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30/06/2022 | FRANCE | N°21LY00032

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 30 juin 2022, 21LY00032


Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 7 janvier 2021, 14 mai 2021, 15 novembre 2021 et 10 décembre 2021 (non communiqué), Mme A... C..., Mme I... J..., Mme L... B..., M. E... K..., M. F... H... et Mme G... D..., représentés par Me Deygas, demandent à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation de construire, l'arrêté du 17 juillet 2020 par lequel le maire de Ferney-Voltaire a délivré à la société Alta Ferney-Voltaire un permis de construire portant sur la construction au sein de la ZAC de Ferney-Genève Innova

tion, d'un ensemble commercial, culturel et de loisirs pour une surface de pl...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 7 janvier 2021, 14 mai 2021, 15 novembre 2021 et 10 décembre 2021 (non communiqué), Mme A... C..., Mme I... J..., Mme L... B..., M. E... K..., M. F... H... et Mme G... D..., représentés par Me Deygas, demandent à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation de construire, l'arrêté du 17 juillet 2020 par lequel le maire de Ferney-Voltaire a délivré à la société Alta Ferney-Voltaire un permis de construire portant sur la construction au sein de la ZAC de Ferney-Genève Innovation, d'un ensemble commercial, culturel et de loisirs pour une surface de plancher de 63 878 m² ainsi que la décision portant rejet de leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Ferney-Voltaire et la société Alta Ferney-Voltaire la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour agir ;

- la procédure de participation du public par voie électronique est irrégulière dès lors que les conditions d'affichage et de publication des arrêtés informant le public de la suspension et de la reprise de la procédure n'ont pas été régulières et qu'en raison de l'interruption de la procédure résultant de la période d'urgence sanitaire, la durée de participation du public n'a pas été de trente jours consécutifs, en méconnaissance de l'article L. 123-19 du code de l'environnement ;

- le dossier de demande de permis de construire comporte plusieurs insuffisances, inexactitudes et omissions ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article UX 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;

- le projet méconnaît les dispositions des articles UX 10, 12 et 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article L. 111-18-1 du code de l'urbanisme ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme ;

- le projet est incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation portant sur la ZAC Ferney-Genève Innovation ;

- le projet est incompatible avec le document d'aménagement artisanal et commercial du SCOT du pays de Gex ;

- le projet méconnaît le principe de prévention visé à l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement.

Par trois mémoires, enregistrés les 15 mars 2021, 25 août 2021 et 8 décembre 2021 (non communiqué), la SNC Alta Ferney-Voltaire, représentée par Me Courrech, conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les requérants ne justifient pas de leur intérêt pour agir et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par trois mémoires, enregistrés les 22 mars 2021, 14 novembre 2021 et 9 décembre 2021 (non communiqué), la commune de Ferney-Voltaire, représentée par Me Landot, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 15 novembre 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 10 décembre 2021.

Par lettre du 6 mai 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser le vice tiré de la méconnaissance de l'article UX 12 du règlement du PLU s'agissant de la surface réservée aux cycles non-motorisés.

Les observations de la SNC Alta Ferney-Voltaire en réponse à ce courrier ont été enregistrées le 18 mai 2022.

Les observations de la commune de Ferney-Voltaire en réponse à ce courrier ont été enregistrées le 20 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;

- la loi du n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat ;

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Courrech pour la SNC Alta Ferney-Voltaire et de Me Polubosko, pour la commune de Ferney-Voltaire et Me Arnaud pour Mme C... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 17 juillet 2020, le maire de Ferney-Voltaire a délivré à la SNC Alta Ferney-Voltaire un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale portant sur la construction, au sein de la ZAC Ferney-Genève Innovation, d'un ensemble commercial, culturel et de loisirs comprenant trois bâtiments à usage de commerce (122 cellules), de restauration (19 cellules) et de loisirs (3 cellules), un multiplex cinématographique ainsi qu'un parc de stationnement de 1 604 places réparties sur 3 niveaux de sous-sol, pour une surface de plancher de 63 878 m². Les requérants, qui sont propriétaires de maisons d'habitations situées à moins de 500 mètres du terrain d'assiette du projet, sollicitent l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation de construire ainsi que de la décision portant rejet de leur recours gracieux.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne (...) n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que deux des requérants, M. K... et Mme D... résident dans un immeuble situé en face du projet litigieux à une distance d'environ 20 à 30 mètres et en sont voisins immédiats. Ils se prévalent de l'ampleur du projet et des nuisances qu'ils subiront, en raison de l'afflux massif de personnes, et d'une augmentation de la circulation sur le secteur, laquelle affectera les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de l'immeuble qu'ils occupent. Dans ces conditions, dès lors que l'intérêt pour agir est démontré pour au moins deux des requérants, la fin de non-recevoir opposée par le pétitionnaire doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-19 du code de l'environnement : " I. - La participation du public s'effectue par voie électronique. Elle est applicable : / 1° Aux projets qui font l'objet d'une évaluation environnementale et qui sont exemptés d'enquête publique en application du 1° du I de l'article L. 123-2 (...) II. - Le dossier soumis à la présente procédure comprend les mêmes pièces que celles prévues à l'article L. 123-12. Il est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures en ce qui concerne les décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, ou au siège de l'autorité en ce qui concerne les décisions des autres autorités. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ou du dossier de demande ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, la note de présentation précise l'objet de la procédure de participation, les lieux et horaires où l'intégralité du projet ou du dossier de demande peut être consultée. Le public est informé par un avis mis en ligne ainsi que par un affichage en mairie ou sur les lieux concernés et, selon l'importance et la nature du projet, par voie de publication locale quinze jours avant l'ouverture de la participation électronique du public pour les plans, programmes et projets. Cet avis mentionne : (...) Les observations et propositions du public, déposées par voie électronique, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à trente jours à compter de la date de début de la participation électronique du public. (...) " En outre, aux termes de l'article 7 de l'ordonnance n°2020-306 susvisée, dans sa version applicable du 27 mars au 17 avril 2020 : " (...), les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci. / Les mêmes règles s'appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande ainsi qu'aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public. " Aux termes de cet article 7, dans sa version applicable à compter du 15 mai 2020 : " (...) Sous réserve des dispositions de l'article 12, les délais prévus pour la consultation ou la participation du public sont suspendus jusqu'au 30 mai 2020 inclus. "

5. Il ressort des pièces du dossier que la procédure de participation du public par voie électronique, ouverte par avis affiché en mairie de Ferney-Voltaire à compter du 10 février 2020, mis en ligne sur le site internet de la commune le 25 février 2020 et publié dans un journal local le 10 février 2020, a duré du 25 février au 12 mars 2020 puis a été suspendue en vertu de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée dans le cadre de la période d'urgence sanitaire et ce jusqu'au 30 mai 2020 inclus. La procédure a repris à compter du 31 mai 2020 et jusqu'au 14 juin 2020. Par suite, la participation du public par voie électronique a duré une période supérieure à 30 jours. La circonstance que la durée de celle-ci n'ait pas été continue ne saurait révéler en l'espèce une irrégularité dès lors que la suspension de la procédure a résulté de l'application des dispositions de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prise dans le cadre de la période d'urgence sanitaire.

6. En outre, si, ainsi que le relèvent les requérants, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de suspension de la procédure de participation du public par voie électronique pris le 20 mars 2020 par le maire de la commune a été affiché en mairie et sur le site internet de la mairie mais n'a pas fait l'objet d'une publication dans un journal local, cet arrêté présentait un caractère superfétatoire en raison de l'intervention de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 précité suspendant les délais de la procédure. L'arrêté du 20 mai 2020 portant poursuite du processus de participation du public par voie électronique a quant à lui été affiché et publié sur le site de la commune ainsi que dans un journal local. Il présentait également un caractère superfétatoire en raison de l'édiction de l'article 7 de l'ordonnance susvisée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure de participation du public par voie électronique serait entachée d'irrégularités.

7. Au surplus, la procédure litigieuse a donné lieu à 22 observations de la part de la population. En dépit de cette relative participation du public, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas soutenu qu'une ou plusieurs personnes auraient au cours des deux périodes susvisées vainement tenté de participer et se seraient heurtée(s) à un refus de prise en compte de leur(s) observation(s). La commune fait d'ailleurs valoir en défense que les observations du public présentées durant la période de suspension ont été prises en compte et consignées dans le bilan de la concertation.

8. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que le document joint à la demande de permis de construire intitulé " PC 50 " mentionne une surface de plancher de 33 337 m² dédiée aux commerces, une surface de plancher de 4 330 m² dédiée aux restaurants et 7 200 m² aux centres de congrès alors que l'étude d'impact mentionne quant à elle une surface de plancher dédiée aux commerces de 34 571 m², celle dédiée aux restaurants de 4 729 m², celle dédiée aux centres de congrès de 3 694 m² et celle dédiée au cinéma de 3 943 m², il ne ressort pas des pièces du dossier que ces erreurs de plume figurant dans l'étude d'impact auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par la commune sur la conformité du projet aux règles d'urbanisme. Il en va de même de l'absence de mention de la superficie des espaces verts dans le dossier de demande alors qu'il n'est pas contesté que figurait au dossier un plan de masse côté permettant à ces services de déterminer la superficie des espaces verts du projet.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article UX 10 du règlement du PLU de la commune de Ferney-Voltaire : " 1. La hauteur maximale des constructions est limitée à : (...) - Dans le secteur UXp, la hauteur des bâtiments est limitée à R+7. / 2. Les ouvrages techniques et autres superstructures de faible emprise au sol (antennes, ventilations ou cheminées notamment ...) peuvent déroger à ces règles de hauteur excepté dans le secteur UXp. Dans le secteur UXp, ils devront être intégrés au volume de la construction qui ne devra pas dépasser au total 32 m. "

10. En l'absence d'indication ou de disposition contraire contenues dans le règlement du plan local d'urbanisme, la hauteur d'un bâtiment se mesure à l'égout du toit à partir du niveau du sol naturel. Pour déterminer le niveau du sol naturel, il convient de se référer à l'état du terrain antérieurement aux remaniements qui ont pu lui être apportés pour la réalisation du projet de construction, objet du permis en cause.

11. En l'espèce, il ressort de la notice architecturale que le bâtiment A est implanté à la côte NGF 412 TN et que la côte NGF au point culminant est à +444 soit une hauteur de 32 mètres conformément aux dispositions précitées. Contrairement à ce qu'estiment les requérants, la hauteur du bâtiment ne se calcule pas à partir de la côte NGF +411,50 au niveau du terrain fini mais à partir du sol naturel avant travaux, qui n'est pas nécessairement plus profond que le terrain après travaux, en l'absence d'indications dans le règlement du PLU. Les requérants ne démontrent pas l'inexactitude des cotes ainsi mentionnées. Par suite, le moyen tiré de ce que le bâtiment A ne respecte pas la hauteur des constructions visée à l'article UX 10 du règlement du PLU doit être écarté.

12. En quatrième lieu, l'article UX 11 du règlement du PLU de la commune de Ferney-Voltaire dispose : " Les autorisations peuvent être refusées ou n'être accordées que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si l'aspect extérieur des constructions est de nature à porter atteinte au caractère du paysage urbain environnant ainsi qu'à la conservation des perspectives paysagères. " En outre, il prévoit : " Les toitures devront être traitées avec le même soin que les autres faces du bâtiment. (...) / De plus dans le secteur UXP, les toitures devront présenter des volumes simples, au traitement homogène. / Par principe, tous les matériaux de couverture sont autorisés, sous réserve que leur choix soit en adéquation avec la forme architecturale du projet et les contraintes techniques induites par la forme des toitures. / Les toitures présentant une pente inférieure à 5° devront être, dans la mesure du possible, végétalisées. / Les toitures plates seront aménagées sous forme de terrasses accessibles et/ou végétalisées. " Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " Les dispositions de l'article UX 11 du règlement du plan local d'urbanisme ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres que celles résultant de cette disposition. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité de l'autorisation d'urbanisme en litige.

13. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ou de celles du règlement d'un plan local d'urbanisme ayant le même objet et dont les exigences ne sont pas moindres, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

14. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux s'intégrera dans un environnement disparate au sein d'une vaste zone commerciale incluant au Nord un supermarché à l'enseigne " Carrefour " de près de 11 000 m² d'emprise au sol, accompagné d'un parking d'une superficie équivalente, et une station d'épuration et un centre de gestion des déchets verts, et à l'Ouest un centre de révision automobile, une station-service et des immeubles locatifs de type R+3 à R+8. Si le secteur présente à l'Est plusieurs maisons individuelles, le projet s'intègre dans un vaste espace sans cohérence architecturale ni intérêt architectural particulier et se situe en outre à 550 mètres de la piste principale de l'aéroport international de Genève. Le projet, s'il est certes de très grande ampleur, est d'inspiration contemporaine avec des façades présentant des matériaux telle que de la terre cuite émaillée, de l'aluminium et du verre permettant de préserver les perspectives paysagères et ne s'intègre pas dans un tissu pavillonnaire. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il ne s'insèrerait pas dans son environnement et méconnaîtrait les dispositions de l'article UX 11 précitées. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le maire de Ferney-Volaire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme doit être écarté. En outre, conformément aux dispositions de l'article UX 11 précitées, il ressort des pièces versées que les toitures du projet, qui présentent une légère pente, seront végétalisées et traitées avec le même soin que les autres faces du bâtiment.

15. En cinquième lieu, l'article UX 12 du règlement du PLU prévoit, s'agissant de la destination " commerces et activités de services ", que la sous-destination " services avec accueil de clients " exige une surface de 1,5 m² par tranche entamée de 100 m² de surface de plancher affectée aux cycles non-motorisés et poussettes. Aux termes de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux plans locaux d'urbanisme approuvés avant le 1er janvier 2016 : " (...) Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif. (...) " Le VI de l'article 12 du décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme dispose que : " Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016. (...) ".

16. Il est constant que le plan local d'urbanisme de la commune de Ferney-Voltaire a été approuvé le 11 février 2014. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le projet en litige était ainsi soumis aux prescriptions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que le soutiennent les requérants, que la surface de plancher du complexe cinématographique incluse dans le projet litigieux a été intégrée à tort à la sous-destination " centre des congrès et d'exposition ", incluse dans la destination " activités des secteurs secondaires ou tertiaires ", alors qu'elle aurait dû relever de la catégorie " commerces et activités de services " visée à l'article UX12 du règlement du PLU ce qui implique, pour la sous-destination " services avec accueil de clients ", que la surface réservée aux cycles non-motorisés et poussettes doit être de 1,5 m² de surface réservée pour 100 m² de surface de plancher et non 1 m² de surface réservée pour 100 m² de surface de plancher tel que retenu dans le projet en cause. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le projet litigieux méconnaît les dispositions de l'article UX12 précitées.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article UX 13 du règlement du PLU : " 1. L'ensemble des espaces libres non destinés à la circulation, au stationnement, à des aires de stockage ou de manœuvre des véhicules devront être consacrées à des plantations de pleine terre. Ces surfaces d'espaces verts devront : / - dans tous les secteurs sauf en UXp, couvrir au moins 20% de la superficie du terrain, / - dans le secteur UXp, couvrir au moins 10% de la superficie du terrain, en plus des emprises d'espaces verts à protéger et des EBC repérés au plan de zonage, / - être plantés à raison d'un arbre indigène pour 75 m² d'espaces verts. "

18. Il est constant que la notice paysagère du projet mentionne des surfaces de pleine terre de 2 983,5 m² soit plus de 10% du terrain d'assiette du projet. Les requérants ne sont pas ainsi fondés à soutenir que le projet méconnaîtrait les dispositions précitées imposant pour le secteur UXp concerné au moins 10% d'espaces verts, lesquels incluent les espaces de pleine terre. En outre, il ressort du plan des arbres existants, maintenus et supprimés et des arbres plantés, constituant la pièce " PC 2-1 " produite par le pétitionnaire, que le rez-de-chaussée du projet prévoit à lui seul 63 arbres ce qui est conforme aux dispositions précitées.

19. En septième lieu, si les requérants invoquent les dispositions de l'article L. 111-18-1 du code de l'urbanisme, celles-ci ont été créées par l'article 47 de la loi du n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat et n'étaient applicables qu'aux demandes d'autorisations déposées à compter de la publication de la loi, soit le 9 novembre 2019. La demande de permis de construire en litige ayant été déposée le 29 mars 2019, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant et doit être écarté.

20. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. "

21. En l'espèce, l'orientation 2 du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du PLU de la commune intitulée " Promouvoir le Pays de Gex au sein de la métropole genevoise " prescrit un développement commercial dynamique soumis à l'exigence de maîtrise et de qualité urbaine incluant précisément " d'organiser le développement autour de 4 pôles dont celui de la Pôterie (Ferney-Voltaire) " dont relève le projet litigieux. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le projet méconnaîtrait cette orientation du PADD. En outre, s'ils estiment que le projet supprime des espaces verts notables alors que le PADD prévoit de maintenir les espaces de respiration à l'échelle du territoire, ils n'apportent aucune précision concernant cette branche du moyen permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

22. En neuvième lieu, il n'est pas contesté et ressort des plans produits que le projet prend en compte la ripisylve de la rivière du Nant en préservant une large bande végétale le long de celle-ci et que les bâtiments B et C seront situés en ses points les plus proches à plus de 15 mètres de la rive Nord du Nant. L'étude d'impact précise également que le projet prévoit de mettre en application des prescriptions de retrait minimum de 15 à 20 mètres de l'axe du ruisseau. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet méconnaîtrait l'orientation d'aménagement et de programmation concernant la ZAC Ferney-Genève Innovation mettant l'accent sur la renaturation du Nant en prévoyant notamment une épaisseur d'au moins 15 mètres en partie Nord.

23. En dixième lieu, l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme prévoit que " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : (...) 8° Les autorisations prévues par l'article L. 752-1 du code de commerce ; (...) 10° Les permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévus à l'article L. 425-4. "

24. Si les requérants se prévalent de la méconnaissance par le projet litigieux des prescriptions prévues par le document d'aménagement artisanal et commercial en matière de coefficient de biotope et de l'alimentation en énergies renouvelables, il ressort de ces prescriptions qu'elles ne concernent que les zones commerciales stratégiques prises dans leur ensemble. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en lui-même le projet devrait respecter ces prescriptions ne peut qu'être écarté.

25. En onzième lieu, aux termes de l'article L. 424-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision autorise un projet soumis à évaluation environnementale, elle comprend en annexe un document comportant les éléments mentionnés au I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement. " Aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement : " I. L'autorité compétente pour autoriser un projet soumis à évaluation environnementale prend en considération l'étude d'impact, l'avis des autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 ainsi que le résultat de la consultation du public et, le cas échéant, des consultations transfrontières. / La décision de l'autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d'ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destiné à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine. (...) "

26. Les requérants se bornent à soutenir que l'arrêté en litige méconnaîtrait les dispositions précitées et plus généralement le principe de prévention dès lors que l'arrêté ne mentionnerait pas les mesures mises à la charge du pétitionnaire destinées à éviter, réduire, voire compenser les effets négatifs notables du projet, ainsi que les modalités de leur suivi. Toutefois, la circonstance que les informations prévues par les dispositions de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement n'aient pas été jointes à l'arrêté contesté est sans incidence sur sa légalité. En outre, si l'étude d'impact reconnaît des atteintes à l'environnement durant les phases de travaux et d'exploitation, elle fait état de la mise en œuvre de diverses mesures d'évitement, de réduction et de compensation prises durant ces phases qui compenseront les atteintes à l'environnement et présente également des modalités de suivi de l'impact des travaux. Dans ces conditions et eu égard au moyen tel qu'il a été soulevé par les requérants, celui-ci doit être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont uniquement fondés à soutenir que le maire de Ferney-Voltaire a, en ne s'opposant pas aux travaux litigieux, entaché son arrêté d'illégalité au regard de l'article UX 12 du règlement du PLU.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

28. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre (...) une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "

29. Le vice tiré de la méconnaissance de l'article UX 12 du règlement du PLU relevé au point 16 est susceptible d'être régularisé. Par suite, il y a lieu, de surseoir à statuer sur les conclusions à fin d'annulation des requérants et de fixer à trois mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à la SNC Alta-Ferney-Voltaire pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du projet en litige.

DECIDE :

Article 1er : En application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il est sursis à statuer sur la requête de Mme A... C..., Mme I... J..., Mme L... B..., M. E... K..., M. F... H... et Mme G... D... jusqu'à l'expiration du délai de trois mois fixé au point 29.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., Mme I... J..., Mme L... B..., M. E... K..., M. F... H... et Mme G... D..., à la SNC Alta Ferney-Voltaire et à la commune de Ferney-Voltaire.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Le Frapper, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

La rapporteure,

V. Rémy-Néris

La présidente,

D. Dèche

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, à la ministre de la transition écologique et la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°21LY00032

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00032
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP COURRECH ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-30;21ly00032 ?
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