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15/12/2022 | FRANCE | N°21LY00298

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 15 décembre 2022, 21LY00298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1902621 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme A... B... ces impositions, à h...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1902621 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme A... B... ces impositions, à hauteur de la somme totale de 38 445 euros.

Il soutient que :

- la proposition de rectification, qui contenait l'exposé des motifs de droit et de fait du redressement, et renvoyait pour le calcul des montants des bénéfices agricoles retenus, aux tableaux mentionnés en annexe, était suffisamment motivée de sorte que les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues ;

- les dispositions du I de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ont été respectées ;

- les revenus agricoles qui n'avaient pas fait l'objet d'une taxation au titre des déclarations d'impôts sur le revenu 2014 et 2015 ont été taxés dans la catégorie des bénéfices agricoles conformément aux articles 63 à 78 du code général des impôts ;

- le retard dans l'imposition n'a pas nui au contribuable ;

- le contribuable relevait, au titre des années contrôlées, du régime du forfait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2021, M. et Mme A... B..., représentés par Me Guillaume, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification du 2 octobre 2017 était insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- le vérificateur n'a pas procédé à un examen contradictoire des documents comptables concernant l'activité de viticulteur du contribuable, en méconnaissance des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article L. 55 et du I de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de M. A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. A compter de 2011, M. A... B... a exploité, à titre individuel, des vignes en qualité de fermier à Santenay (Côte-d'Or) et sur des terres dont il est propriétaire à Auxey-Duresses (Côte-d'Or). M. et Mme A... B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 et 2015, pour lesquelles il s'est avéré qu'ils n'avaient pas déclaré les revenus tirés de cette activité. A l'issue de ce contrôle, l'administration les a assujettis, au titre de ces années, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant de l'inclusion dans leurs revenus imposables de bénéfices agricoles forfaitaires. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 8 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge de ces impositions.

Sur le moyen retenu par le tribunal administratif de Dijon :

2. Le premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Conformément à l'article R*. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend ni du bien-fondé de ces motifs, ni des précisions apportées par l'administration sur l'origine des documents sur lesquels elle s'est fondée pour prononcer les redressements envisagés.

3. La proposition de rectification du 2 octobre 2017 par laquelle l'administration a notifié à M. et Mme A... B..., selon la procédure contradictoire, des compléments d'impôt sur le revenu résultant de l'inclusion dans leurs revenus imposables de bénéfices agricoles au titre des années 2014 et 2015 vise notamment l'article 64 du code général des impôts, indique que M. A... B..., qui n'avait pas déclaré ces revenus, relève du régime du forfait agricole, indique le montant des bases imposables et comporte, en annexe, les fiches de calcul des bénéfices de l'exploitation, pour chacune des années en cause, indiquant les modalités de calcul des forfaits des bénéfices agricoles du contribuable qui exposent, de manière suffisamment détaillée et explicite, l'ensemble des données utilisées pour fixer le montant des bénéfices forfaitaires applicables à la viticulture. Si, au titre de l'année 2014, le tableau produit en annexe ne comporte pas de colonne récapitulant le montant du bénéfice forfaitaire pour chacune des parcelles de vignes, cette omission, pour regrettable qu'elle soit, n'a pas, en l'espèce, été de nature à empêcher le contribuable de formuler ses observations sur ce point dès lors qu'il est fait notamment mention de la quantité taxable de vin et du tarif applicable par hectolitre pour chaque parcelle, la multiplication de ces données permettant d'aboutir au montant du forfait. Enfin, la mention erronée selon laquelle M. A... B... est propriétaire de certaines parcelles de vignes alors qu'il les exploite en qualité de fermier, relève de l'appréciation du bien-fondé des impositions et demeure sans incidence sur la régularité de la motivation de la proposition de rectification. Par suite, les indications que comportent cette proposition de rectification étaient suffisantes pour permettre à M. et Mme A... B... de discuter utilement le bien-fondé des redressements envisagés. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur l'insuffisance de la motivation de la proposition de rectification du 2 octobre 2017 au regard des exigences de l'article L. 57 pour prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignées au titre des années 2014 et 2015.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. et Mme A... B... tant devant le tribunal administratif de Dijon que devant la cour.

Sur l'autre moyen soulevé devant le tribunal et devant la cour :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 13 de ce livre : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Selon l'article L. 55 de ce même livre : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. Cette procédure s'applique également lorsque l'administration effectue la reconstitution du montant déclaré du bénéfice industriel ou commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires déterminé selon un mode réel d'imposition ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 64 du code général des impôts, alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions des articles 69 à 74 B, le bénéfice imposable des exploitations situées en France est déterminé forfaitairement conformément aux prescriptions des 2 à 5. (...) ". Aux termes de l'article 69 de ce code, dans sa version applicable à l'espèce : " I. Lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 76 300 euros mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après un régime réel d'imposition à compter de la première année suivant la période biennale considérée. (...) IV. Les options mentionnées au a du II et au deuxième alinéa du III doivent être formulées dans le délai de déclaration prévu à l'article 65 A ou dans le délai de déclaration des résultats, de l'année ou de l'exercice précédant celui au titre duquel elles s'appliquent. Pour les exploitants qui désirent opter pour un régime réel d'imposition dès leur premier exercice d'activité, l'option doit être exercée dans un délai de quatre mois à compter de la date du début de l'activité. Toutefois, lorsque la durée du premier exercice est inférieure à quatre mois, l'option doit être exercée au plus tard à la date de clôture de cet exercice. (...) ". Aux termes de l'article 69 A du même code, alors en vigueur : " Le forfait de bénéfice agricole peut être dénoncé par le service des impôts, en vue d'y substituer le régime du bénéfice réel pour l'ensemble des exploitations agricoles du contribuable, dans les cas suivants : 1° Une partie importante des recettes, qui ne pourra être inférieure à 25 % du chiffre d'affaires total, est soumise à titre obligatoire à la taxe sur la valeur ajoutée ; 2° Le contribuable est imposable selon le régime du bénéfice réel pour des bénéfices ne provenant pas de son exploitation agricole ; 3° Le contribuable se livre à des cultures spéciales qui ne donnent pas lieu, pour la région agricole considérée, à une tarification particulière. Toutefois, le droit de dénonciation ne peut être exercé, dans ce cas, qu'à l'égard de productions présentant un caractère marginal sur le plan national et dont la liste est dressée par arrêté conjoint du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'agriculture. La dénonciation doit être notifiée avant le 1er janvier de l'année de réalisation des revenus. Elle reste valable tant que les faits qui l'ont motivée subsistent ".

7. Il est constant que, pour l'imposition de ses bénéfices agricoles, M. A... B... a été soumis, en 2011, au régime du forfait et n'a pas expressément demandé, au titres des années ultérieures, à être placé sous le régime d'imposition selon le bénéfice réel. La circonstance que l'administration fiscale a, le 14 août 2017, procédé à un dégrèvement, à la suite d'une réclamation des contribuables, à concurrence de 20 813 euros, correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt qui avaient été mises à leur charge au titre de l'imposition des bénéfices agricoles de l'année 2015, ne saurait, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A... B..., avoir eu l'effet d'une dénonciation par le service du régime forfaitaire de bénéfice agricole, laquelle n'eut été susceptible d'intervenir que pour l'un des motifs énumérés à l'article 69 A cité au point précédent. En outre, M. et Mme A... B..., qui au demeurant ne contestent pas, ainsi que le relève l'administration, ne pas avoir coché la case prévue à cet effet dans la déclaration de revenus pour le cas où le forfait n'a pas été fixé au moment de la souscription de la déclaration, ne peuvent utilement se prévaloir de ce que l'administration aurait tardé à leur communiquer le montant du forfait agricole auquel ils étaient soumis. En tout état de cause, le retard invoqué dans la fixation du montant du forfait n'a pas privé le contribuable de la possibilité d'opter pour un régime réel d'imposition, dans les conditions posées par le IV de l'article 69 du code général des impôts, cité au point 7. Il suit de là que les bénéfices agricoles de M. A... B... relevaient, au titre des années 2014 et 2015, du régime forfaitaire.

8. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A... B... ont fait l'objet non d'une vérification de comptabilité mais d'un examen de leur situation fiscale personnelle. Aucune procédure de vérification de comptabilité n'est prévue par le code général des impôts en matière de bénéfices agricoles déterminés selon le régime du forfait. Il ne peut, dès lors, être fait grief à l'administration de n'avoir pas entrepris une vérification de comptabilité dans les conditions prévues par l'article L. 13 du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande de M. et Mme A... B..., et à demander que les impositions soient remises à leur charge, à hauteur de la somme totale de 38 445 euros. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. et Mme A... B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 8 octobre 2020 est annulé.

Article 2 : Les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme A... B... ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 sont remis à leur charge, à hauteur de 38 445 euros.

Article 3 : La demande présentée par M. et Mme A... B... devant le tribunal administratif de Dijon ainsi que leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. C... et Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00298
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-04-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices agricoles. - Régime du forfait.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : GUILLAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;21ly00298 ?
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