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13/06/2023 | FRANCE | N°22LY01357

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 13 juin 2023, 22LY01357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel le maire de Beaufort a délivré un permis de construire à la société 3M Construction et l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le maire de Beaufort a délivré un permis de construire modificatif à la société 3M Construction.

Par un jugement nos 2102734-2104830 du 8 mars 2022, le tribunal administratif a annulé les arrêtés des 27 novembre 2020 et 10 juin 2021 en tant qu'ils autorisent la

réalisation d'une porte de garage dont la teinte méconnaît l'article II.3.4 du règleme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel le maire de Beaufort a délivré un permis de construire à la société 3M Construction et l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le maire de Beaufort a délivré un permis de construire modificatif à la société 3M Construction.

Par un jugement nos 2102734-2104830 du 8 mars 2022, le tribunal administratif a annulé les arrêtés des 27 novembre 2020 et 10 juin 2021 en tant qu'ils autorisent la réalisation d'une porte de garage dont la teinte méconnaît l'article II.3.4 du règlement de la zone Ua du plan local d'urbanisme.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 mai 2022, M. A... B..., représenté par la CLDAA, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 mars 2022 en tant qu'il n'a annulé les arrêtés du 27 novembre 2020 et 10 juin 2021 qu'en tant qu'ils autorisent la réalisation d'une porte de garage dont la teinte méconnaît l'article II. 3.4 du règlement de la zone Ua du PLU ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel le maire de Beaufort a délivré un permis de construire à la société 3M Construction et l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le maire de Beaufort a délivré un permis de construire modificatif à la société 3M Construction ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Beaufort et de la SAS 3M Construction le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le dossier de permis de construire initial est insuffisant au regard des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme en ce que la notice se borne à préciser que le terrain est modifié, ne permettant ainsi pas au service instructeur de vérifier le traitement environnemental et paysager des espaces non bâtis et abords des constructions, et que cette notice décrit seulement le projet sans comparer son implantation, son organisation, sa composition et son volume par rapport aux constructions et aux paysages avoisinants ; cette notice est insuffisante s'agissant de l'organisation et de l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement ;

- les dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ont été méconnues en ce que le plan de masse ne fait pas apparaître les travaux extérieurs, les plantations maintenues et créées et les murs de soutènement ; le dossier de permis ne précise pas les caractéristiques de la servitude de passage ;

- les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ont été méconnues en ce que les points et les angles de prises de vue ne sont pas reportés sur le plan de masse et les documents graphiques insérés dans la demande de permis initial ne sont pas suffisants ;

- la notice du dossier de demande de permis modificatif reste insuffisante en ce qu'elle ne donne aucun élément sur le niveau du terrain avant et après travaux ; cette notice ne précise pas les partis pris par les auteurs du projet pour assurer son insertion par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages et elle ne régularise pas l'organisation et l'aménagement des accès au terrain par la servitude de passage ;

- le plan de masse est insuffisant dès lors qu'il ne fait pas état du mur de maçonnerie à l'ouest et qu'il n'indique pas les caractéristiques de la servitude sur toute sa longueur ; il ne comporte pas les endroits où les photographies permettent de situer le terrain :

- l'arrêté attaqué est un permis de construire valant démolir et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application des dispositions de l'article L. 421-6 alinéa 2 du code de l'urbanisme et au regard du projet d'aménagement et de développement durables ;

- les dispositions de l'article I.3.4 du règlement de la zone Ua du PLU et celles des articles L. 151-19 et R. 111-27 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- le projet méconnaît les dispositions des articles II.3.1, II.1.1, II.2.1, II.3.3, II.3.5, III.1 du chapitre III du règlement de la zone Ua du PLU et celles de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme quant à l'accès au terrain d'assiette du projet et au regard de la rampe d'accès au garage.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2022, la société 3M Construction, représentée par Me Coureau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du requérant le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2023, la commune de Beaufort, représentée par la SELARL Jean-Marc Petit-Avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du requérant le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt pour agir de M. B... et en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 mars 2023.

Par lettre du 2 mai 2023, les parties ont été informées que la cour était susceptible de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre l'intervention d'une mesure de régularisation des permis délivrés les 27 novembre 2020 et 10 juin 2021 sur les vices tirés de la méconnaissance des dispositions des articles III.1 et III.1.1 du PLU relatifs aux caractéristiques des voies d'accès et R. 111-2 du code de l'urbanisme concernant l'accès et la voie de desserte des véhicules au terrain d'assiette du projet par la servitude précisée au dossier.

M. B... a présenté des observations, enregistrées le 12 mai 2023 et communiquées.

La commune de Beaufort a présenté des observations enregistrées le 19 mai 2023 et non communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de M. B..., et de Me Corbalan substituant Me Petit pour la commune de Beaufort.

M. B... a produit une note en délibéré qui a été enregistrée le 24 mai 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS 3M Construction a déposé le 5 août 2002 une demande de permis de construire, complétée le 4 septembre suivant, tendant à la création d'une habitation collective de 12 logements et 7 places de stationnement extérieures et la démolition totale des constructions existantes, pour une surface de plancher créée de 668 m², sur une parcelle située ... à Beaufort et cadastrée section B n° .... Par un arrêté du 27 novembre 2020 du maire de Beaufort le permis sollicité lui a été délivré. Elle a déposé le 22 mars 2021 une demande de permis modificatif, qui a été accordée par un arrêté du maire de Beaufort du 10 juin 2021. M. B... relève appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble n'a annulé les arrêtés des 27 novembre 2020 et 10 juin 2021 qu'en tant qu'ils autorisent la réalisation d'une porte de garage dont la teinte méconnaît l'article II.3.4 du règlement de la zone Ua du plan local d'urbanisme et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la recevabilité de la requête de première instance :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l' article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... a produit une attestation du 18 avril 2003 établie par une notaire indiquant qu'elle est chargée d'établir un acte reprenant les différentes donations relatives aux parcelles section B n° ..., de la grand-mère de M. B... à sa mère puis de cette dernière au requérant et à son autre fils, et enfin le rachat par le requérant de la part de son frère. Cette attestation constitue une pièce justificative suffisante pour apprécier la détention régulière du bien par le requérant et vérifier la condition de recevabilité fixée à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est voisin immédiat du projet qui emporte la démolition du bâtiment existant et la construction d'un bâtiment d'habitation collective de douze logements, d'une emprise au sol de 322,11 m² portée à 344,25 m² par le permis de construire modificatif, et ayant quatre étages. Au regard de l'importance du projet en litige et de sa proximité avec la propriété de M. B..., ce projet est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien, alors même que la perte d'ensoleillement ne serait pas établie. M. B... justifie ainsi d'un intérêt à agir contre les permis en litige au sens des dispositions précitées.

Sur la légalité des permis de construire accordés :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : /(...)/2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : /a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; /b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; /(...) /f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. /(...)/Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. /(...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-10 du code précité : " Le projet architectural comprend également :/(...)/ c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ;/d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. "

6. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que la demande du permis de construire initial comporte une notice qui précise que le terrain, qui comporte une construction et un bassin qui seront démolis, est semé en herbe et comporte des trottoirs en béton en périphérie du bâtiment existant, que le bâtiment créé reprend les orientations d'implantation du bâtiment existant, que la toiture à quatre pans est reprise avec le maximum de la pente autorisée (45 %), que les garages sont intégrés à la construction, qu'un mur de soutènement limité à 1,35 mètre de hauteur par élément avec une jardinière intermédiaire est prévu, que la hauteur des murs de soutènement sur les parties nord, est et sud est limitée à deux mètres par élément et que ces derniers seront végétalisés et, enfin, qu'au sud-ouest à l'ouest, le voisin décaissera son terrain le long de ses bâtiments. Le dossier de demande de permis initial comprend également des photographies d'insertion du bâtiment à construire ainsi que des photographies de l'existant et des maisons avoisinantes. La notice précise par ailleurs que les accès et les stationnements extérieurs seront revêtu d'un enrobé et que la rampe d'accès au garage, avec une pente de 18 %, aura un dispositif spécifique pour améliorer l'adhérence. La notice du dossier de demande de permis modificatif prévoit que l'accès en voiture se fera principalement par l'accès nord-ouest et que l'entrée de l'immeuble dans l'angle sud-est de la façade est sera principalement utilisée par les piétons, une seule place de stationnement étant aménagée à proximité de cette entrée pour limiter la circulation dans cette zone. Le dossier de demande de permis modificatif comprend par ailleurs d'autres planches photographiques de la construction existante et de son environnement immédiat, des plans des différentes façades et des documents d'insertion du bâtiment projeté, permettant ainsi d'apprécier son implantation, son organisation, sa composition et son volume, par rapport aux constructions et aux paysages avoisinants. Enfin, les plans de chaque façade comportent des indications sur le terrain naturel avant travaux et le terrain après travaux.

8. Ensuite, la notice du dossier de demande de permis modificatif indique que le reste des espaces de cette zone sera végétalisé selon les précisions apportées au plan de masse. Ce dernier comporte, en partie est, un espace vert comprenant douze plantations, qui seront, selon la notice, des arbustes d'essences locales, alors que le terrain d'assiette du projet n'en comprenait aucune. Par ailleurs, la notice précitée indique la présence d'un mur de soutènement existant au nord-est du terrain et celle à l'ouest d'un mur en maçonnerie enduit implanté en limite de propriété, puis précise que la largeur de la servitude de passage " est conforme à la réglementation incendie pour ce type de bâtiment d'habitations collectives. La largeur de la servitude de passage permet la circulation des voitures à double sens. " et le plan de masse à l'échelle 1/200ème identifie en outre clairement cette servitude.

9. Enfin, si les différents angles de prises de vue ne sont pas reportés sur le plan de masse mais dans une photographie aérienne produite dans le dossier de permis de construire modificatif, les pièces produites ont mis en mesure l'autorité en charge de l'instruction du permis d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement immédiat. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient M. B..., les documents graphiques insérés dans le dossier de demande de permis modificatif sont suffisants pour apprécier le terrain d'assiette du projet et son insertion dans l'environnement bâti existant et les plans des façades et planches d'insertion du projet permettent d'apprécier son insertion.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les différentes pièces des dossiers de demandes de permis de construire initial et modificatif ont été de nature à permettre à l'autorité administrative en charge de l'instruction de ces demandes d'apprécier la conformité du projet à la réglementation applicable.

11. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " (/(...)/ Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti, du patrimoine archéologique, des quartiers, des monuments et des sites. ". Par ailleurs, l'article L. 451-1 du même code prévoit que : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition. ". Enfin, l'article R. 421-27 du même code prévoit que : " Doivent être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction située dans une commune ou une partie de commune où le conseil municipal a décidé d'instituer le permis de démolir. ".

12. D'autre part, aux termes de l'article I.3.2 du règlement de la zone Ua du plan local d'urbanisme relatif aux travaux sur le bâti existant : " (...) e. Le permis de démolir est applicable pour les constructions identifiées au plan de zonage : patrimoine bâti des cœurs historiques des bourgs et hameaux au titre du L. 151-19 du code de l'urbanisme, et le petit patrimoine (fours, mazots traditionnels, oratoire, bassins, caves à lait, moulins, chapelles...) (...) ". Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. (...) ".

13. Il ressort du plan de zonage du PLU de la commune de Beaufort que le terrain d'assiette du projet en litige situé au ... de cette commune ne comprend pas de bâtiments répertoriés comme étant à préserver au sens de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, ni ne correspond à un patrimoine divers à protéger identifié de manière autonome par le PLU au titre de ces mêmes dispositions, contrairement à ce que soutient M. B.... Toutefois, ce terrain d'assiette du projet est situé au sein d'une zone identifiée et correspondant à une zone patrimoniale à protéger au titre de ce même article.

14. D'une part, les dispositions précitées du PLU et du code de l'urbanisme ont pour seul objet de soumettre le permis de construire portant sur des bâtiments au sein d'une zone patrimoniale à protéger au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme à un permis de démolir, qui a été obtenu en l'espèce, concomitamment au permis de construire initial. Par ailleurs, les permis en litige, compte tenu de la localisation du terrain d'assiette, de l'absence de protection relative au bâtiment existant et qui a vocation à être démoli et du secteur environnant, ne sont pas de nature à porter atteinte au patrimoine bâti de la commune, et M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le projet en litige serait entaché d'erreur d'appréciation quant à l'application des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme.

15. D'autre part, il ne ressort pas des dispositions de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme, que les permis de construire étaient soumis à une obligation de conformité ou de compatibilité avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), qui ne peuvent, dès lors, être utilement invoquées.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article I.3.4 du règlement de la zone Ua du PLU, relatif aux secteurs patrimoniaux identifiés au plan de zonage : " Dans les secteurs patrimoniaux identifiés au plan de zonage est autorisé:/ (...) / la construction neuve à condition que le langage urbain et architectural des constructions environnantes soit repris. ". Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. ".

17. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige, qui emporte la démolition du bâtiment existant d'une surface de 664 m² qui comprenait 3 logements, prévoit la construction d'un bâtiment d'habitation collective de 12 logements, d'une emprise au sol quasiment identique mais seulement décalée sur la limite ouest, sur quatre niveaux, et comprend une toiture à quatre pans comme la précédente construction, suivant la même implantation. La notice du permis de construire modificatif précise que les bâtiments en périphérie comportent très peu de bois en façades et le bâtiment construit reprend ce critère pour s'intégrer au caractère de la zone. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. B..., le secteur est composé de constructions, nouvelles et anciennes, à proximité et dépourvues de réel style ou unité architecturale. La seule circonstance que le projet emporte la démolition d'un bâtiment qui figure au sein d'une zone patrimoniale au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme précité, sans être, ainsi qu'il a été dit, identifié sur le fondement de ces mêmes dispositions, ne fait pas obstacle à ce que sa démolition soit autorisée, en l'absence de prescription définie par le PLU y faisant obstacle. Il suit de là qu'en délivrant les permis de construire en litige le maire de la commune de Beaufort n'a pas méconnu les dispositions de l'article I.3.4 du règlement de la zone Ua du PLU et celles de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme et n'a pas davantage entaché ses arrêtés d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

18. En quatrième lieu, aux termes de l'article II.3.1 du règlement du PLU, relatif à la qualité urbaine, architectural, environnementale et paysagère : " Généralités : L'implantation des bâtiments doit démontrer la meilleure adaptation au terrain naturel afin de réduire l'impact paysager et les mouvements de sol. / Chaque projet devra justifier de sa bonne intégration en termes de volumétrie, d'implantation et d'architecture au regard du milieu bâti environnant. Une attention particulière sera portée à la forme des constructions et aux toitures ". Ainsi qu'il vient d'être dit au point 17, s'agissant plus particulièrement du secteur d'implantation du projet en litige et des caractéristiques de ce dernier et de son intégration, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les permis en litige méconnaissent ces dispositions.

19. En cinquième lieu, les moyens tirés de ce que les permis de construire en litige méconnaissent les dispositions des articles II.1.1 du règlement du PLU relatives à l'implantation des constructions par rapport aux emprises publiques et aux voies, celles de l'article II.3.3 relatives aux toitures, ainsi que celles de l'article II.3.5 relatives à l'aspect des façades, doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

20. En sixième lieu, aux termes de l'article II.2.1 du règlement du PLU relatif à la hauteur des constructions : " La hauteur des constructions sera compatible, avec la hauteur moyenne des constructions avoisinantes arrondie au niveau supérieur (les constructions avoisinantes étant celles existantes dans un rayon de 20 m autour de la construction projetée), sans que la différence de niveau avec la ou les constructions adjacentes, quand elles existent, n'excède pas plus ou moins 1 étage (à justifier dans la notice explicative des PC et dans les insertions du projet).(...) ".

21. La notice des dossiers de demande de permis de construire initial et modificatif précisent que " la hauteur du bâtiment créé et le nombre d'étages ont été définis selon les règles du PLU (cf. plan, hauteur et photos des bâtiments dans un périmètre de 20 m en pièce PC 4b) ". Cette pièce PC 4b produite dans le dossier de demande de permis de construire initial comprend un plan parcellaire identifiant plusieurs constructions situées à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet et indique la hauteur moyenne des constructions et le nombre d'étages de ces dernières, permettant ainsi de constater que deux bâtiments au sud du terrain d'assiette du projet sont d'une hauteur de 4 niveaux, comme le bâtiment projeté en litige. Il suit de là qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la hauteur de la construction projetée ne serait pas compatible avec la hauteur moyenne des constructions avoisinantes dans un rayon de 20 mètres au sens des dispositions de l'article II.2.1 du règlement du PLU.

22. En dernier lieu, aux termes des dispositions du chapitre III du règlement du PLU relatif aux équipements et réseaux : " III.1 Caractéristiques des voies de circulation. Le projet sera refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à sa destination, ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Cette sécurité doit être appréciée compte tenu notamment de la position des accès, de leur configuration, ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / (...) ". Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

23. La notice du dossier de demande de permis modificatif précise que l'accès en voiture se fera principalement par l'accès Nord-Ouest. L'entrée de l'immeuble dans l'angle sud-est de la façade sera principalement utilisée par les piétons. Une place de voiture unique est aménagée à proximité de cette entrée pour limiter la circulation automobile dans cette zone. Cette notice précise également, dans la description de l'organisation et de l'aménagement des accès et de la desserte au terrain, que la largeur de la servitude de passage est conforme à la réglementation incendie pour ce type de bâtiments d'habitations collectives et que la largeur de la servitude de passage permet la circulation des voitures en double sens. Le plan de masse et le plan des toitures joints à la demande de permis permettent enfin de visualiser cette servitude de passage, indiquée comme étant de 4,32 mètres de largeur et comme grevant la parcelle cadastrée section .... Le plan établi par un géomètre à l'échelle 1/250ème et joint à la demande de permis de construire modificatif permet également de constater que l'accès au terrain d'assiette du projet se fera par cette même servitude, extérieure au projet, sur une longueur d'environ 15 mètres depuis le chemin communal du bourg. Il ressort toutefois de ce dernier plan que le terrain présenté comme grevé par cette servitude n'a en réalité qu'une largeur d'environ 2,50 mètres, sans que les autres pièces du dossier ne permettent de comprendre selon quelles modalités elle serait élargie, alors qu'il s'agit déjà d'une voie existante enserrée entre des bâtiments dont la démolition n'est pas envisagée. Compte tenu du nombre de logements créés par l'opération en litige et du double sens de circulation de cette servitude pour l'accès au terrain d'assiette du projet, la largeur de cette dernière ne répond pas à l'importance des constructions ou des aménagements envisagés, sans que les circonstances que ce chemin ferait l'objet d'un déneigement par les services de la commune ou que la commune aurait procédé à l'élargissement de cette servitude après l'accès au projet permettent d'y remédier. Il suit de là que M. B... est fondé à soutenir, par des moyens qui sont opérants à l'égard de voies et accès existants, que les permis de construire en litige méconnaissent les dispositions de l'article III.1 du chapitre III du règlement du PLU et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce que le projet n'est pas desservi par des voies répondant à son importance ou à sa destination, dans des conditions de sécurité suffisantes.

24. Il résulte de tout ce qui précède que seul le vice mentionné au point 23 est de nature à entraîner l'annulation des arrêtés du 27 novembre 2020 et 10 juin 2021 par lesquels le maire de Beaufort a délivré un permis de construire et un permis de construire modificatif à la société 3M Construction.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

25. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir, d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

26. Le vice dont sont entachés les arrêtés en litige nécessite de prévoir une voie d'accès adaptée à la circulation induite par le projet pour le rendre conforme aux dispositions de l'article III.1 précité du PLU et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. La régularisation de ce vice n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Il appartient aux parties de notifier cette mesure de régularisation à la cour administrative d'appel de Lyon dans un délai de quatre mois à compter du présent arrêt.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des permis de construire initial et modificatif des 27 novembre 2020 et 10 juin 2021 délivrés par le maire de Beaufort à la société 3M Construction, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois, afin de permettre à cette société de régulariser les vices entachant ces permis.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Beaufort et à la SAS 3M Construction.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2023.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. C...

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01357 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01357
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : COUREAU DAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-13;22ly01357 ?
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