La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2022 | FRANCE | N°21LY03172

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 08 décembre 2022, 21LY03172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, lui a interdit le retour sur le territoire français pour un an, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105278 du 9 septembre 2021 le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et

un mémoire enregistrés les 28 septembre et 24 novembre 2021, M. B... représenté par Me Djinder...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, lui a interdit le retour sur le territoire français pour un an, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105278 du 9 septembre 2021 le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 septembre et 24 novembre 2021, M. B... représenté par Me Djinderedjian demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susvisé ;

2°) subsidiairement d'abroger cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer son dossier après remise d'un récépissé de demande de titre de séjour, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la fixation du pays de destination méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'abrogation de l'obligation de quitter le territoire s'impose dès lors qu'à la date de la décision en litige le préfet n'avait pas connaissance de l'état de santé de M. B... alors qu'il le connait désormais et qu'entre-temps la situation sanitaire au Kenya s'étant dégradée en raison du covid, les services de santé mentale ne sont pas à même de le prendre en charge ;

- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée, tous les critères n'ayant pas été examinés.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.

La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée par une décision du 15 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

1. M. B..., ressortissant kenyan né en 1988 et présent en France depuis 2016, relève appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2021 précité.

2. Rien ne fait obstacle à ce que M. B..., qui ne justifie d'aucune attache en France, où il ne bénéficie d'aucun droit au travail, mais qui n'en est pas dépourvu dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie, et où résident sa femme et ses deux enfants, poursuive sa vie familiale au Kenya. Il suit de là que l'obligation de quitter le territoire n'a pas porté une atteinte excessive au droit du requérant de mener une vie privée et familiale normale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Aux termes des dispositions codifiées à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment de l'avis émis par le collège médical de l'OFII le 22 août 2019 que l'intéressé pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. S'il produit un certificat médical d'un psychiatre du 25 février 2021, rappelant qu'il souffre d'une pathologie dont l'absence de prise en charge médicale pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et des articles de presse sur la prise en charge des maladies mentales au Kenya, il n'apparaît pas qu'aucun traitement adapté à sa pathologie n'y serait disponible. Par suite, le préfet n'était pas tenu de consulter le collège de médecins de l'OFII, ce moyen doit être écarté.

6. Aux termes du dernier alinéa des dispositions alors codifiées à l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Aux termes de cet article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il n'apparaît pas que M. B... encourrait réellement au Kenya les risques dont il fait état en raison de son implication dans un système de dopage d'athlètes de haut niveau. Il suit de là qu'il n'est pas fondé à soutenir que la désignation du pays de destination l'exposerait à des risques de traitements inhumains ou dégradants.

7. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". Selon l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

8. Il résulte de l'arrêté litigieux que l'interdiction de retour d'un an a été prononcée en considération de l'attitude adoptée par M. B... qui n'a pas exécuté une première mesure d'éloignement et à son absence d'attaches sur le territoire français. De tels motifs, énoncés de manière suffisamment explicite pour satisfaire à l'exigence de motivation des dispositions codifiées à l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suffisaient à permettre au préfet, sans méconnaissance l'article L. 612-8 du même code, d'user de la faculté de prononcer une interdiction de retour. L'absence de risque d'atteinte à la sécurité publique, qui ne faisait pas obstacle à l'édiction de la mesure, a nécessairement été prise en compte pour en moduler la durée, limitée à la moitié du plafond.

En ce qui concerne la demande d'abrogation de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il n'appartient pas à la cour d'abroger cette mesure d'éloignement, qui a le caractère d'un acte individuel dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, seul le préfet étant à même de le faire, le cas échant sous le contrôle du juge administratif s'il rejette une demande présentée en ce sens.

10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY03172

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03172
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-08;21ly03172 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award