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29/06/2023 | FRANCE | N°21LY01112

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 juin 2023, 21LY01112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E..., Mme F... B... épouse E..., Mme G... E... et M. C... E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de ... à leur verser, en raison des préjudices liés à la proximité du stade municipal et de la salle des fêtes, les sommes respectives de :

- 93 680 euros à M. D... E... et Mme F... E...,

- 10 000 euros à M. C... E...,

- et 10 000 euros à Mme G... E....

Par un jugement n° 1901979 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a re

jeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2021, ensemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E..., Mme F... B... épouse E..., Mme G... E... et M. C... E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de ... à leur verser, en raison des préjudices liés à la proximité du stade municipal et de la salle des fêtes, les sommes respectives de :

- 93 680 euros à M. D... E... et Mme F... E...,

- 10 000 euros à M. C... E...,

- et 10 000 euros à Mme G... E....

Par un jugement n° 1901979 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2021, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 22 novembre 2022, M. D... E..., Mme F... B... épouse E..., Mme G... E... et M. C... E..., représentés par la SELARL Avocat Bruit, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1901979 du 9 février 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner la commune de ... à leur verser, en raison des préjudices liés à la proximité du stade municipal et de la salle des fêtes, les sommes respectives de :

- 20 000 euros à M. D... E... ;

- 20 000 euros à Mme F... E... ;

- 20 000 euros à Mme G... E... ;

- 20 000 euros à M. C... E... ;

- et 85 410,08 euros à M. D... E... et Mme F... E... ;

3°) de mettre à la charge de la commune de ... une somme de 18 236,57 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- la commune a commis une faute du fait de la carence du maire dans l'exercice de son pouvoir de police sur le fondement de l'article L. 2212-2, 2° du code général des collectivités territoriales, dans la règlementation de l'utilisation de la salle des fêtes et du stade municipal, et de l'organisation des fêtes locales ;

- la commune a commis une faute dans la définition des modalités d'utilisation de la salle des fêtes, en raison de la méconnaissance des articles R. 571-25 et suivants du code de l'environnement relatifs aux activités bruyantes, de l'article R. 1336-1 du code de la santé publique relatif aux activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés et des articles 2 et 12 de l'arrêté du préfet de l'Ain du 12 septembre 2008 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage ;

- subsidiairement, ils ont été victimes d'un dommage permanent de travaux publics, anormal et spécial, du fait du fonctionnement de la salle des fêtes et du stade municipal ;

- l'antériorité de la présence des ouvrages ne peut leur être opposée sur le fondement de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation, dès lors que les ouvrages fonctionnaient irrégulièrement ;

- les nuisances sonores dont ils ont été victimes ont généré, pour chacun d'eux, un préjudice moral et de santé ; elles ont en outre entrainé un préjudice financier pour M. et Mme E... du fait d'une perte de valeur vénale de leur maison ; elles ont conduit M. et Mme E... à engager des frais d'hôtel ; elles ont enfin entrainé un préjudice de jouissance pour M. et Mme E... ; Ils ont en outre dû exposer des frais d'huissier ;

- leurs conclusions sont recevables, la demande préalable ayant porté sur les préjudices de l'ensemble des membres de la famille.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2022, ensemble des mémoires complémentaires enregistrés les 15 décembre 2022 et 15 février 2023, la commune de ..., représentée par la SCP Desilets Robbe Roquel, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- les conclusions présentées par les deux enfants A... et Mme E... sont irrecevables en l'absence de la décision préalable exigée par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

- subsidiairement, aucune carence dans l'exercice du pouvoir de police n'est établie en l'absence de preuve de troubles fréquents et sérieux ;

- les mesures effectuées par l'expert sont contradictoires ;

- la salle des fêtes a été équipée d'un limiteur de son en 2003, qui a été revu en 2013 ;

- les articles R. 571-25 et suivants du code de l'environnement ne sont pas applicables, le niveau sonore invoqué étant en tout état de cause inférieur ;

- le niveau sonore invoqué est inférieur à celui prévu par l'arrêté du préfet de l'Ain du 12 septembre 2008 ;

- aucun préjudice anormal et spécial n'est caractérisé ;

- aucun lien n'est établi entre le fonctionnement des ouvrages publics et leur état de santé ;

- la perte de valeur vénale alléguée n'est pas établie, la valeur initiale n'étant pas justifiée et la vente s'étant en tout état de cause opérée à un prix supérieur au prix moyen au m² dans la commune ;

- aucun lien n'est établi entre le fonctionnement des ouvrages publics et les frais d'hôtel invoqués.

Par courrier du 30 janvier 2023, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement pour défaut de mise en cause de la caisse de sécurité sociale alors que les requérants invoquaient un préjudice de santé.

Par un courrier enregistré le 20 février 2023, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a indiqué ne pas avoir d'observations à présenter.

Par un mémoire enregistré le 22 février 2023, la caisse des dépôts et consignations, agissant comme gestionnaire de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) indique ne pas avoir de droits à faire valoir dès lors que la mise à la retraite pour invalidité de Mme E... n'est pas en lien avec les gênes en litige mais uniquement avec des pathologies antérieures.

Par ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 18 octobre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 12 octobre 2022, la clôture d'instruction a été reportée au 22 novembre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 23 novembre 2022, la clôture d'instruction a été reportée au 15 décembre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 15 février 2023 à 16h30. Par ordonnance du 15 février 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 31 mars 2023 à 16h30.

Un mémoire complémentaire, produit pour les consorts E... et enregistré le 30 mars 2023 n'a pas été communiqué.

Un mémoire présenté par le recteur de l'académie Auvergne-Rhône-Alpes et enregistré le 23 mai 2023, après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du préfet de l'Ain du 12 septembre 2008 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport A... Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- les observations de Me Garcia, représentant les consorts E...,

- et les observations de Me Goirand, représentant la commune de ....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ainsi que leurs deux enfants, ont recherché la responsabilité de la commune de ..., qui rassemble moins de 1 000 habitants, en invoquant les préjudices générés par la proximité de l'habitation où ils ont résidé, de 2003 à 2017, avec un terrain de sport municipal et la salle des fêtes de la commune. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour assurer le respect de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le tribunal administratif, saisi par la victime ou par la caisse d'une demande tendant à la réparation d'un dommage corporel, doit appeler en la cause, selon le cas, la caisse ou la victime. La cour administrative d'appel, saisie dans le délai légal d'un appel de la victime ou de la caisse, doit communiquer la requête, selon le cas, à la caisse ou la victime. La méconnaissance de ces obligations de mise en cause entache le jugement ou l'arrêt d'une irrégularité que le juge d'appel ou le juge de cassation doit, au besoin, relever d'office.

3. M. et Mme E... ont exposé en première instance que les gênes qu'ils soutiennent avoir subies ont affecté leur santé et ils ont notamment demandé la réparation de préjudices corporels. En ne mettant pas en cause leur caisse de sécurité sociale, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Celui-ci doit, en conséquence, être annulé.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et, après avoir régulièrement mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ain, la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN), ainsi que les employeurs publics A... et de Mme E... et la caisse des dépôts et consignations en qualité de gestionnaire de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), de statuer immédiatement sur les conclusions A... et Mme E... et de leurs enfants.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. M. et Mme E... exposent qu'ils étaient propriétaires d'octobre 2003 à septembre 2017 d'une maison, ..., dans un lotissement de la commune de .... Ils soutiennent que leur famille aurait été victime d'importantes nuisances, essentiellement sonores, du fait de la proximité de la salle des fêtes communale et d'un terrain de sport municipal.

6. D'une part, il est constant que la salle des fêtes, distante de moins d'une centaine de mètres de la maison de la famille E..., a été construite et mise en activité au moins quinze ans avant l'installation des époux E.... Par ailleurs, si ceux-ci soutiennent qu'elle serait à l'origine de nuisances sonores anormales, ils se bornent à produire une liste des réservations pour l'année 2016, qui ne fait état que de neuf utilisations, pour deux fêtes familiales, un anniversaire, deux mariages, une cérémonie organisée par l'Amicale ..., la vogue annuelle du comité des fêtes, une cousinade et l'assemblée générale de l'association du Sou des écoles. Cette utilisation très limitée, pour des réunions qui n'apparaissent pas normalement de nature à générer des nuisances significatives dans le contexte d'une commune de moins de 1 000 habitants, ne permet pas d'établir le niveau anormal de gêne allégué. Si M. et Mme E... se plaignent également de fêtes locales, et en supposant même que celles-ci aient un lien avec la salle des fêtes, ils se bornent à évoquer la fête annuelle du village en septembre, un banquet des classes du 12 janvier 2013 durant lequel ont été confectionné des crêpes, les projets d'activités envisagés par la commission " animation " et la diffusion de trois matchs de l'équipe de France de football en 2014. Ces seuls événements ponctuels, qui correspondent à quelques activités très limitées d'animation usuelle de la vie communale, n'apparaissent pas davantage de nature à constituer des gênes anormales. Le juge des référés du tribunal a diligenté une expertise afin de mesurer les niveaux sonores. L'expert a choisi de faire des mesures les 27 et 28 août 2016, à l'occasion d'un des deux mariages organisés dans la salle des fêtes. Il l'a fait dans la chambre des époux E..., fenêtre ouverte. Durant la présence de l'expert, le bruit est resté limité, l'expert ayant lui-même relevé qu'il s'agissait " d'une soirée calme ". Après que l'expert soit parti, ses instruments ont enregistré un bruit plus important, lié à une séquence d'annonce micro avec applaudissements et musique. Précédemment, un autre épisode ponctuel de bruit avait été constaté par huissier le week-end des 5 et 6 septembre 2015, lors de la fête annuelle de la commune. Si ces mesures établissent la possibilité très ponctuelle de dépassement du niveau sonore réglementaire, durant un mariage ou la fête annuelle, ces seuls constats isolés et atypiques ne permettent pas d'établir, eu égard à l'utilisation très faible de la salle et à la nature particulière des évènements en cause, que la salle des fêtes serait par elle-même à l'origine de nuisances sonores significatives, autres que purement éventuelles et très exceptionnelles. Enfin, les attestations produites pour les besoins de la cause qui évoquent un bruit incessant sont en contradiction avec les éléments objectifs résultant de l'instruction sur l'utilisation très limitée de la salle des fêtes, et ne peuvent donc être regardées comme probantes. La commune indique en outre avoir mis en place dès 2003 un limiteur de pression acoustique, dont la présence a été constatée par l'expert.

7. D'autre part, la construction du terrain de football municipal a été décidée par délibération du conseil municipal du 6 mars 2003, avant l'installation A... et Mme E.... Aucun élément objectif ne permet d'établir une utilisation de ce terrain de sport de nature à générer des nuisances sonores anormales. La seule circonstance qu'une équipe féminine de basket amateur de tout âge a été constituée dans la commune, selon une pièce produite par les requérants, n'est pas, par elle-même, de nature à établir l'existence de nuisances.

8. Enfin, si les requérants allèguent également avoir été victimes d'incivilités, ils ne l'établissent pas et ils n'établissent en tout état de cause pas le lien entre des comportements isolés de particuliers et la commune. A cet égard, la seule circonstance qu'une composition pénale ait été actée le 8 octobre 2015 pour une dégradation légère sur véhicule commise par un individu né en 1993 ne caractérise aucun manquement imputable à la commune. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que le maire aurait omis de faire un usage approprié de ses pouvoirs de police administrative générale.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les nuisances sonores récurrentes alléguées ne sont pas établies. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que la commune de ... aurait engagé sa responsabilité à leur égard en raison de nuisances sonores récurrentes ou d'autres gênes anormales.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que les conclusions indemnitaires A... et Mme E... et de leurs enfants doivent être rejetées.

Sur les dépens :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les dépens correspondant aux frais et débours de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal à la charge A... et Mme E... et de leurs enfants.

Sur les frais de l'instance :

12. M. et Mme E... étant tenus aux dépens, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de ... sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901979 du 9 février 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel A... D... E..., Mme F... B... épouse E..., Mme G... E... et M. C... E... est rejeté.

Article 3 : Les dépens sont mis à la charge des consorts E....

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de ... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à Mme F... B... épouse E..., à Mme G... E..., à M. C... E..., à la commune de Chanoz-Chatenay, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, au ministre des armées, au département de l'Ain, à la Caisse des dépôts et consignations, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et à la mutuelle générale de l'éducation nationale. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Lyon.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01112
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-03-03-03 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. - Conditions de fonctionnement de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SANSON CHRISTOPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-29;21ly01112 ?
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