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11/05/2023 | FRANCE | N°22LY03156

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 11 mai 2023, 22LY03156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2200553 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
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Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, Mme B..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2200553 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Barioz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 9 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer sans délai un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " et de s'assurer de l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le préfet ne s'est pas livré à un examen complet de sa situation ;

- son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le caractère actuel de la menace n'est pas caractérisé ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'annulation du refus de titre de séjour entraînera par voie de conséquence celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision ne comporte aucun délai pour quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle a été contrainte de fuir son pays en raison des violences conjugales subies par sa mère ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est illégale compte tenu de sa situation de salariée, de l'absence de menace à l'ordre public et disproportionnée au regard de sa durée de dix-huit mois ;

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les observations de Me Barioz, représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante albanaise née le 5 avril 2000, est entrée en France le 11 décembre 2016 selon ses déclarations. L'intéressée, alors mineure, a été confiée à l'aide sociale à l'enfance de la Métropole de Lyon à compter du 19 décembre 2016. Le 9 août 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 novembre 2021, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. Mme B... relève appel du jugement du 30 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour. A cet égard, si Mme B... fait valoir que le préfet ne pouvait s'appuyer sur l'avis de la structure d'accueil pour remettre en cause les violences conjugales subies par sa mère, il ressort des termes de la décision qu'en faisant référence au rapport de la structure d'accueil, le préfet n'a pas entendu remettre en cause ces violences mais a vérifié, au vu notamment de ce rapport, la nature des liens de l'intéressée avec sa famille restée dans le pays d'origine, conformément aux dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si Mme B... soutient que le préfet s'est abstenu d'examiner les caractéristiques de l'emploi de vendeuse en boulangerie qu'elle occupe depuis le 11 janvier 2021 dans le cadre des dispositions de l'article L. 435-1 du même code, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette information aurait été portée, postérieurement à sa demande de titre de séjour du 9 août 2018, à la connaissance de l'administration, nonobstant la mention contenue dans l'arrêté de " son expérience professionnelle ", qui pouvait renvoyer aux stages professionnels réalisés durant sa scolarité.

3. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. " Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "

4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Ce n'est que si ces conditions préalables sont remplies que le préfet, sous le contrôle juridictionnel de l'erreur manifeste, doit prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

5. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme B... sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Rhône a relevé qu'un doute sérieux subsistait sur les déclarations de l'intéressée quant à son isolement et aux relations qu'elle entretenait avec sa mère compte tenu de ce qu'elle avait indiqué, dans sa demande de titre de séjour, que son oncle et sa mère l'auraient aidée à quitter l'Albanie, que si son père violentait sa mère, cette dernière était divorcée selon le certificat de famille du 5 décembre 2016 et que d'après le rapport de la structure d'accueil du 9 août 2018, elle avait régulièrement sa mère au téléphone, sans procéder à un examen global de la situation de Mme B... tenant compte notamment du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation. Toutefois, il a également relevé que l'intéressée avait été condamnée par un jugement du 10 février 2021 du tribunal correctionnel de Lyon à une peine d'emprisonnement délictuel de dix-huit mois avec sursis pour des faits de détention non autorisée de stupéfiants commis du 1er août au 10 septembre 2019 et que la nature de ces faits représentait une menace réelle et suffisamment grave à l'ordre public de nature à justifier un refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Si Mme B... soutient que son comportement ne constitue pas une menace grave et actuelle à l'ordre public, il ressort des mentions du jugement du tribunal correctionnel du 10 février 2021 qu'elle était impliquée dans un trafic d'héroïne organisé par plusieurs individus d'origine albanaise, qu'elle conditionnait la drogue avec son compagnon et qu'elle tenait occasionnellement le " standard téléphonique ". Ces faits, non contestés, commis entre le 1er août et le 10 septembre 2019, eu égard à leur nature, à leur gravité et à leur caractère récent à la date de la décision critiquée, permettent de caractériser l'existence d'une menace actuelle à l'ordre public suffisamment grave pour justifier le refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Mme B... reprend en appel, sans les assortir d'aucune critique utile du jugement, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 435-1 du même code et de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Les moyens invoqués à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour ayant été écartés, la requérante n'est pas fondée à soutenir que son annulation devrait entraîner, par voie de conséquence, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne comporte aucun délai manque en fait.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

11. Mme B... reprend en appel, dans les mêmes termes, le moyen qu'elle avait invoqué en première instance tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français.

13. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

14. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Rhône a motivé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois par le fait que Mme B... ne justifiait ni d'une vie privée et familiale ancienne, stable et intense en France, ni de ses moyens d'existence, ni de son insertion dans la société française et que son comportement était de nature à porter atteinte à l'ordre public. Dans ces conditions, et alors même que Mme B... est employée comme vendeuse dans une boulangerie depuis janvier 2021, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées en prononçant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et en fixant la durée de cette interdiction à dix-huit mois, laquelle n'apparaît pas, dans les circonstances de l'espèce, disproportionnée.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

La présidente,

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03156
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BARIOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-11;22ly03156 ?
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