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14/09/2022 | FRANCE | N°20LY00247

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 14 septembre 2022, 20LY00247


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société bressane de stockage et de chargement a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 19 mars 2018 en vue du recouvrement d'une somme de 22 900 euros au titre de la liquidation partielle de l'astreinte administrative journalière qui lui a été infligée le 2 mai 2016 en application de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement concernant le site exploité au lieudit " En Rosset " à Ambronay

;

2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 22 900 euros mise à s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société bressane de stockage et de chargement a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 19 mars 2018 en vue du recouvrement d'une somme de 22 900 euros au titre de la liquidation partielle de l'astreinte administrative journalière qui lui a été infligée le 2 mai 2016 en application de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement concernant le site exploité au lieudit " En Rosset " à Ambronay ;

2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 22 900 euros mise à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1806519 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 17 janvier 2020, 21 juin 2021 et 15 septembre 2021, la société bressane de stockage et de chargement, représentée par Me Eard-Aminthas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2019 et en conséquence d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 19 mars 2018 en vue du recouvrement d'une somme de 22 900 euros au titre de la liquidation partielle de l'astreinte administrative journalière qui lui a été infligée le 2 mai 2016 en application de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement concernant le site exploité au lieudit " En Rosset " à Ambronay, ensemble la décision du préfet de l'Ain du 29 juin 2018 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société bressane de stockage et de chargement soutient que :

- puisque l'arrêté du 27 novembre 2015 portant mise en demeure, l'arrêté du 2 mai 2016 infligeant une astreinte administrative journalière et l'arrêté du 10 janvier 2018 portant liquidation de l'astreinte, qui sont entachés d'illégalité externe, constituent avec le titre de perception litigieux les éléments d'une même opération complexe, leur illégalité peut être excipée à l'occasion du recours contre le titre de perception et donc pour ce seul motif, l'appréciation portée par le tribunal administratif est manifestement erronée et ne pourra qu'être censurée par la cour ;

- le titre de perception en litige n'est pas signé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le titre de perception est insuffisamment motivé, étant dépourvu de clarté et d'intelligibilité et reposant sur une méthode de calcul erronée et incohérente ;

- le titre de perception a été pris en méconnaissance des principes de confiance légitime et de bonne foi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire, conclut à la compétence de l'administration fiscale dès lors que la société, qui n'a pas contesté la sanction administrative qui est devenue définitive, ne conteste que le titre de perception.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 juin 2020 et 9 juillet 2021, le ministre de l'action publique et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il est incompétent, en qualité de comptable, pour ce qui concerne les problématiques relatives au bien-fondé de la créance et la forme du titre ;

- le moyen soulevé par la société bressane de stockage et de chargement relatif à l'incompétence de l'auteur de l'acte n'est pas fondé.

Par ordonnance du 17 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Laurent, représentant la société bressane de stockage et de chargement ;

Considérant ce qui suit :

1. La société bressane de stockage et de chargement exploite une activité de transit, de regroupement ou de tri de métaux ou de déchets d'alliages de métaux non dangereux sur un site localisé au lieudit " En Rosset ", à Ambronay. Le 22 septembre 2015, l'inspection des installations classées a procédé à une visite du site et estimé que cette société exploitait sans autorisation une activité de stockage de déchets inertes métalliques. Par un arrêté du 27 novembre 2015, le préfet de l'Ain a mis en demeure la société bressane de stockage et de chargement de procéder à l'évacuation, dans un délai de trois mois, des déchets métalliques vers une installation autorisée et de justifier de la prise en charge de ces déchets par une installation autorisée dans un délai de quinze jours suivant leur évacuation. A la suite d'une deuxième visite de l'inspection des installations classées, le préfet de l'Ain a, par un arrêté du 2 mai 2016, prononcé une astreinte administrative journalière de 50 euros jusqu'à complète exécution des prescriptions de la mise en demeure du 27 novembre 2015. Par un arrêté du 10 janvier 2018 ayant suivi une troisième visite de l'inspection des installations classées du 9 novembre 2017, le préfet de l'Ain a liquidé cette astreinte à concurrence de 22 900 euros. Le 19 mars 2018, le directeur départemental des finances publiques de l'Ain a émis un titre de perception en vue du recouvrement de l'astreinte ainsi liquidée. La société bressane de stockage et de chargement a présenté une réclamation préalable à l'encontre de ce titre de recettes, rejetée par une décision du 29 juin 2018. Cette société a demandé l'annulation du titre de perception émis le 19 mars 2018 ainsi que la décharge de l'obligation de payer la somme de 22 900 euros ainsi mise à sa charge. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société bressane de stockage et de chargement par un jugement n ° 1806519 du 14 novembre 2019 dont elle relève appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation du titre de perception et de décharge :

2. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux, contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituent les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

3. Si la société bressane de stockage et de chargement excipe, à l'appui des conclusions dirigées contre le titre de perception contesté, de l'illégalité des arrêtés des 27 novembre 2015, 2 mai 2016 et 10 janvier 2018, qui portent respectivement mise en demeure, prononcé de l'astreinte administrative journalière, et liquidation partielle de cette astreinte, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que ces actes, qui ne revêtent pas de caractère règlementaire, sont devenus définitifs. Ces décisions et le titre en litige ne constituant pas les éléments d'une même opération complexe, l'appelante n'est, par suite, pas recevable à exciper de leur illégalité, alors qu'elle ne soulève aucun moyen au soutien de cette exception d'illégalité.

4. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre l'administration et le public : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur. Il résulte de l'instruction que l'état récapitulatif des créances a été signé le 19 mars 2018 par Mme A... qui, par un arrêté du même jour, régulièrement publié à cette même date au recueil des actes administratifs n° 84-2018-039, a reçu délégation à cet effet de la part du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes. La qualité de Mme A... mentionnée sur l'état récapitulatif en tant que " responsable des recettes et des engagements juridiques " correspond aux fonctions d'" agente contractuelle responsable des prestations financières " qu'elle occupe et pour lesquelles elle a reçu délégation. En outre, la société bressane de stockage et de chargement ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'état récapitulatif des créances n'a été validé que le 14 mars 2018, soit cinq jours avant l'adoption de l'arrêté du 19 mars 2018 et que Mme A..., qui n'a reçu délégation que le 19 mars 2018 n'était pas habilitée à valider les titres de perception dans l'application Chorus. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre l'administration et le public et de l'incompétence du signataire de l'acte doivent donc être écartés.

5. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquide faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". L'Etat ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour déterminer le montant de la créance. En l'espèce, le titre de perception en litige indique précisément l'objet de la créance, qui correspond à la liquidation partielle de l'astreinte journalière de 50 euros prononcée par arrêté du 10 janvier 2018 à l'encontre de la société bressane de stockage et de chargement pour l'activité exploitée sur le site du lieudit " En Rosset " à Ambronay. Il indique également la période du 10 mai 2016 au 9 novembre 2017, ainsi que la méthode de calcul de la créance fondée sur le nombre de jours ouvrables, qui sont les jours qui peuvent être légalement travaillés, en principe du lundi au samedi, soit six par semaine et qui excluent les dimanches et jours fériés. Contrairement à ce que soutient l'appelante, ce mode de calcul, qui était également mentionné dans l'arrêté du 10 janvier 2018 prononçant la liquidation partielle de l'astreinte et qui indiquait que le nombre de jours à prendre en compte pour le calcul du montant de l'astreinte est de 458 jours, ne souffre d'aucune imprécision ou incohérence sur ce point, alors même que la société ne critique pas le nombre de jours retenus et n'établit pas en quoi l'acte litigieux méconnaîtrait l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du titre exécutoire contesté doit être écarté.

6. Le principe de confiance légitime qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par ce droit. Il peut être invoqué par tout opérateur économique auprès duquel une autorité nationale a fait naître des espérances fondées. En l'espèce, la situation juridique de l'appelante est régie par l'arrêté du 13 octobre 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous la rubrique n° 2713, abrogé depuis le 1er juillet 2018, et non par le droit de l'Union européenne. Par suite, l'appelante ne peut utilement se prévaloir de ce que le titre de perception a été pris en méconnaissance du principe de confiance légitime. A supposer même que le titre de perception en litige puisse être regardé comme ayant été pris pour la mise en œuvre du droit de l'Union européenne, il résulte de l'instruction que la société bressane de stockage et de chargement, qui a été informée de la non-conformité de son activité de stockage de déchets inertes métalliques à la législation sur les installations classées dès le 22 septembre 2015, ne conteste pas ne pas avoir exécuté l'ensemble des prescriptions de la mise en demeure du 27 novembre 2015, avant et durant la période sur laquelle l'astreinte journalière a été partiellement liquidée. Dans ces conditions, en se bornant à faire valoir qu'elle considérait qu'elle disposait, de bonne foi, des autorisations nécessaires pour entreposer les déchets et que le titre de perception n'aurait pas été mis en œuvre, l'appelante ne saurait prétendre que seraient nées, à son égard, des espérances fondées d'échapper au paiement de l'astreinte administrative prononcée par l'arrêté du 2 mai 2016 et partiellement liquidée par celui du 10 janvier 2018, tous deux devenus définitifs.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que la société bressane de stockage et de chargement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société bressane de stockage et de chargement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société bressane de stockage et de chargement, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et au ministre de l'action publique et des comptes publics.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 30 août 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2022.

Le rapporteur,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et au ministre de l'action publique et des comptes publics en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00247


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00247
Date de la décision : 14/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-01-03 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Pouvoirs du préfet. - Contrôle du fonctionnement de l'installation.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : VEDESI - SCP SCHMIDT VERGNON PELISSIER THIERRY EARD-AMINTHAS et TISSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-14;20ly00247 ?
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