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22/06/2023 | FRANCE | N°22LY02615

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 22 juin 2023, 22LY02615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions des 18 mai 2021 et 24 février 2022 par lesquelles le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a résilié son contrat d'engagement dans la réserve civile de la police nationale et l'a radié de cette réserve civile, d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer dans la réserve civile de la police nationale, de reconstituer sa carrière et de le rétablir dans ses droits sociaux et de mettre à la charge de l'Ét

at une somme au titre des frais du litige.

Par un jugement n° 2104388 du 6 juille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions des 18 mai 2021 et 24 février 2022 par lesquelles le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a résilié son contrat d'engagement dans la réserve civile de la police nationale et l'a radié de cette réserve civile, d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer dans la réserve civile de la police nationale, de reconstituer sa carrière et de le rétablir dans ses droits sociaux et de mettre à la charge de l'État une somme au titre des frais du litige.

Par un jugement n° 2104388 du 6 juillet 2022, le tribunal a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du 18 mai 2021 (article 1er), annulé la décision du 24 février 2022 en tant qu'elle prévoyait la résiliation du contrat d'engagement de M. A... dans la réserve civile de la police nationale et sa radiation de cette réserve à une date antérieure à celle de la notification de cette décision (article 2), enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est de réintégrer M. A... dans la réserve civile de la police nationale à la date du 19 mai 2021 et jusqu'à la date de notification de la décision du 24 février 2022 et de procéder à la reconstitution de ses droits, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 3), et rejeté le surplus de cette demande (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 août 2022, M. A..., représenté par Me Cottignies, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande de première instance ;

2°) d'annuler la décision du 24 février 2022 en tant qu'elle a pris effet à compter de la date de sa notification ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le réintégrer dans la réserve civile de la police nationale et de reconstituer ses droits pour la période d'éviction illégale ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais du litige de première instance et d'appel.

Il soutient que :

- la décision du 24 février 2022 est entachée de rétroactivité illégale, ayant pris effet le 19 mai 2021 ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable, en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, et des articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est illégale en raison de la substitution à la décision du 18 mai 2021 à laquelle elle a visé à procéder ;

- les faits qui lui sont reprochés ne présentent pas de caractère fautif ;

- à titre subsidiaire, la mesure en litige est disproportionnée au regard des faits sur lesquels elle se fonde, alors qu'il n'a jamais été sanctionné auparavant et qu'il a toujours donné satisfaction dans sa manière de servir ;

- il était fondé, au regard des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à bénéficier de l'octroi d'une somme au titre des frais du litige en première instance.

Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2023.

Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer a été enregistré le 6 juin 2023, après l'intervention de la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., retraité anciennement en fonction dans la police nationale, a souscrit le 22 février 2021 un contrat d'engagement dans la réserve civile de ce corps d'une durée d'un an à compter du 1er mars 2021, et renouvelable dans la limite de cinq années, pour exercer des missions de soutien comme réserviste de 1ère classe. Le 4 mars 2021, une mission de sécurisation et de surveillance des locaux du secrétariat général de l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol), situé à Lyon, lui a ainsi été confiée dans ce cadre. Toutefois, par une décision prise en dernier lieu le 24 février 2022, le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a résilié son contrat d'engagement et l'a radié de la réserve civile à compter du 19 mai 2021. M. A... relève appel du jugement du 6 juillet 2022 du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de cette décision en tant qu'elle a pris effet à compter de la date de sa notification.

2. En premier lieu, selon l'article 2 du jugement attaqué, définitif sur ce point, la décision du 24 février 2022 du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a été annulée en tant qu'elle prévoyait la résiliation du contrat d'engagement de M. A... et sa radiation à compter du 19 mai 2021, soit à une date antérieure à celle de sa notification. Ainsi, compte tenu des effets attachés à une telle annulation, cette décision doit être regardée comme ayant produit des effets à compter seulement de sa date de notification. Par suite, et en toute hypothèse, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 24 février 2022, en admettant qu'il a entendu soulever un tel moyen, serait entachée de rétroactivité illégale. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 2° Infligent une sanction ; / (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...). " Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

4. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée qu'elle vise les dispositions applicables du code de la sécurité intérieure lui servant de fondement ainsi que le rapport du directeur des ressources et des compétences de la police nationale du 17 mai 2021, qui renvoie lui-même aux articles R. 411-13 et R. 434-2 de ce code et précise, de manière circonstanciée, les faits reprochés à l'intéressé et leur qualification, dont le contenu a été porté à la connaissance de M. A... lors de l'entretien avec la cheffe de la mission réserve civile le 22 février 2022 et dont il a également reçu communication lors de la notification de la décision litigieuse, ce qu'il ne conteste pas. Par suite, l'exigence de motivation rappelée plus haut a été respectée.

5. En troisième lieu, en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 1er février 2022, préalable à l'intervention de la décision contestée, M. A... qui, dans l'exercice de ses fonctions de réserviste de la police nationale, agissait en qualité d'agent public, a été convoqué à un entretien prévu le 22 février 2022 et informé de la nature de la mesure envisagée à son encontre et des faits reprochés, de la possibilité de formuler toutes observations écrites et par tout moyen jusqu'à cet entretien, du droit à communication de son dossier et des modalités de sa consultation, et de la possibilité être assisté d'un ou plusieurs défenseurs de son choix lors de cet entretien. Selon un document du 22 février 2022 rendant compte de cet entretien, il apparaît que le contenu du rapport du 17 mai 2021 mentionné ci-dessus, dont il a reçu communication avec la décision litigieuse, a été porté à sa connaissance et qu'il a pu fournir toutes les observations orales qu'il estimait utiles. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " (...) / Les dispositions de l'article L. 121-1, en tant qu'elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents. " M. A..., qui a fait l'objet de la décision contestée pour des faits commis alors qu'il agissait en qualité d'agent public, ne saurait utilement soutenir que ces dispositions auraient été méconnues.

8. En cinquième lieu, le moyen, à le supposer soulevé, tendant à ce que la décision contestée serait illégale en raison de la substitution à la décision du 18 mai 2021 n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut donc qu'être écarté.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 411-7 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable : " La réserve civile de la police nationale est destinée à des missions de soutien aux forces de sécurité intérieure et des missions de solidarité, en France et à l'étranger, à l'exception des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public. / Elle est constituée : / 1° De retraités des corps actifs de la police nationale, dégagés de leur lien avec le service, dans le cadre des obligations définies à l'article L. 411-8 ; / (...). / Les retraités des corps actifs de la police nationale mentionnés au troisième alinéa du présent article peuvent également adhérer à la réserve civile au titre de volontaire. " Aux termes de l'article L. 411-11 du même code, dans sa rédaction applicable : " Les réservistes volontaires (...) souscrivent un contrat d'engagement d'une durée d'un an, renouvelable tacitement dans la limite de cinq ans, qui définit leurs obligations de disponibilité et de formation et qui leur confère la qualité de collaborateur occasionnel du service public. / Le contrat d'engagement précise la durée maximale de l'affectation, qui ne peut excéder : 1° Pour les retraités des corps actifs de la police nationale, cent cinquante jours par an ou, pour l'accomplissement de missions à l'étranger, deux cent dix jours ; / (...) / L'administration peut prononcer la radiation de la réserve civile en cas de manquement aux obligations prévues par le contrat d'engagement. Ce contrat peut également être résilié ou suspendu en cas de manquement lorsque le réserviste volontaire cesse de remplir une des conditions prévues à la présente section ou en cas de nécessité tenant à l'ordre public. " Aux termes de l'article L. 411-12 de ce code : " Les périodes d'emploi et de formation des réservistes de la police nationale sont indemnisées. " Aux termes de l'article R. 411-13 du même code, dans sa rédaction applicable : " Les réservistes de la police nationale sont soumis aux obligations des agents des corps actifs des services de la police nationale, définies par le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, et doivent respecter code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale prévu au chapitre IV du titre III du présent livre. " Aux termes de l'article R. 434-2 du même code, qui fait partie du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale pour l'exécution de leurs missions de sécurité intérieure en vertu de l'article R. 434-1 de ce code : " (...) / Au service des institutions républicaines et de la population, policiers et gendarmes exercent leurs fonctions avec loyauté, sens de l'honneur et dévouement. / (...). " Aux termes de l'article 29 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, relatif aux obligations et protections particulières du fonctionnaire et de ses ayants droit : " Le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps, qu'il soit ou non en service, s'abstenir en public de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient ou à troubler l'ordre public. "

10. Il résulte du rapport déjà mentionné du 17 mai 2021, qui vise les dispositions des articles R. 411-13 et R. 434-2 du code de la sécurité intérieure, que l'administration reproche à M. A... d'avoir signé le 21 avril 2021 en son nom, aux côtés de généraux à la retraite, de militaires d'active ou en retraite et d'autres acteurs de la sécurité, une tribune ouverte publiée dans le journal " Valeurs Actuelles " demandant au Chef de l'État de défendre les valeurs de la civilisation contre " l'islamisme " et les " hordes de banlieue ". Cette tribune, adressée au Président de la République, aux membres du Gouvernement et aux Parlementaires, met spécialement en cause la responsabilité des " gouvernants ", notamment dans la montée de la violence dans la société et, en particulier, critique l'usage des forces de l'ordre lors de manifestations et les instructions données par ces " gouvernants ", évoquant même un risque de guerre civile susceptible d'engendrer des morts qui leur seraient imputables. Eu égard au contenu de cette tribune et à son ton exagérément polémique, et compte tenu des conclusions du rapport du 17 mai 2021, dont il résulte que M. A... avait, en signant cette tribune, commis " un manquement au devoir de réserve mais surtout au devoir de loyauté envers l'État et l'institution policière ", incompatible avec son maintien dans la réserve civile de la police nationale, il n'apparaît pas que les faits reprochés à l'intéressé ne seraient pas, dans ce contexte, constitutifs de manquements aux obligations d'ordre déontologique de nature à justifier la mesure en litige.

11. En dernier lieu, malgré un jugement partiellement favorable à M. A..., les premiers juges, en estimant, en l'espèce, qu'il n'y avait pas lieu de lui accorder une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, n'ont pas fait une inexacte application de cette disposition.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon n'a fait que partiellement droit à sa demande. Sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V.-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir, à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02615

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02615
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : COTTIGNIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-22;22ly02615 ?
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