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15/12/2022 | FRANCE | N°21LY02421

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 15 décembre 2022, 21LY02421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2007615 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2021, Mme C..., représentée

par Me Mathis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la ch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2007615 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2021, Mme C..., représentée par Me Mathis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

Sur la décision fixant le pays de destination ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante nigériane née en 1980, déclare être entrée en France en 2012, où elle a été autorisée à séjourner de mars 2015 à avril 2019, en raison de son état de santé. Le 15 février 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étrangère malade. Par un arrêté du 20 juillet 2020, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme C... relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Par un avis du 7 juillet 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour cette dernière des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Nigéria, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque à destination de ce pays. Pour contester l'appréciation du préfet, qui s'est approprié cet avis, Mme C... fait valoir qu'elle souffre d'épilepsie et que le traitement médicamenteux, à base de Lamictal, qui lui est administré, n'est pas disponible dans son pays d'origine. Toutefois, en se bornant à se référer à une liste, établie en 2016, de médicaments essentiels disponibles au Nigéria et au demeurant versée par le préfet en première instance, la requérante n'établit pas que le traitement qui lui est administré n'était pas disponible dans son pays d'origine à la date de la décision attaquée, ni même que le principe actif entrant dans la composition de ce médicament ne serait pas commercialisé sous une autre dénomination dans ce pays. En outre, si Mme C... produit des études déconseillant de manière générale, sans toutefois l'interdire formellement, la substitution d'un médicament d'origine par un générique en cas de traitement de l'épilepsie, elle n'établit pas, par les pièces médicales qu'elle produit, que son état de santé n'aurait pas permis la prise d'un traitement équivalent, ni même qu'il ne pourrait lui être substituée une molécule équivalente. Si Mme C... se prévaut enfin du coût des antiépileptiques dans son pays d'origine et de la circonstance qu'ils ne sont pas disponibles sur tout le territoire, elle n'apporte aucun commencement de preuve et notamment ne soutient pas, ni même n'allègue, qu'elle serait dépourvue de ressources dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour opposé à Mme C... n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Mme C... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis 2012 avec ses trois enfants mineurs, nés en 2015, 2017 et 2019, qu'elle y a bénéficié d'un emploi et noué des relations amicales. Toutefois, Mme C..., célibataire, n'établit pas avoir noué des liens d'une particulière intensité sur le territoire français ni ne justifie d'une intégration sociale et professionnelle spécifique par la seule circonstance qu'elle a travaillé pendant dix mois en qualité d'agent d'entretien. La circonstance que la requérante a été mise en possession d'une carte de séjour temporaire entre 2015 et 2019 en raison de son seul état de santé ne lui donnait pas vocation à se maintenir sur le territoire national au-delà de la durée de ses soins. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache au Nigéria, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans et où résident sa mère ainsi que les neuf membres de sa fratrie. En outre, si Mme C... fait également valoir que le père de ses trois enfants, ressortissant nigérian bénéficiaire de la protection subsidiaire, contribue à leur éducation et à leur entretien et exerce le droit de visite hebdomadaire qui lui a été accordé, pour les deux aînés des enfants, par un jugement du 25 mai 2018 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grenoble, elle ne l'établit pas par la seule production d'une attestation non circonstanciée établie par le père des enfants, postérieurement à la décision attaquée pour les besoins de la cause. Le témoignage de la directrice de l'école maternelle où sont scolarisés les enfants nés en 2015 et 2017, qui indique qu'il arrive que le père accompagne " quelques fois " ses enfants à l'école, n'est pas davantage de nature à établir qu'il contribue effectivement à leur éducation et à leur entretien. Compte tenu de leur jeune âge à la date de la décision, il n'est pas établi que les enfants de A... C... ne pourraient pas poursuivre dans leur pays d'origine une scolarité normale. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Dès lors, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère, dont la décision opposée à Mme C... n'a ni pour objet, ni pour effet de la séparer de ses enfants, n'a pas porté, à l'intérêt supérieur de ceux-ci, une atteinte méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Il résulte de l'ensemble de ces circonstances qu'en refusant d'admettre Mme C... au séjour, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ses décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

7. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02421
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : MATHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;21ly02421 ?
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