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30/11/2022 | FRANCE | N°21LY02500

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 30 novembre 2022, 21LY02500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux requêtes distinctes, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 7 juillet 2021 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a porté son signalement aux fins de non-admission dans le système d'info

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Par un jugement nos 2105410-2105427 du 13 juillet 2021, la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux requêtes distinctes, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 7 juillet 2021 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a porté son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement nos 2105410-2105427 du 13 juillet 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a joint et rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Binder, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Allier du 7 juillet 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas suffisamment motivé son jugement, en s'appropriant la motivation erronée de la décision en litige ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet de l'Allier n'a pas préalablement procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 ;

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- elle méconnaît les articles L. 611 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 11 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mai 2022.

Un mémoire en défense présenté par la préfète de l'Allier a été enregistré le 15 novembre 2022 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Allier du 7 juillet 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, désignant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et le signalant aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen (SIS).

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué, en particulier de son paragraphe 4, que le premier juge a précisément répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français en litige. Dès lors, la seule circonstance, au demeurant non démontrée, que cette décision ne serait pas suffisamment motivée n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, pour justifier l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. B..., le préfet de l'Allier a notamment visé l'article L. 611-1 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et relevé que l'intéressé, qui s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement notifiée le 5 décembre 2018, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans solliciter la régularisation de sa situation. Le préfet de l'Allier, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments portés à sa connaissance par M. B..., a ainsi énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision n'est pas suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de cette décision ainsi motivée que le préfet de l'Allier a, contrairement à ce que prétend M. B..., préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté, sans que ne puissent être utilement invoquées à son appui les prétendues erreurs de fait ou erreurs d'appréciation dont cet examen serait entaché.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

6. M. B..., ressortissant tunisien né en 1973, est entré le 18 février 2016 en France, où il s'est irrégulièrement maintenu au-delà de la durée de validité de son visa et en dépit d'une première mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 20 novembre 2018. A la date de la décision en litige, il ne résidait ainsi que depuis cinq ans sur le territoire français, après avoir vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans dans son pays d'origine. Par ailleurs, s'il est constant que son épouse, également de nationalité tunisienne, y vit également, celle-ci n'y dispose que d'un droit au séjour provisoire, en qualité de demandeur d'asile. Enfin, M. B... ne démontre, ni ne prétend qu'il existerait un obstacle à ce que leurs deux enfants mineurs, âgés respectivement de quatre et quatorze ans, poursuivent une scolarité normale en Tunisie. Quant à leurs deux enfants majeurs, ceux-ci ne disposent de titres de séjour qu'en raison de leurs études, qui ne leur donnent pas nécessairement vocation à demeurer durablement en France. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Allier a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 6 du présent arrêt, de la situation de ses enfants et de la précarité du droit au séjour de son épouse, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Enfin, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

10. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

11. M. B... ne conteste pas s'être soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 20 novembre 2018. Dès lors, les garanties de représentation dont il se prévaut, de même que sa situation familiale, compte tenu de ce qui a été indiqué au point 6, ne permettent pas de caractériser une circonstance particulière propre à écarter le risque qu'il se soustrait à l'obligation de quitter le territoire français en litige, au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, de même que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont procèderait la décision litigieuse, doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

12. Comme il a été indiqué ci-dessus, la décision faisant obligation de quitter le territoire français à M. B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans :

13. En premier lieu et comme indiqué précédemment, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

14. En second lieu, et compte tenu de ce qui a été indiqué au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant signalement aux fins de non-admission au SIS :

15. Comme il a été indiqué ci-dessus, la décision faisant obligation de quitter le territoire français à M. B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

17. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2022.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Gilles Fédi

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02500
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BINDER Coralie

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-30;21ly02500 ?
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