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06/10/2022 | FRANCE | N°21LY02864

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 octobre 2022, 21LY02864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 9 octobre 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n° 2003509 du 20 juillet 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 août 2021, Mme B..., représentée par Me N'Diaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette d

cision ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une carte de réside...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 9 octobre 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n° 2003509 du 20 juillet 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 août 2021, Mme B..., représentée par Me N'Diaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident, ou, à tout le moins, une carte de séjour temporaire, dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision attaquée méconnaît les article L. 423-7, L. 423-8 et L. 423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le préfet n'apporte pas la preuve que la reconnaissance de paternité est frauduleuse ;

- la décision méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les paragraphes 1 et 2 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les paragraphes 1 des articles 8 et 10 de cette convention.

La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a produit aucune observation.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B... a été rejetée par une décision du 24 novembre 2021.

Par ordonnance du 19 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante haïtienne née le 27 juillet 1985, est entrée en France au mois de décembre 2013, selon ses déclarations, et a été admise au séjour de 2015 à 2019 en qualité de parent d'enfant français. Elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 19 juin 2020. Par une décision du 9 octobre 2020, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de faire droit à sa demande. Mme B... relève appel du jugement du 20 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".

3. Il ressort des énonciations de la décision en litige que, pour refuser à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, né le 6 janvier 2015 et reconnu par un ressortissant français le 3 février 2015, le préfet de Saône-et-Loire s'est fondé sur la circonstance que ce dernier ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Il est constant que le père de l'enfant, qui n'a jamais vécu avec la requérante et son fils, ne contribue en aucune façon à l'entretien et à l'éducation de ce dernier. Si Mme B... produit un jugement du 11 février 2022 par lequel le tribunal judicaire de Mâcon a fixé une pension alimentaire de 115 euros à la charge du père pour l'entretien et l'éducation de l'enfant, il ressort de ce jugement, qui est postérieur à la date de la décision attaquée, que celui-ci n'a jamais vu son fils. Dans ces conditions, le préfet de Saône-et-Loire pouvait légalement refuser à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Mme B... se prévaut de la durée de son séjour en France, successivement en Guyane, à Evreux puis à Mâcon, et de ce que trois de ses enfants sont nés sur le territoire français et résident avec elle. Si l'intéressée a été admise au séjour, durant quatre années, en qualité de parent d'un enfant français, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a jamais vécu avec le ressortissant français père de son enfant, avec lequel elle n'entretient plus aucune relation depuis plusieurs années, et que ce dernier ne contribue ni à l'entretien ni à l'éducation de son fils. La requérante ne conteste pas disposer d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans et où résident notamment deux de ses enfants mineurs. Dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise, la décision par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de renouveler son titre de séjour ne porte pas à Mme B... une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet de Saône-et-Loire n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Mme B... fait valoir que l'intérêt supérieur de ses enfants impose que son titre de séjour soit renouvelé afin qu'elle puisse travailler et assurer des soins à son fils de nationalité française, qui est atteint de toxoplasmose congénitale. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer la gravité de la pathologie de son fils, ni que ce dernier ne pourrait être soigné dans son pays d'origine. Par ailleurs, la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet, de séparer les enfants de A... B... de leur mère. Dans ces conditions, le préfet de Saône-et-Loire n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en refusant à Mme B... de renouveler son titre de séjour.

8. En quatrième lieu, Mme B..., qui n'a pas présenté de demande de carte de résident sur le fondement de l'article L. 423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la demande n'a pas été examinée par le préfet sur ce fondement, ne peut utilement faire valoir à l'encontre du refus de renouvellement de titre de séjour contesté qu'il méconnaît ces dispositions.

9. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision en litige, qui n'a pas pour objet de prononcer l'éloignement de l'intéressée.

10. En sixième lieu, pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme B..., le préfet ne s'est pas fondé sur la circonstance que la reconnaissance de paternité effectuée par le père de son enfant était frauduleuse. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n'établirait pas l'existence d'une fraude est inopérant.

11. En septième lieu, Mme B... ne saurait utilement invoquer les stipulations du paragraphe 2 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que celles du paragraphe 1 de l'article 8 de cette convention, lesquels créent seulement des obligations entre Etats, sans ouvrir des droits à leurs ressortissants.

12. En dernier lieu, les stipulations de l'article 10, paragraphe 1, de cette même convention, selon lesquelles : " Conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille. ", ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, laquelle n'a pas pour objet de rejeter une demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, présidente de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2022.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02864
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : N'DIAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-06;21ly02864 ?
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