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22/12/2022 | FRANCE | N°21LY01408

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 22 décembre 2022, 21LY01408


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'enjoindre au maire de Saint-Etienne-de-Chomeil de procéder à la réfection du chemin rural permettant l'accès à sa propriété et de condamner ladite commune à lui payer la somme de 48 400 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait du mauvais entretien de ce chemin.

Par jugement n° 1901311 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2021, Mme C..., représentée par la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'enjoindre au maire de Saint-Etienne-de-Chomeil de procéder à la réfection du chemin rural permettant l'accès à sa propriété et de condamner ladite commune à lui payer la somme de 48 400 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait du mauvais entretien de ce chemin.

Par jugement n° 1901311 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2021, Mme C..., représentée par la SCP Teillots et associés Avocats, demande à la cour, le cas échéant après expertise ordonnée avant-dire droit :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2021 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le maire de Saint-Etienne-de-Chomeil a implicitement refusé de remettre en état le chemin ;

3°) d'enjoindre au maire de ladite commune d'engager les travaux nécessaires à la remise en état du chemin dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de condamner la commune à lui verser la somme 135 200 euros en réparation des préjudices nés de l'impossibilité d'accéder à son fonds ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur la cause juridique de la responsabilité sans faute de la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil ;

- la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil a exécuté sur le chemin rural en cause des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité conformément à son engagement pris lors de la délivrance du certificat d'urbanisme, le 5 novembre 2007, et a ainsi accepté d'en assurer l'entretien ; elle est donc fautive d'avoir laissé ce chemin se dégrader au point de devenir impropre à la circulation des véhicules légers, par son inaction et l'absence de pérennité des travaux effectués et matériaux employés ;

- le chemin qui est ouvert à la circulation du public et relève de la qualification d'ouvrage public ; elle subit un dommage anormal et spécial lié au mauvais entretien du chemin rural, qui est la seule voie d'accès à sa propriété ;

- les troubles dans les conditions d'existence dont elle justifie doivent être indemnisés à hauteur de 10 000 euros ;

- son préjudice financier actualisé en appel, afférent à la perte de revenus locatifs, s'élève à 57 600 euros.

Par mémoire enregistré le 16 septembre 2022, la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil, représentée par la Selarl DMBJJ Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme C... lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer ;

- le chemin rural n°1 n'est pas un chemin communal ; à ce titre la commune n'en a pas une obligation d'entretien ; elle ne peut être regardée comme ayant décidé de l'entretenir ; le caractère ponctuel que présentent les travaux effectués sur ce chemin ne suffisent pas à caractériser cette intention ; sa responsabilité ne peut être mise en cause pour défaut d'entretien normal ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis, ne présentent pas de caractère anormal et spécial et ne présentent pas de lien de causalité avec la faute alléguée.

La clôture de l'instruction a été fixée 27 octobre 2022, par une ordonnance du même jour prise en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Par courrier du 14 novembre 2022, les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Saint-Etienne-de Chomeil a refusé d'effectuer les travaux d'entretien du chemin rural n° 1.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Maisonneuve pour Mme C..., et celles de Me Lambert pour la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est propriétaire d'une parcelle située sur la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil, à proximité du centre bourg sur laquelle elle a été autorisée à construire une maison d'habitation par permis délivré le 2 septembre 2009 puis par permis modificatif, délivré implicitement le 1er septembre 2014. Cette parcelle n'est desservie que par un chemin rural impraticable. Elle a demandé au maire de Saint-Etienne-de-Chomeil la remise en état de la section de voie desservant son fonds et de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du manque d'entretien de cette dépendance du domaine privé communal, par courrier du 25 février 2019. Le maire a implicitement rejeté cette demande. Mme C... demande l'annulation du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande indemnitaire ainsi que celle tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à la réfection de ce chemin.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal a répondu au point 9 du jugement aux conclusions de Mme C... présentées tant sur le fondement de la responsabilité de la commune du fait du défaut d'entretien d'un ouvrage public, que sur le fondement de l'article L. 161-5 du code rural de la pêche maritime, en écartant ces conclusions pour défaut de lien de causalité entre les préjudices financiers, tirés de l'impossibilité de louer son bien, et l'état du chemin rural. De même au point 10 du jugement, le tribunal a estimé que le préjudice moral n'était pas justifié ni détaillé. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de statuer sur l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune, manque en fait.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par refus de remise en état du chemin :

3. Mme C... s'étant bornée à demander au tribunal d'enjoindre au maire de Saint-Etienne-de-Chomeil d'effectuer les travaux de remise en état du chemin, les conclusions susvisées sont nouvelles en appel et doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur la responsabilité de la commune :

4. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Aux termes de l'article L. 161-5 du même code : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Aux termes de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière : " Les dépenses d'entretien des voies communales font partie des dépenses obligatoires mises à la charge des communes par l'article L. 221-2 du code des communes ".

5. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière, de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales que les dépenses obligatoires pour les communes incluent les dépenses d'entretien des seules voies communales, dont ne font pas partie les chemins ruraux. S'il appartient au maire de faire usage de son pouvoir de police afin de réglementer et, au besoin, d'interdire la circulation sur les chemins ruraux et s'il lui incombe de prendre les mesures propres à assurer leur conservation, les dispositions de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime précitées n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge des communes une obligation d'entretien de ces voies, sauf dans le cas où, postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, elles auraient exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien. En outre, le principe du libre accès des riverains à la voie publique est sans incidence sur les obligations d'entretien auxquelles la commune pourrait être soumise.

6. Il résulte du constat d'huissier réalisé le 20 juillet 2010, que la commune intimée a fait réaliser sous sa maîtrise d'ouvrage, après que son conseil municipal en eut délibéré en mai 2010, sur le chemin rural n°1 des travaux de stabilisation de la chaussée en gravier compacté, consécutivement à la délivrance d'un permis de construire à Mme C... . Alors même que ces travaux ne portaient que sur une section de voie réduite à dix-huit mètres, ils constituent une amélioration de la viabilité du chemin rural en cause dans sa fonction de desserte d'une construction existante, traduisant l'intention de la collectivité d'en assumer l'entretien, au moins jusqu'au fonds de Mme C....

7. Il résulte de l'instruction, notamment du constat de l'architecte des bâtiments de France établi le 9 décembre 2010, qu'après cette réfection de nouvelles dégradations ont affecté tant la chaussée que les accotements, provoquées par le passage de véhicules desservant le chantier de construction de la maison de Mme C... et aggravées par l'érosion naturelle des eaux qu'aucun dispositif ne permet de recueillir. Si le mauvais état du chemin rural est imputable à la requérante, qui a contribué de manière prépondérante aux désordres dont elle se plaint, ils trouvent également leur cause dans l'absence de remise en état périodique, la collectivité devant raisonnablement s'attendre à recharger en matériaux une section de voie non protégée contre l'action des eaux pluviales et rendue d'autant plus exposée à ce phénomène qu'elle présente une forte pente.

8. Toutefois, le coût de remise en état de la chaussée consécutif à ces dégradations, que la collectivité aurait été fondée, au moins pour une part, à mettre à la charge de la requérante aurait, en tout état de cause, absorbé le montant de la fraction de préjudice dont l'indemnisation est demandée et dont la réalité peut être regardée comme établie, les préjudices excédant cette fraction, constitués du préjudice moral et de la perte de loyers, étant soit inexistants, soit éventuels. Il suit de là que les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public ou au titre d'un préjudice anormal et spécial résultant d'un dommage permanent de travaux publics, doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement perdure à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets. Lorsqu'il relève un défaut de fonctionnement d'un ouvrage public, il ne peut user d'un tel pouvoir d'injonction que si le requérant fait état, à l'appui de ses conclusions à fin d'injonction, de ce que le maintien de cette situation trouve sa cause au moins pour partie dans une faute du propriétaire de l'ouvrage. Il peut alors enjoindre à la personne publique, dans cette seule mesure, de mettre fin à ce comportement fautif ou d'en pallier les effets.

10. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil a exécuté des travaux destinés à assurer la viabilité du chemin rural n° 1 et a ainsi accepté d'en assumer l'entretien. En persistant à ne pas rétablir une couche de roulement permettant d'accéder au fonds de Mme C..., elle adopte un comportement fautif nécessitant que soit fait usage d'une injonction juridictionnelle. Partant, il y a lieu d'enjoindre au maire de Saint-Etienne-de-Chomeil de prendre toute mesure permettant de rendre partiellement carrossable le chemin rural n°1 afin d'assurer une desserte appropriée, a minima sur la section traitée en 2010.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise, que Mme C... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Clermont Ferrand a rejeté ses conclusions en injonction d'engager des travaux de réfection du chemin rural permettant l'accès à sa propriété. Il y a lieu de lui impartir un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint au maire de la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil de prendre toute mesure permettant de rendre carrossable le chemin rural n°1, a minima sur la section traitée en 2010, dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement n° 1901311 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et à la commune de Saint-Etienne-de-Chomeil.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.

La rapporteure,

Christine A...

Le président,

Philippe Arbarétaz

Le greffier,

Julien Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY01408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01408
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

71-02-01-04 Voirie. - Régime juridique de la voirie. - Entretien de la voirie. - Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-22;21ly01408 ?
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