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28/06/2022 | FRANCE | N°21LY03180

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 28 juin 2022, 21LY03180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel la préfète de l'Allier l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux années, la décision du 14 avril 2021 par laquelle le préfet du Cantal l'a assignée à résidence pendant une durée de six mois et la décision du 22 avril 2021 par laquelle le préfet du Cantal l'a

invitée à se présenter à l'embarquement le 3 mai 2021 à l'aéroport de Clermont-Fe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel la préfète de l'Allier l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux années, la décision du 14 avril 2021 par laquelle le préfet du Cantal l'a assignée à résidence pendant une durée de six mois et la décision du 22 avril 2021 par laquelle le préfet du Cantal l'a invitée à se présenter à l'embarquement le 3 mai 2021 à l'aéroport de Clermont-Ferrand.

Par un jugement n° 2100912 du 24 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a renvoyé en formation collégiale les conclusions dirigées contre l'arrêté du 14 avril 2021, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2021, Mme B... A..., représentée par Me Bocoum, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2021 ;

2°) d'annuler ces décisions en date des 22 janvier 2021, 14 avril 2021 et 22 avril 2021 ;

3°) de faire injonction au préfet du Cantal de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le magistrat désigné ne pouvait renvoyer en formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision du 14 avril 2021 l'assignant à résidence, compte tenu du lien de connexité entre les différentes décisions en litige ;

- la décision du 22 avril 2021 lui fait grief ;

- c'est à tort que le premier juge a rejeté comme tardives ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 22 janvier 2021, dès lors que les mentions des voies et délais étaient incomplètes et que, assignée à résidence, elle était dans l'impossibilité de se rendre chez un professionnel du droit pour exercer son recours ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait, dès lors qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire français ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision la privant de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions des 14 avril 2021 et 22 avril 2021.

Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2021, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête dirigés contre l'arrêté du 14 avril 2021 n'est fondé.

La requête a été communiquée au préfet de l'Allier, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 22 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née en 1987, est entrée en France en 2019. A la suite d'un contrôle d'identité, la préfète de l'Allier, par un arrêté du 22 janvier 2021, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français sans délai, fixé le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, le préfet du Cantal l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, mesure renouvelée le 8 mars 2021. Par un nouvel arrêté du 14 avril 2021, le préfet du Cantal a assigné à résidence Mme A... pour une durée de six mois sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 22 avril 2021, le préfet du Cantal a notifié à Mme A... une invitation à se présenter, le 3 mai suivant, à l'embarquement à l'aéroport de Clermont-Ferrand aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation de l'arrêté pris le 22 janvier 2021 par la préfète de l'Allier, ainsi que des décisions du préfet du Cantal en date des 14 avril 2021 et 22 avril 2021. Par un jugement du 24 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a renvoyé en formation collégiale les conclusions dirigées contre l'arrêté du 14 avril 2021, et a rejeté comme irrecevables les demandes dirigées contre les décisions des 22 janvier 2021 et 22 avril 2021. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 22 janvier 2021 de la préfète de l'Allier :

2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 512-1 de ce même code : " (...) II. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français (...). / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis (...) ". Conformément à ces dispositions, l'article R. 776-2 du code de justice administrative fixe à quarante-huit heures à compter de la notification d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, le délai pour contester cette obligation et les décisions relatives à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 776-5 de ce code " (...) II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 (...) ne sont susceptibles d'aucune prorogation. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 776-22 du même code, applicables lorsque l'étranger fait l'objet d'une assignation à résidence : " L'étranger peut, au plus tard avant le début de l'audience, demander qu'un avocat soit désigné d'office. Il en est informé par le greffe du tribunal au moment de l'introduction de sa requête. / Quand l'étranger a demandé qu'un avocat soit désigné d'office, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné en informe aussitôt le bâtonnier de l'ordre des avocats près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se tiendra l'audience. Le bâtonnier effectue la désignation sans délai ".

3. Pour rendre opposable le délai de recours contentieux, l'administration est tenue, en application de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, de faire figurer dans la notification de ses décisions la mention des délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais des recours administratifs préalables obligatoires. Elle n'est en principe pas tenue d'ajouter d'autres indications, notamment les délais de distance, la possibilité de former des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs ou la possibilité de former une demande d'aide juridictionnelle. Si des indications supplémentaires sont toutefois ajoutées, ces dernières ne doivent pas faire naître d'ambiguïtés de nature à induire en erreur les destinataires des décisions dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours effectif.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 22 janvier 2021 de la préfète de l'Allier, qui comprenait la mention des voies et délais de recours, a été notifié à Mme A... le même jour à 16h35. La circonstance que la notification de la décision ne comprenait pas d'informations relatives à la possibilité pour l'intéressée de demander, avant l'audience, qu'un avocat soit commis d'office, qui ne sont pas des mentions que l'administration est tenue de faire figurer dans ce document, reste sans incidence sur la régularité des mentions relatives aux voies et délais de recours. Dans ces conditions, les délais ont valablement couru et étaient expirés lorsque la requérante a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le 29 avril 2021 d'une demande dirigée contre l'arrêté en litige. Si Mme A... fait valoir qu'elle a été assignée à résidence à compter du jour de la notification de l'arrêté en litige par un arrêté du préfet du Cantal, qui l'interdisait de sortir des limites de la commune de ..., sauf pour satisfaire à son obligation de présentation en gendarmerie de ..., et lui imposait de solliciter un sauf-conduit au moins cinq jours à l'avance pour ses démarches administratives ou médicales, une telle circonstance, qui ne l'empêchait pas de contacter un avocat ou de saisir le tribunal administratif d'une demande dirigée contre l'arrêté du 22 janvier 2021, ne saurait justifier qu'elle aurait été dans l'impossibilité de présenter sa demande dans les délais impartis. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté comme tardive et par suite irrecevable la demande, en ce qu'elle tendait à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2021 de la préfète de l'Allier.

Sur les conclusions dirigées contre l'assignation à résidence :

5. L'article L. 3 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi ". Par ailleurs, l'article L. 614-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L. 732-8 ". Enfin, aux termes de l'article L. 732-8 du même code : " La décision d'assignation à résidence prise en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-1 peut être contestée devant le président du tribunal administratif dans le délai de quarante-huit heures suivant sa notification. Elle peut être contestée dans le même recours que la décision d'éloignement qu'elle accompagne. / Le délai de quarante-huit heures prévu au premier alinéa est également applicable à la contestation de la décision d'assignation à résidence notifiée postérieurement à la décision d'éloignement, alors même que la légalité de cette dernière a été confirmée par le juge administratif ou ne peut plus être contestée (...) ".

6. L'assignation à résidence en litige du 14 avril 2021, qui n'a pas été prise concomitamment à l'arrêté de la préfète de l'Allier du 22 janvier 2021, fait suite à deux décisions non contestées par Mme A..., et n'a pas été prise sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais est fondée sur les dispositions alors codifiées à l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais reprises à l'article L. 731-3 du même code. Dans ces conditions, les conclusions dirigées contre cet arrêté, qui ne rentrent pas dans le champ des exceptions prévues par les dispositions citées au point précédent, relevaient de la formation collégiale de jugement, ainsi que l'a estimé le premier juge. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 22 avril 2021 :

7. En se bornant à indiquer que la décision du 22 avril 2021 lui fait grief, Mme A... ne conteste pas le motif d'irrecevabilité opposé à sa demande, tiré de ce que les conclusions dirigées contre cette décision, qui n'a pas été exécutée, étaient dépourvues d'objet dès l'introduction de la demande. Par voie de conséquence, ses conclusions dirigées contre cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier et au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022.

Le rapporteur,

Thierry Besse

La présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03180
Date de la décision : 28/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : BOCOUM

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-28;21ly03180 ?
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