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13/09/2023 | FRANCE | N°21LY00373

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 septembre 2023, 21LY00373


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, la décision du 11 décembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Etienne a rejeté sa demande de requalification de son engagement en qualité de vacataire en contrat à durée déterminée ou indéterminée, d'autre part, la décision du 13 février 2019 par laquelle le directeur du conservatoire Massenet l'a informée du non-renouvellement de son engagement.

Par un jugement n° 1908417 du 7 décembre 2020, le tr

ibunal administratif de Lyon a annulé la décision du maire de la commune de Saint-Et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, la décision du 11 décembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Etienne a rejeté sa demande de requalification de son engagement en qualité de vacataire en contrat à durée déterminée ou indéterminée, d'autre part, la décision du 13 février 2019 par laquelle le directeur du conservatoire Massenet l'a informée du non-renouvellement de son engagement.

Par un jugement n° 1908417 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du maire de la commune de Saint-Etienne du 11 décembre 2018 et la décision du directeur du conservatoire Massenet du 13 février 2019 et a enjoint au maire de la commune de Saint-Etienne de procéder au réexamen et à la régularisation de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 février 2021 et 14 avril 2022, la commune de Saint-Etienne, représentée par Me Cottignies puis par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'auteur de l'acte était compétent ;

- Mme A..., qui n'a pas été engagée pour satisfaire un besoin permanent et travaillait pour plusieurs employeurs, pouvait être régulièrement recrutée en qualité de vacataire par la commune de Saint-Etienne ;

- le directeur était habilité à signer le courrier informatif du 13 février 2019 ;

- Mme A..., en sa qualité de vacataire, ne disposait d'aucun droit au renouvellement de son contrat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2022, Mme A..., représentée par Me de Laubier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Etienne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 juin 2022.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Deguerry, représentant la commune de Saint-Etienne.

Considérant ce qui suit :

1. Conférencière vacataire intervenant au conservatoire Massenet de la commune de Saint-Etienne depuis 2007, Mme A... a sollicité en 2018 la requalification de son contrat de vacataire en contrat à durée déterminée ou indéterminée. Par décision du 11 décembre 2018, le maire de la commune de Saint-Etienne a rejeté sa demande. Par décision du 13 février 2019, le directeur du conservatoire Massenet l'a informée que son engagement ne serait pas renouvelé. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision du 11 décembre 2018 du maire de la commune de Saint-Etienne rejetant sa demande de requalification de son contrat, ainsi que de la décision du 13 février 2019 du directeur du conservatoire Massenet l'informant du non-renouvellement de son contrat. La commune de Saint-Etienne relève appel du jugement rendu le 7 décembre 2020 par lequel le tribunal a, d'une part, annulé la décision de son maire du 11 décembre 2018 ainsi que la décision du directeur du conservatoire Massenet du 13 février 2019 et, d'autre part, enjoint au maire de procéder au réexamen et à la régularisation de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Si la commune de Saint-Etienne soutient que la décision du 13 février 2019, informant Mme A... du non-renouvellement de son contrat, est intervenue pour tirer les conséquences du désaccord constaté entre les parties sur des éléments essentiels du contrat, en l'espèce sa nature et sa durée, et visait également à prendre acte du refus de Mme A... d'effectuer de nouvelles vacations, manifesté par la cessation de ses enseignements le 16 novembre 2018 et l'absence de réponse de sa part au courrier du 11 décembre 2018 lui demandant de poursuivre ses interventions, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a demandé à plusieurs reprises à poursuivre l'exécution de son contrat sous couvert d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée. Dans ces conditions, la décision du 13 février 2019 par laquelle le directeur du conservatoire a informé cette dernière du non-renouvellement de son contrat, nonobstant la circonstance qu'elle n'a pas été adressée en recommandé avec accusé de réception et qu'elle ne comportait pas la mention des voies et délais de recours, ne constitue pas seulement une information mais présente le caractère d'un acte faisant grief susceptible d'être déféré au juge de l'excès de pouvoir. Par suite, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, qui n'a ainsi pas entaché son jugement d'irrégularité sur ce point, a retenu que les conclusions présentées par la requérante à fin d'annulation de cette décision étaient recevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision du 11 décembre 2018 :

3. Aux termes de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale désormais repris à l'article L. 332-8 du code général de la fonction publique : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; (...) /Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée ". Aux termes de l'article 3-4 de la même loi désormais repris à l'article L. 332-10 du code général de la fonction publique : " (...) / II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée. /La durée de six ans mentionnée au premier alinéa du présent II est comptabilisée au titre de l'ensemble des services accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement dans des emplois occupés sur le fondement des articles 3 à 3-3. Elle inclut, en outre, les services effectués au titre du deuxième alinéa de l'article 25 s'ils l'ont été auprès de la collectivité ou de l'établissement l'ayant ensuite recruté par contrat. /Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à des services effectués à temps complet. /Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions entre deux contrats n'excède pas quatre mois. /Lorsqu'un agent remplit les conditions d'ancienneté mentionnées aux deuxième à quatrième alinéas du présent II avant l'échéance de son contrat en cours, les parties peuvent conclure d'un commun accord un nouveau contrat, qui ne peut être qu'à durée indéterminée. En cas de refus de l'agent de conclure un nouveau contrat, l'agent est maintenu en fonctions jusqu'au terme du contrat à durée déterminée en cours ".

4. L'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 fixe les règles d'emploi de ces agents et précise qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application de cet article. Aux termes de l'article 1er du décret du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux agents non titulaires de droit public des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (...). / Les dispositions du présent décret ne sont toutefois pas applicables aux agents engagés pour un acte déterminé ".

5. Un agent de droit public employé par une collectivité ou un établissement mentionné au premier alinéa de l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 doit être regardé comme ayant été engagé pour exécuter un acte déterminé lorsqu'il a été recruté pour répondre ponctuellement à un besoin de l'administration. La circonstance que cet agent a été recruté plusieurs fois pour exécuter des actes déterminés n'a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité d'agent contractuel. En revanche, lorsque l'exécution d'actes déterminés multiples répond à un besoin permanent de l'administration, l'agent doit être regardé comme ayant la qualité d'agent non titulaire de l'administration.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... intervenait depuis l'année 2007 au conservatoire Massenet pour assurer aux élèves de son département de danse une formation portant sur " l'analyse fonctionnelle du corps en mouvement dansé " pour un volume horaire annuel d'environ trente-six heures réparties sur deux ou trois périodes. Contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Etienne, ni la variation de la quotité de travail de Mme A..., ni la circonstance qu'elle bénéficiait d'un contrat pour chacune de ses interventions et qu'elle était rémunérée à la vacation, ou encore qu'elle travaillait pour plusieurs employeurs sans en avoir informé la collectivité, ne font obstacle à ce que le caractère permanent de l'emploi à temps partiel qu'elle occupait soit retenu. En outre, si, selon la commune requérante, cet agent intervenait avec une grande liberté pédagogique, il n'est pas contesté que son enseignement artistique restait subordonné au programme d'enseignement défini par le conservatoire Massenet, qui mettait ses locaux à disposition de l'intéressée et la soumettait à un emploi du temps imposé, les dates étant définies dès la fin de l'année scolaire précédente. Si l'administration soutient encore que Mme A... exerçait des fonctions particulièrement spécialisées qui ne peuvent répondre à un besoin permanent, elle ne démontre pas que les fonctions d'enseignement en litige constituent une tâche ponctuelle et limitée à l'exécution d'actes déterminés, dès lors que cet enseignement, reconduit chaque année, s'intègre au programme des élèves de danse du conservatoire. Dans ces conditions, Mme A... doit être regardée comme ayant été recrutée non pour effectuer des vacations mais pour répondre à un besoin permanent de la commune en qualité d'agent non titulaire relevant des dispositions du décret du 15 février 1988. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les vacations que Mme A... a effectuées doivent être requalifiées en contrat à durée déterminée.

En ce qui concerne la décision du 13 février 2019 :

7. En se bornant à soutenir qu'en sa qualité de vacataire, Mme A... ne disposait d'aucun droit au renouvellement de son contrat, la commune de Saint-Etienne ne remet pas utilement en cause le motif d'annulation de la décision du 13 février 2019 retenu par les premiers juges, tiré de ce que, dès lors que cette décision reposait sur des motifs disciplinaires, l'absence d'information de Mme A... de son droit à la communication de son dossier l'entachait d'un vice de procédure.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Etienne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du maire de la commune de Saint-Etienne du 11 décembre 2018 et celle, pour le motif précité du vice de procédure, du directeur du conservatoire Massenet du 13 février 2019, et a enjoint au maire de Saint-Etienne de procéder au réexamen et à la régularisation de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Saint-Etienne. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne une somme de 2 000 euros à verser à Mme A..., au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Etienne est rejetée.

Article 2 : La commune de Saint-Etienne versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2023.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00373
Date de la décision : 13/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat. - Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-13;21ly00373 ?
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