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21/09/2023 | FRANCE | N°21LY02370

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 21 septembre 2023, 21LY02370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la ministre en charge du travail a annulé la décision du 30 juillet 2019 de l'inspectrice du travail de la 47ème section de l'unité départementale du Rhône et autorisé la SASU Avadel Research à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 2002290 du 11 mai 2021, le tribunal a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête et

des mémoires enregistrés le 13 juillet 2021, les 25 janvier et 6 avril 2022 et le 9 août 2023, la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la ministre en charge du travail a annulé la décision du 30 juillet 2019 de l'inspectrice du travail de la 47ème section de l'unité départementale du Rhône et autorisé la SASU Avadel Research à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 2002290 du 11 mai 2021, le tribunal a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 13 juillet 2021, les 25 janvier et 6 avril 2022 et le 9 août 2023, la SASU Avadel Research, représentée par Me Plagniol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de Mme B... ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, tant en raison de son insuffisance de motivation qu'eu égard à une absence de réponse à ses conclusions ;

- les premiers juges ne pouvaient estimer que la décision de la ministre était illégale au motif qu'elle avait annulé la décision de l'inspectrice du travail pour une insuffisance de motivation injustifiée, alors que la ministre avait également relevé d'autres erreurs entachant cette décision à la date à laquelle elle avait été prise, conduisant à une motivation erronée en raison de son caractère incompréhensible, et eu égard à son caractère infondé en fait et en droit ;

- la décision de la ministre, en tant qu'elle annule la décision de l'inspectrice du travail, n'est pas illégale pour être fondée sur un fait nouveau développé dans son recours hiérarchique ;

- la décision contestée, en tant qu'elle porte autorisation de licenciement, est suffisamment motivée ;

- le motif sur lequel elle est fondée, tiré de l'existence d'une cessation totale d'activité de la société et de l'absence de reprise par une autre entreprise, est légal ; cette cessation existait dès la demande d'autorisation de licenciement, le maintien ultérieur d'une activité résiduelle pendant une certaine période étant sans incidence ; la ministre, après avoir annulé la décision de l'inspectrice du travail, a pu prendre en compte l'acception de la " Food and Drug Administration " relative à une étude clinique du 11 septembre 2019 ;

- les moyens soulevés par Mme B... à l'encontre de la décision de la ministre ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Meyer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SASU Avadel Research au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la SASU Avadel Research à l'encontre du jugement attaqué ne sont pas fondés ;

- la décision de la ministre, en tant qu'elle annule la décision de l'inspectrice du travail, est illégale, cette dernière décision étant suffisamment motivée ; la ministre ne pouvait prendre en compte un fait nouveau existant à la date de sa décision pour se prononcer ;

- la décision de l'inspectrice du travail est fondée au regard des dispositions du 4° de l'article L. 1233-3 du code du travail ; il n'y avait pas eu cessation totale d'activité de la société à la date de dépôt de la demande d'autorisation de licenciement ;

- la décision contestée, en tant qu'elle porte autorisation de licenciement, est insuffisamment motivée au regard des exigences des articles R. 2421-12 du code du travail et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure, au regard du principe du contradictoire ; aucune demande d'autorisation ou décision relative au licenciement de ceux des cinq salariés demeurant en poste sous le statut de salarié protégé produite par la SASU Avadel Research durant la contre-enquête ne lui a été communiquée, alors que la décision contestée précise que ces salariés ont fait l'objet d'une rupture de leur contrat de travail au plus tard le 31 décembre 2019 ;

- elle est fondée sur des faits matériellement inexacts ; elle mentionne que " tous les salariés affectés aux activités de recherche et de développement ayant fait l'objet d'une rupture de leur contrat de travail au plus tard le 31 décembre 2019 ", alors que cinq salariés demeuraient en poste et exerçaient une activité de recherche et de développement au titre de la phase 3, sans que la preuve de la cessation de leurs contrats de travail ne soit apportée et donc que la cessation totale d'activité ne soit démontrée ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 1233-3 du code du travail ; la cessation d'activité n'est ni totale, ni définitive ; les cinq salariés demeurant en poste ont poursuivi une activité de recherche et de développement, habituelle pour la société, qui n'était pas résiduelle, en vue de l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché.

Par un mémoire enregistré le 23 mars 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion déclare s'associer aux conclusions présentées par la SASU Avadel Research.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient estimer que sa décision était illégale au motif qu'elle avait annulé la décision de l'inspectrice du travail pour une insuffisance de motivation injustifiée ;

- si sa décision, en tant qu'elle a annulé la décision de l'inspectrice du travail, était estimée illégale faute d'être suffisamment motivée, il y aurait alors lieu de substituer à ce motif celui tiré de ce que l'inspectrice du travail a estimé à tort que le motif économique invoqué n'était pas justifié ;

- la décision contestée, en tant qu'elle porte autorisation de licenciement, est suffisamment motivée ;

- elle n'est pas illégale en ce qu'elle estime que le motif économique invoqué est justifié, celui-ci étant établi.

Par une ordonnance du 16 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bombard, substituant Me Plagniol, pour la SASU Avadel Research, ainsi que celles de Me Laborie, substituant Me Meyer, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Le groupe Avadel Pharmaceuticals, dont le siège est à Dublin (Irlande), est spécialisé dans le développement et la commercialisation de médicaments dits de " niche ", plus particulièrement ceux agissant sur le système nerveux central et le sommeil, en vue de leur commercialisation aux États-Unis d'Amérique. La SASU Avadel Research, qui appartient à ce groupe, comptait quarante-cinq salariés permanents sur un total de cent quatorze, exerçant à Vénissieux une activité de recherche et de développement, la seule du groupe. Mme B..., employée depuis 2012 sous contrat à durée indéterminée, occupait en dernier lieu des fonctions d'ingénieur de recherche, exerçant par ailleurs le mandat de membre titulaire de la délégation unique du personnel. La SASU Avadel Research a décidé de cesser totalement et définitivement son activité. Sa demande du 20 juin 2019 tendant à obtenir l'autorisation de licencier Mme B... pour motif économique a été rejetée par une décision du 30 juillet 2019 de l'inspectrice du travail de la 47ème section de l'unité départementale du Rhône. Sur recours hiérarchique de cette société du 26 septembre 2019, la ministre en charge du travail, par une décision du 27 janvier 2020, a annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement de Mme B.... La SASU Avadel Research relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 mai 2021 annulant cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / (...) / 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. / La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. / (...). "

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il lui incombe en revanche de contrôler que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, en tenant compte, à cet effet, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Il lui incombe également de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la circonstance qu'une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive. En revanche, le licenciement ne saurait être autorisé s'il apparaît que le contrat de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur. Il en va de même s'il est établi qu'une autre entreprise est, en réalité, le véritable employeur du salarié. En revanche, il n'appartient pas à l'autorité administrative de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail.

4. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. Dans le cas où l'inspecteur du travail a estimé que plusieurs des exigences permettant de faire droit à la demande d'autorisation de licenciement n'étaient pas remplies et qui s'est, par suite, fondé sur plusieurs motifs faisant, chacun, légalement obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, le ministre ne peut annuler cette décision que si elle est entachée d'illégalité externe ou si aucun des motifs retenus par l'inspecteur du travail n'est fondé, et ce, compte tenu des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s'est prononcé l'inspecteur du travail.

Sur le motif de censure retenu par les premiers juges :

5. Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur (...). / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". Aux termes de l'article R. 2421-12 du même code : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. / (...). "

6. La décision de l'inspectrice du travail du 30 juillet 2019 comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle repose, étant, de ce point de vue, formellement motivée. Par suite, et contrairement à ce que soutient la SASU Avadel Research, la ministre en charge du travail ne pouvait, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, considérer que cette décision n'était pas motivée au sens de l'article R. 2421-12 ci-dessus et, par sa décision du 27 janvier 2020, l'annuler pour ce seul motif de légalité externe avant de faire droit à la demande d'autorisation dont l'administration se trouvait de nouveau saisie. Donc, et comme l'a jugé le tribunal, la décision de l'inspectrice du travail du 30 juillet 2019 n'était entachée d'aucun défaut de motivation.

7. Cependant, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. La ministre en charge du travail demande que, au motif, jugé erroné, tiré de l'insuffisante motivation de la décision de l'inspectrice du travail, soit substitué celui tenant à ce que, à la date à laquelle cette dernière s'est prononcée et contrairement à ce qu'elle a pu estimer, la cessation d'activité de la SASU Avadel Research, au sens de l'article L. 1233-3 (4°) du code du travail, était totale et définitive.

9 Il ressort des pièces du dossier que, confronté à des difficultés économiques depuis plusieurs années, le groupe Avadel a souhaité se réorganiser globalement au début de l'année 2019, avec notamment la cessation de l'activité de recherche et de développement exercée par la seule SASU Avadel Research, dont il envisageait d'exploiter commercialement le " produit phare " dénommé " FT 218 " après l'approbation de sa mise sur le marché par l'autorité américaine " Food and Drug Administration " (FDA), destiné au traitement de la narcolepsie, et utilisant une technologie innovante d'administration dite " Micropump ", sur lequel cette dernière société était le plus avancé. Il apparaît que, selon les documents internes à la SASU Avadel Research, ce produit, qui faisait partie à la fin de l'année 2018 des objectifs stratégiques à court terme, était l'objet de la dernière phase d'une étude clinique destinée à tester son efficacité dans la perspective d'une mise sur le marché, qu'une autre société du groupe, pour le compte de laquelle la SASU Avadel Research assurait son activité, a confiée à une société tierce en vertu d'un contrat signé au mois d'août 2016. Toutefois, par des décisions du 6 février 2019, le conseil d'administration de la société à la tête du groupe, ainsi que la direction de la SASU Avadel Research, ont décidé la cessation d'activité de cette dernière société. A la suite des avis défavorables émis le 6 juin 2019 par les organes représentatifs des salariés internes à l'entreprise, cette dernière a décidé d'un plan de licenciement en trois phases des quarante-cinq salariés, la première visant trente-quatre salariés, envisagée au cours du 1er semestre 2019, la deuxième, prévue pour se terminer à la fin de l'année 2019 ou au début de l'année 2020, qui concernait six salariés occupés à différentes fonctions support (Finance, juridique, RH, informatique, ...), nécessaires dans le cadre des opérations de liquidation, et la troisième, dont le terme était programmé à la fin de l'année 2020 ou au cours du premier semestre 2021, portait sur les cinq derniers salariés qui, étant investis des fonctions de " directeur RetD biométrie ", " chef de service RetD développement et transfert ", " project leader RetD développement pharmaceutique ", " ingénieur RetD développement et transfert " et " directeur qualité Europe ", étaient impliqués dans la dernière phase d'élaboration du projet dénommé " FT 218 ", dite " Chemistry Manufacturing and Control ". Pour cette dernière phase de licenciement, ces salariés, sur leur demande, étaient temporairement maintenus en poste pour finaliser ce projet en vue de son exploitation commerciale effective, avec pour objectif de faire bénéficier de leur expertise la société tierce en charge de l'étude clinique évoquée plus haut, voire de fournir une assistance à l'autre société responsable de l'élaboration et du dépôt du dossier auprès de la FDA. Par ailleurs, la SASU Avadel Research a mis en œuvre toutes les autres actions matérielles nécessaires à la cessation de son activité, notamment la rupture du bail relatif aux locaux qu'elle occupait ainsi que des contrats afférents, la programmation d'un enlèvement de déchets dangereux et des opérations de cession de différents matériels de laboratoire. Il apparaît ainsi que, à la date de la décision de l'inspectrice du travail, la SASU Avadel Research avait engagé l'ensemble des actions nécessaires à une cessation totale et définitive de son activité de recherche et de développement, la prolongation temporaire d'une activité d'expertise et de conseil exigeant le maintien provisoire, compte tenu de leurs fonctions, des cinq salariés faisant l'objet de la troisième phase du plan de licenciement, dans le seul but d'accompagner la fin programmée de cette activité, étant purement résiduelle.

10. Dans ces conditions, et dès lors qu'il résulte de l'instruction que la ministre aurait pris la même décision d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail si elle s'était initialement fondée sur le motif tiré d'une cessation d'activité de l'entreprise au sens du 4° de l'article L. 1233-3 du code du travail, il y a lieu de procéder à la substitution qu'elle demande, Mme B... n'étant privée d'aucune garantie procédurale.

11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B....

Sur les autres moyens dirigés contre la décision du 27 janvier 2020 :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...). " Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

13. La décision contestée de la ministre en charge du travail du 27 juillet 2020, en tant qu'elle autorise le licenciement de Mme B..., énonce, de manière précise et circonstanciée les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle repose. Le moyen soulevé par Mme B... tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision ne saurait donc être retenu.

14. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la décision de la licencier aurait été prise en violation du principe du contradictoire. Elle fait ainsi valoir que cette décision précise que les cinq salariés de la troisième phase évoquée plus haut devaient faire l'objet d'une rupture de leur contrat de travail au plus tard le 31 décembre 2019, alors que pour ceux [0][0]bénéficiant d'un statut protection parmi ces salariés, aucune demande d'autorisation de licenciement ou décision en ce sens produite par la SASU Avadel Research durant la contre-enquête ne leur aurait été communiquée. Toutefois, et en toute hypothèse si, d'après les pièces produites par la société, deux des cinq salariés en question avaient le statut de salariés protégés, rien ne permet de dire que, pour prendre la décision en litige, la ministre se serait fondée sur des demandes d'autorisation de licenciement les concernant, qui n'auraient pas été communiquées. Le moyen ne peut ainsi qu'être écarté.

15. En troisième lieu, la décision autorisant le licenciement de Mme B... est notamment fondée sur le fait que " tous les salariés affectés aux activités de recherche et de développement [devaient faire] l'objet d'une rupture de leur contrat de travail au plus tard le 31 décembre 2019 ". Si, comme le soutient Mme B..., il est vrai que trois des salariés affectés initialement à des activités de recherche et de développement et maintenus temporairement en activité comme précisé plus haut, ont été licenciés postérieurement à cette date, une telle circonstance n'a pu, à elle seule, et compte tenu en particulier des licenciements déjà en cours ou planifiés, affecter l'appréciation portée sur la réalité de la cessation totale et définitive de l'activité. Ainsi, il n'apparaît pas que la ministre aurait pris une décision différente si elle avait retenu cette circonstance. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

16. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, comme la SASU Avadel Research en avait informé la ministre dans le cadre de son recours hiérarchique, la FDA avait accepté, le 11 septembre 2019, la réduction du nombre de patients recrutés dans le cadre de l'étude clinique mise en œuvre pour les besoins du projet dénommé " FT 218 " en vue d'obtenir une autorisation de mise sur le marché, avec la perspective d'anticiper à la fin de l'année 2020, au lieu du premier semestre 2021, le dépôt de la demande présentée à cet effet et donc au 31 décembre 2019 le terme de la troisième phase de licenciements concernant les cinq salariés maintenus en poste. Par suite, en estimant que, à la date de sa propre décision d'autorisation, et compte tenu des autres éléments déjà exposés, la cessation de l'activité de recherche et de développement de la SASU Avadel Research pouvait être regardée comme totale et définitive, la ministre n'a pas méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 1233-3 du code du travail. Contrairement à ce que soutient Mme B..., il existait donc bien un motif économique à son licenciement.

17. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la SASU Avadel Research est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 27 janvier 2020 de la ministre en charge du travail. La demande présentée devant ce tribunal par Mme B... doit donc être rejetée.

18. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des frais exposés par la SASU Avadel Research en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Compte tenu de ce qui précède, la demande présentée à ce même titre par Mme B... ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 mai 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... présentée devant ce tribunal est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Avadel Research, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02370

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02370
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Substitution de motifs.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-21;21ly02370 ?
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