La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2023 | FRANCE | N°22LY01066

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 24 janvier 2023, 22LY01066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2109113 et 2109145 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée

le 1er avril 2022, et un mémoire enregistré le 29 novembre 2022 qui n'a pas été communiqué, M. B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2109113 et 2109145 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er avril 2022, et un mémoire enregistré le 29 novembre 2022 qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Barioz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Loire du 18 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler jusqu'au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur de fait quant à ses conditions d'existence dès lors que les revenus tirés de son activité permettent de subvenir aux besoins de la famille et qu'ils sont propriétaires de leur logement ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant des décisions fixant à trente jours le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :

- elles sont illégales par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2022, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête et déclare s'en rapporter à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 15 novembre 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Hmaida, substituant Me Barioz, représentant M. B... :

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité arménienne, né le 20 novembre 1975 à Ekchniatin (Arménie), est entré irrégulièrement sur le territoire national le 11 décembre 2007. Le 15 juillet 2014, il a épousé Mme C..., de même nationalité, avec laquelle il a eu deux enfants nés en 2018 et en 2020. Le 30 juillet 2014, il a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour au titre de sa santé, assortie d'une décision d'obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon en avril 2015. En décembre 2014, il a fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et a été déclaré en fuite. En août 2015, il a formé une demande d'admission exceptionnelle au séjour en vue d'obtenir un premier titre de séjour portant soit la mention " salarié ", soit la mention " travailleur temporaire ", soit la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 421-1, L. 421-3 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 11 février 2021, M. B... a sollicité de nouveau la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 18 octobre 2021, la préfète de la Loire a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. En premier lieu, pour apprécier, en application des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les liens dont M. B... dispose en France au regard de ses conditions d'existence, la préfète de la Loire a retenu que celui-ci ne justifiait pas de la nature de ses revenus et qu'il " semblerait qu'il soit destinataire de plusieurs avis à tiers détenteurs émis par l'administration fiscale puisqu'il ne paie pas ses impôts relatifs à [la] société [dont il est le gérant] ", la SARL B..., ce dont elle a déduit que ses conditions d'existence étaient empreintes d'une grande précarité, motif dont le requérant conteste la matérialité. Si M. B... soutient sans être contredit que les dettes en cause, dont il ne conteste pas sérieusement l'existence, seraient celles de la SARL dont il est le gérant et dont le patrimoine est distinct du sien, cette circonstance n'a été formulée qu'au conditionnel par la préfète et il n'en demeure pas moins que, pas plus en première instance qu'en appel, il ne produit de pièces permettant de déterminer les revenus que lui procurent l'activité professionnelle dont il se prévaut. A cet égard, la production, en appel, d'une attestation de propriété se rapportant à un bâtiment à usage d'atelier et de bureau acquis récemment par la SARL B... ne permet pas de connaître la situation financière de cette société ni les revenus que M. B... en tire. De la même façon, la circonstance qu'il aurait payé comptant un appartement à Saint-Etienne, pour un montant de 68 000 euros, qui constituerait sa résidence principale, ne suffit pas à établir le montant et la stabilité des revenus du foyer qu'il forme avec son épouse, alors qu'il ne soutient, par ailleurs, pas que cette dernière disposerait de revenus propres. Il suit de là que la préfète de la Loire n'a pas commis d'erreur de fait en indiquant que M. B... ne justifiait pas la nature de ses revenus et en a déduit que ses conditions d'existence étaient empreintes d'une grande précarité.

4. En deuxième lieu, s'il n'est pas contesté que le requérant pouvait se prévaloir d'une présence ancienne sur le territoire national à la date de la décision, la préfète de la Loire ayant à cet égard consulté la commission du titre de séjour qui a rendu un avis favorable à la proposition de refus de titre de séjour et d'éloignement, qu'il dispose, avec sa femme et ses deux enfants, nés en 2018 et 2020, d'un logement dont ils sont propriétaires, il est constant que le séjour de M. B... a été en grande partie irrégulier et qu'il s'est maintenu sur le territoire français malgré une précédente décision d'éloignement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de gendarmerie du 30 juin 2014, que M. B... a tenté de se voir délivrer une carte de séjour temporaire au regard de son état de santé en faisant usage de documents falsifiés, l'intéressé étant par ailleurs connu des services judiciaires et ayant été condamné à trois reprises, en avril 2014, puis avril 2016 et mars 2019 pour " usage illicite de stupéfiants " et " vol avec violence ayant entrainé une incapacité totale de travail n'excédant pas 8 jours, aggravé par une autre circonstance, en l'espèce, en réunion avec plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ", ainsi que cela ressort du bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Contrairement à ce que le requérant soutient, cette dernière condamnation n'était pas ancienne à la date de la décision litigieuse. Sa femme demeure par ailleurs de façon irrégulière sur le territoire français et, ainsi qu'il a été dit, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'activité entrepreneuriale de M. B... générerait des revenus leur permettant de disposer de conditions d'existence suffisantes et stables. Enfin, M. B... n'est arrivé sur le territoire national qu'à l'âge de trente-deux ans et a ainsi passé l'essentiel de son existence en Arménie, et ses enfants âgés, à la date des décisions attaquées, de trois ans et un an, ont vocation à suivre leurs parents dans leur pays d'origine. Par suite, en refusant de l'admettre au séjour au titre des stipulations et dispositions précitées, la préfète de la Loire n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celle des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent ainsi être écartés.

5. A l'appui de ses conclusions, M. B... soulève les mêmes moyens que ceux soulevés devant le tribunal administratif, tirés de ce que la décision de refus de séjour méconnaîtrait le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui a été dit ci-avant que le moyen tiré de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français du fait de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

7. En l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 ci-dessus.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui a été dit ci-avant que le moyen tiré de ce que les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

9. En l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 ci-dessus.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Camille Vinet, présidente de la formation de jugement,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.

La présidente-rapporteure,

C. Vinet

L'assesseur le plus ancien,

F. Bodin-HullinLa greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01066
Date de la décision : 24/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINET
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : BARIOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-24;22ly01066 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award