La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2022 | FRANCE | N°20LY03182

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 17 mars 2022, 20LY03182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société EMB a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 18 100 euros, la décision du 15 janvier 2020 rejetant son recours gracieux et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 18 100 euros, subsidiairement, de réduire la contribution spéciale en application des dispositions des II et III de l

'article R. 8253-2 du code du travail.

Par jugement n° 2002002 lu le 29 sep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société EMB a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 18 100 euros, la décision du 15 janvier 2020 rejetant son recours gracieux et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 18 100 euros, subsidiairement, de réduire la contribution spéciale en application des dispositions des II et III de l'article R. 8253-2 du code du travail.

Par jugement n° 2002002 lu le 29 septembre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 3 novembre 2020, la société EMB, représentée par Me Allard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées ;

2°) de mettre à la charge de l'OFII une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence de leur signataire ;

- la décision du 18 novembre 2019 est entachée d'un vice de procédure, le courrier du 14 octobre 2019 n'ayant pas été signé par un agent habilité ;

- les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que les observations formulées le 29 octobre 2019 et le 3 décembre 2019, dans son recours gracieux, n'ont pas été prises en compte ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, dès lors que le procès-verbal du 24 avril 2019 ne constate pas de cumul d'infractions ;

- elles sont entachées d'erreur d'appréciation, dès lors qu'elle a effectué la déclaration d'embauche du salarié contrôlé la veille de son premier jour de travail, qu'elle a sollicité une carte d'identification professionnelle de ce salarié et qu'elle a considéré que le récépissé de demandeur d'asile produit par ce salarié l'autorisait à travailler ;

- le montant de la contribution spéciale doit être réduit, en application des dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail, dès lors qu'elle n'a pas commis un cumul d'infractions et qu'elle a spontanément versé au salarié en cause les salaires et indemnités dus.

Par mémoire enregistré le 30 novembre 2020, l'OFII, représenté par Me Schegin, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société EMB une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 3 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Allard pour la société EMB ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'un contrôle effectué, le 24 avril 2019, sur un chantier de construction confié à la société EMB, à Collonges au Mont d'Or, les services de gendarmerie ont constaté la présence d'un travailleur afghan démuni d'autorisation de travail. Par décision du 18 novembre 2019, le directeur général de l'OFII, à qui les procès-verbaux de gendarmerie ont été transmis, a mis à la charge de la société EMB la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, d'un montant de 18 100 euros équivalent à cinq mille fois le taux horaire du salaire minimum garanti. Par décision du 15 janvier 2020, l'OFII a rejeté le recours gracieux de la société. La société EMB demande à la cour l'annulation du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes d'annulation des décisions en litige et de décharge de la somme précitée.

2. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une contribution spéciale et une contribution forfaitaire sanctionnant l'emploi irrégulier de travailleur étranger en France, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant des contributions liquidées par l'administration, à l'exception des vices affectant la compétence du signataire de l'acte qui conditionne l'exigibilité de la somme et l'indication des bases de liquidation des contributions qui permet au redevable d'élever sa contestation. S'il estime qu'une contribution a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il revient au juge, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur.

3. D'une part, au soutien de son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 18 novembre 2019, la société EMB ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges que la cour fait siens. D'autre part, lorsque, comme en l'espèce, est recherchée l'annulation à la fois d'une décision individuelle et du rejet du recours gracieux formé contre cette décision, les moyens tirés des vices propres entachant cette dernière décision ne peuvent être utilement invoqués au soutien de telles conclusions à fin d'annulation. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision rejetant le recours gracieux de la société EMB est inopérant et doit, en tout état de cause, être écarté.

4. Il résulte de l'instruction que par une lettre du 14 octobre 2019, l'OFII a informé la société EMB que, d'une part, indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées à son encontre, l'emploi d'étrangers sans titre de séjour et autorisation de travail donne lieu au versement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine et, d'autre part, qu'elle disposait d'un délai de quinze jours pour faire valoir ses observations. Par un courrier en date du 29 octobre 2019, la société a présenté ses observations. Aucune disposition législative ou réglementaire non plus qu'aucun principe général du droit n'impose à l'OFII de répondre expressément aux observations ainsi présentées par l'employeur, ni même de les viser dans la décision mettant à la charge de celui-ci les contributions en litige. Si la société EMB soutient par ailleurs que ce courrier d'information a été signé par un agent non habilité, il ressort des pièces du dossier que le signataire avait reçu délégation pour ce faire. Il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier de la décision du 18 novembre 2019, que l'OFII n'aurait pas tenu compte des observations présentées par la société requérante. La circonstance que l'OFII n'ait pas répondu aux observations formulées par la société EMB dans le cadre de son recours gracieux ne saurait être utilement invoquée à l'encontre de la décision prise sur ce recours du 15 janvier 2020. Les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure doivent être écartés.

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut (...) embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ", et aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " (...) l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (...) Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler (...) Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'État selon des modalités définies par convention. / L'État est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception (...) ".

6. Il ressort des mentions du procès-verbal établi le 24 avril 2019 qu'a été constatée la participation au chantier de la société EMB d'un afghan dépourvu d'autorisation de travail et que ces faits ont été qualifiés comme pouvant donner lieu à poursuites pour l'emploi d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France et travail dissimulé. Si la société EMB se prévaut d'un récépissé de demande d'asile du salarié et de sa propre tentative de présentation, le 1er avril 2019, d'une déclaration d'embauche de ce salarié, il lui appartenait de s'assurer auprès des administrations territorialement compétentes de la délivrance d'un titre autorisant l'exercice d'une activité salariée et de mener à bien sa déclaration d'embauche. Dans ces conditions de cumul d'infraction, la circonstance que la décision du 15 janvier 2020 portant rejet du recours gracieux de la société EMB mentionne que celle-ci a également commis l'infraction d'aide au séjour irrégulier, alors que cela ne ressort pas du procès-verbal, est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées. Par suite, les faits à l'origine des sanctions prononcées à savoir l'emploi d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France et celle de travail dissimulé sont matériellement établis et constitutifs d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail.

7. Il est vrai qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail, définissant les conditions d'application du premier alinéa de l'article L. 8253-1 précité : " I. - Le montant de la contribution spéciale (...) II. - (...) est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause (...) 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre (...) ".

8. Or et d'une part, il ressort de ces dispositions que la réduction de la contribution est conditionnée dans un premier cas à la mention dans le procès-verbal d'une seule infraction. Il est, dès lors, sans incidence que la société EMB, à l'encontre de qui la gendarmerie a identifié deux chefs de poursuites, n'ait pas commis intentionnellement les faits qui ont donné lieu à la liquidation de la contribution spéciale au tarif majoré. D'autre part, l'acquittement des salaires et indemnité s'entend de leur paiement effectif, dûment constaté au débit des comptes de l'entreprise. Dès lors, la société EMB, qui n'établit pas avoir versé à son salarié, dans le délai de trente jours, l'intégralité des sommes dues pour solde de tout compte, ne peut revendiquer le bénéfice de la réduction du montant de contribution spéciale. Il suit de là que la requérante ne relevait d'aucun des cas envisagés par le II de l'article R. 8253-2 précité et qu'elle n'est pas fondée à demander une réduction de sa contribution à deux mille ou mille fois le taux horaire du minimum garanti.

9. Il résulte de ce qui précède que la société EMB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les conclusions présentées par la société EMB, partie perdante, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, de faire droit aux conclusions de l'OFII.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société EMB est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'OFII tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société EMB et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 20LY03182 2

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03182
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. - Emploi des étrangers. - Mesures individuelles. - Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SELARL NEKAA ALLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;20ly03182 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award