner la proposition de le licencier pour insuffisance professionnelle. Ce courrier, qui résumait les faits à l'origine de cette procédure, l'informait en outre de son droit à solliciter la communication de son entier dossier individuel, ce qu'il a fait par formulaire complété le 6 octobre 2017 et retourné par courrier électronique le 9 octobre 2017. Toutefois, son dossier administratif ne lui a été communiqué, par l'intermédiaire de son conseil, que le 23 octobre 2017 vers 18 heures 30, sans qu'un délai suffisant ne lui soit ainsi laissé pour en prendre utilement connaissance avant la réunion de la commission administrative paritaire, au demeurant réunie à distance de sa résidence administrative.

6. Par ailleurs, il est constant que l'insuffisance qui justifiait le licenciement en litige portait sur plus de six années de service et que le dossier communiqué à M. B... comportait plus de cent-vingt pages. Eu égard à la brièveté du délai imparti, M. B... a, en outre, été dans l'impossibilité de faire comparaître devant la commission administrative paritaire les témoins dont l'intervention lui serait apparue nécessaire à la lecture de son dossier. Dans ces conditions, et alors même que certaines des pièces de ce dossier auraient été précédemment portées à sa connaissance, M. A..., qui avait d'ailleurs sollicité un report de la séance de la commission, n'a pas été mis à même de préparer utilement sa défense et a, dès lors, été, en l'espèce, effectivement privé d'une garantie, en raison de l'insuffisance du délai écoulé entre la communication de son dossier et la séance de la commission administrative paritaire.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

8. Le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le ministre de l'intérieur réintègre M. A... à compter du 25 novembre 2017, date d'effet du licenciement annulé. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800127 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 mars 2019 et l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé le licenciement de M. A... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer M. A... au 25 novembre 2017, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2022.

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N° 21LY02448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02448
Date de la décision : 12/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement. - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MAZUR CHAMPANHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-12;21ly02448 ?
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