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24/11/2022 | FRANCE | N°21LY02442

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 24 novembre 2022, 21LY02442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. M'Bemba A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2007960 du 15 avril 2021, le tribunal administratif

de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. M'Bemba A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2007960 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", " étudiant " ou " salarié ", à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

-le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

-le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- l'interdiction de retour n'est pas légalement justifiée en ce que le préfet a voulu le sanctionner alors qu'elle n'est pas une mesure pénale ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 8 avril 2000, est entré en France le 12 juin 2017, selon ses déclarations. Par un jugement du 19 septembre 2017, le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Grenoble l'a confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère. Par un arrêté du 26 octobre 2018, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a obligé à quitter le territoire français. Le 23 décembre 2019, M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 juillet 2020, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

4. Si M. A... fait valoir qu'il est entré en France alors qu'il était mineur et qu'il est inscrit à une préparation au certificat d'aptitude professionnelle " employé de commerce multi-spécialistes ", ces éléments ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

6. A la date de la décision attaquée, comme d'ailleurs au moment de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, le requérant, né le 8 avril 2000, n'était plus dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... fait valoir qu'il est entré en France alors qu'il était mineur, qu'il y a noué des liens, qu'il a effectué plusieurs stages et qu'il suit une formation en vue d'obtenir le certificat d'aptitude professionnelle " employé de commerce multi-spécialistes ". Toutefois, il ressort des bulletins scolaires de l'intéressé que ses résultats sont faibles et qu'il ne maîtrise pas la langue française. Il n'établit pas disposer de liens privés et familiaux intenses et stables en France, où il n'a séjourné que durant trois années. Le requérant ne démontre pas davantage être dépourvu de toute attache privée et familiale en Guinée, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans, où vivent ses parents ainsi que son frère et sa sœur et où il pourra poursuivre sa formation. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

10. En second lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé, doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. A... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, et à supposer établies les difficultés alléguées que connaîtrait la Guinée pour réintégrer ses rapatriés, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère a motivé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an par le fait que, si le comportement de M. A... ne représente pas une menace pour l'ordre public, l'intéressé, célibataire et sans enfant, a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré et qu'il ne justifie pas de liens intenses, stables et anciens sur le territoire français où il ne réside que depuis trois ans, alors qu'au demeurant il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu pour l'essentiel. Dès lors, le préfet de l'Isère qui, ce faisant, a pris position sur l'ensemble des critères applicables, n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas davantage fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées en prononçant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et en fixant la durée de cette interdiction à un an.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. M'Bemba A.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

La présidente,

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02442
Date de la décision : 24/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-24;21ly02442 ?
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