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05/01/2023 | FRANCE | N°21LY02181

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 05 janvier 2023, 21LY02181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ain a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2104430 du 17 juin 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2

021, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2021 ;

2°) de reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ain a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2104430 du 17 juin 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2021, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon.

Elle soutient que :

- le magistrat désigné a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 décembre 2020, qui a confirmé la légalité de la décision du 12 mai 2020 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A... au regard de son état de santé ;

- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, qui a commis des erreurs de fait et d'appréciation, l'état de santé de M. A... ne caractérise pas une circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français ;

- les décisions du 10 juin 2021 ont été signées par une autorité compétente ;

- l'interdiction de retour est suffisamment motivée et procède d'un examen réel et sérieux de la situation de M. A... ;

- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'assignation à résidence est suffisamment motivée ;

- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit d'observations.

Par lettre du 31 octobre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que la décision du 10 juin 2021 portant assignation à résidence ne pouvait légalement être prise sur le fondement du 2° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'interdiction de retour sur le territoire français dont M. A... a fait l'objet le même jour n'a pas encore pris effet, faute pour l'intéressé d'avoir quitté le territoire français en exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 12 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 16 mai 1946, est entré en France le 7 octobre 2012 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 septembre 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 février 2015. Par un arrêté du 6 juillet 2015, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 avril 2016, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. A la suite du dépôt d'une nouvelle demande le 22 août 2019, la préfète de l'Ain a, par décisions du 12 mai 2020, refusé de l'admettre au séjour en qualité d'étranger malade, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de M. A... tendant à l'annulation de ces décisions, jugement confirmé en appel par une ordonnance du 4 novembre 2021. Par un arrêté du 10 juin 2021, la préfète de l'Ain a interdit à M. A... de revenir sur le territoire français pendant une durée de six mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. La préfète de l'Ain relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

2. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

3. Alors que M. A... a fait l'objet d'un refus d'admission au séjour en qualité d'étranger malade, pris le 12 mai 2020 après avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 mars 2020 concluant à la possibilité, pour l'intéressé, de bénéficier d'un traitement approprié en Albanie, et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire de trente jours qui lui a été accordé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français édictée le même jour, décisions dont la légalité a été confirmée tant par le tribunal administratif que par la cour administrative d'appel de Lyon, les pièces médicales qu'il produit au dossier, à savoir, notamment, deux certificats peu circonstanciés établis par son médecin généraliste et deux ordonnances, ne permettent pas de tenir pour établi qu'il ne pourrait être pris en charge pour les pathologies, notamment cardiaques, dont il souffre, dans ce pays. Cette preuve n'est pas davantage rapportée par la traduction d'un " certificat médical " daté du 13 octobre 2020 établi par le ministère de l'intérieur albanais, indiquant que plusieurs des médicaments prescrits à M. A... ne sont pas disponibles dans ce pays, dès lors, d'une part, que ce document ne présente aucune garantie d'authenticité, comme le relève la préfète de l'Ain, et, d'autre part, que la liste des médicaments remboursables en Albanie en 2019, produite par cette dernière, mentionne les médicaments concernés, ou, à tout le moins, des médicaments comportant la même substance active et, par conséquent, substituables à ceux-ci. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que si la fille de M. A... réside régulièrement en France en qualité de réfugiée, il peut être aidé dans sa vie quotidienne par son épouse, qui fait elle aussi l'objet d'un refus de séjour et d'une mesure d'éloignement, et avec laquelle il pourra reconstituer sa cellule familiale en Albanie, pays dont ils ont tous deux la nationalité et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans. Dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle au prononcé, à son encontre, d'une mesure d'interdiction du territoire d'une durée de six mois. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a estimé que cette décision était entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a, pour ce motif, annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision prononçant une assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois :

5. La décision contestée a été signée par M. D... B..., directeur de la citoyenneté et de l'intégration à la préfecture de l'Ain, qui dispose d'une délégation à l'effet de signer " toute décision mentionnée aux livres II, VI et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " consentie par la préfète de l'Ain par arrêté du 1er juin 2021, publié le même jour au recueil des actes administratifs. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

6. La décision d'interdiction de retour, qui vise l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énonce, de manière suffisamment circonstanciée, les considérations de fait ayant été prises en compte par la préfète de l'Ain, au regard des critères, applicables à sa situation, énoncés à l'article L. 612-10 du même code. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.

7. Il ressort tant des termes de la décision attaquée que des pièces du dossier que la préfète de l'Ain a procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Par conséquent, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour en litige serait entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux.

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt, M. A..., qui ne justifie pas de circonstances humanitaires, n'est pas fondé à soutenir que la préfète de l'Ain aurait méconnu l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

9. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ; ".

10. Il résulte de la combinaison de l'article L. 612-7 et du 2° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la mise à exécution d'office d'une interdiction de retour et l'assignation à résidence qui peut être prononcée à cette occasion n'ont d'objet que si l'étranger, éloigné en exécution d'une obligation de quitter le territoire, est revenu sur le territoire avant l'expiration de la période d'interdiction de retour, qui elle-même, n'a pris effet qu'après l'éloignement effectif de l'intéressé dans son pays d'origine.

11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision d'assignation à résidence, M. A..., malgré l'expiration du délai de départ qui lui avait été accordé, n'avait toujours pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 10 mai 2020. L'interdiction de retour sur le territoire français dont il a fait l'objet n'avait, en conséquence, pas encore pris effet et ne pouvait, dès lors, servir de base légale à une mesure d'assignation à résidence. Par suite, la préfète de l'Ain n'a pu, sans méconnaître les dispositions rappelées au point 9, assigner à résidence M. A... pour assurer l'exécution de l'interdiction de retour édictée le 10 juin 2021.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Ain est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 10 juin 2021 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2104430 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 17 juin 2021 est annulé en tant qu'il a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français du 10 juin 2021.

Article 2 : La demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision présentée devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la préfète de l'Ain est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 janvier 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02181
Date de la décision : 05/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Restrictions apportées au séjour. - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : DEBBACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-05;21ly02181 ?
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