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27/09/2023 | FRANCE | N°22LY00157

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 27 septembre 2023, 22LY00157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Green Energy Company a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le directeur départemental des territoires du Cantal a rejeté sa demande de fixation de la consistance légale du droit fondé en titre attaché au Moulin de Gaspard à La Chapelle d'Alagnon ;

2°) de déclarer la consistance légale du droit fondé en titre attaché au Moulin de Gaspard comme devant être fixée à 156 kW ;

3°) de mettre à

la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Green Energy Company a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le directeur départemental des territoires du Cantal a rejeté sa demande de fixation de la consistance légale du droit fondé en titre attaché au Moulin de Gaspard à La Chapelle d'Alagnon ;

2°) de déclarer la consistance légale du droit fondé en titre attaché au Moulin de Gaspard comme devant être fixée à 156 kW ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900764 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Clermont Ferrand a ordonné la réalisation, avant dire droit, d'une expertise afin de déterminer la partie du canal d'amenée permettant d'apprécier le débit maximum de la dérivation et de calculer la puissance maximale de l'ouvrage selon la formule indiquée et a réservé tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué jusqu'en fin d'instance.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2022, la société Green Energy Company, représentée par Me Remy, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 novembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le directeur départemental des territoires du Cantal a rejeté sa demande de fixation de la consistance légale du droit fondé en titre attaché au Moulin de Gaspard ;

3°) de déclarer la consistance légale du droit fondé en titre attaché au Moulin de Gaspard comme devant être fixée à 156 kW ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les ouvrages hydrauliques du Moulin de Gaspard bénéficient d'un droit fondé en titre ;

- la consistance légale du droit d'usage de l'eau attaché à ce droit doit être fixée à 156 kW, en application des principes dégagés par la jurisprudence administrative lesquels retiennent le débit maximum apprécié au niveau du vannage d'entrée du canal d'amenée, et non de l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement et l'arrêté du 11 septembre 2015 lesquels ne sont applicables qu'à la seule remise en service, remise en eau ou confortement d'un ouvrage.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il expose :

- s'en remettre aux écritures produites en première instance par le préfet du Cantal ;

- que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 3 mars 2023.

La société Green Energy Company a produit un mémoire enregistré le 15 août 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 11 septembre 2015 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.1.1.0. de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gravier, avocat, représentant la société Green Energy Company ;

Une note en délibéré a été présentée pour la société Green Energy Company le 20 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Propriétaire des ouvrages hydrauliques du " Moulin de Gaspard " situé sur le territoire de la commune de La Chapelle, la société Green Energy Company a sollicité la reconnaissance d'un droit fondé en titre, par courrier du 7 mai 2018. Le préfet du Cantal a fait droit à sa demande, par courrier du 27 juin 2018, l'invitant à présenter un dossier de détermination de la consistance légale de ce droit. La société a transmis des éléments par courrier du 10 septembre 2018, en concluant à une puissance de 156 kW. Par la décision litigieuse du 24 septembre 2018, le préfet du Cantal a toutefois refusé de fixer une telle consistance légale, en contestant le débit maximal retenu pour son calcul. La société Green Energy Company a contesté cette décision auprès du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui, interprétant sa demande comme tendant à ce que la consistance du droit fondé en titre attaché au Moulin de Gaspard soit fixée à 156 kW, a ordonné, avant dire droit, la réalisation d'une expertise afin de déterminer la partie du canal d'amenée permettant d'apprécier le débit maximum de la dérivation et de calculer la puissance maximale de l'ouvrage selon la formule indiquée, par un jugement du 2 novembre 2021 dont l'intéressée relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement : " I. - Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre (...) sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. II. - Le préfet, au vu de ces éléments d'appréciation, peut prendre une ou plusieurs des dispositions suivantes : 1° Reconnaître le droit fondé en titre attaché à l'installation ou à l'ouvrage et sa consistance légale (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de l'arrêté du 11 septembre 2015 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.1.1.0. de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement précise que : " Les dispositions du présent arrêté sont applicables, sauf précision contraire, au confortement, à la remise en eau ou la remise en exploitation, dans les conditions prévues à l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement, des ouvrages fondés en titre (...). Pour l'application du présent article aux ouvrages et installations fondés, la puissance autorisée, correspondant à la consistance légale, est établie en kW de la manière suivante : -sur la base d'éléments : états statistiques, tout élément relatif à la capacité de production passée, au nombre de meules, données disponibles sur des installations comparables, etc. ; - à défaut, par la formule P (kW) = Qmax (m3/ s) × Hmax (m) × 9,81 établie sur la base des caractéristiques de l'ouvrage avant toute modification récente connue de l'administration concernant le débit dérivé, la hauteur de chute, la côte légale, etc. /Dans la formule ci-dessus, Qmax représente le débit maximal dérivé dans les anciennes installations, déterminé à partir des caractéristiques de la section de contrôle hydraulique du débit (selon les configurations des sites : section la plus limitante du canal d'amenée ou section de contrôle des anciens organes) (...) ".

3. Il résulte des écritures mêmes de la société Green Energy que les installations hydrauliques du Moulin de Gaspard dont elle est propriétaire depuis 2017 ont cessé d'être exploitées depuis plusieurs années. La consistance légale du droit fondé en titre qu'il appartenait au préfet de fixer étant celle qui leur sera applicable dès leur remise en exploitation, ce dernier a pu, sans erreur de droit, pour apprécier cette consistance, faire application des dispositions précitées de l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement et de l'arrêté du 11 septembre 2015, alors même que la société Green Energy n'a pas fait état dans sa demande d'un projet précis de remise en exploitation. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient inapplicables en l'espèce doit en tout état de cause être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 511-4, nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État ". L'article L. 511-4 du même code précise que : " Ne sont pas soumises aux dispositions du présent livre : 1° Les usines ayant une existence légale ; (...) ". Selon le troisième alinéa de l'article L. 511-5 du même code : " La puissance d'une installation hydraulique, ou puissance maximale brute, au sens du présent livre est définie comme le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur ".

5. Un droit fondé en titre conserve en principe la consistance légale qui était la sienne à l'origine. A défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle. Celle-ci correspond, non à la force motrice utile que l'exploitant retire de son installation, compte tenu de l'efficacité plus ou moins grande de l'usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut en théorie disposer. Ainsi, et indépendamment même des dispositions rappelées au point 2 et de l'article L. 511-4 du code de l'énergie indiquant que les ouvrages fondés en titre ne sont pas soumis aux dispositions de son livre V " Dispositions relatives à l'utilisation de l'énergie hydraulique ", leur puissance maximale est calculée en appliquant la même formule que celle qui figure au troisième alinéa de l'article L. 511-5, c'est-à-dire en faisant le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur.

6. Ce débit maximum étant celui que le canal d'amenée est en mesure de supporter, il correspond à celui qui peut être mesuré en son passage le plus étroit, lequel se situe généralement immédiatement en amont du vannage d'entrée de l'installation. La société Green Energy se borne à se prévaloir du principe selon lequel la consistance de son droit devrait être établie sur la base du débit mesuré au niveau de la prise d'eau du canal d'amenée, sans justifier qu'il s'agit en l'espèce de la section la plus limitante de ce canal d'amenée. En conséquence, elle n'établit pas que le débit qu'elle propose devait être retenu sans que des investigations techniques supplémentaires soient nécessaires.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Green Energy Company n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a ordonné, avant dire droit, la réalisation d'une expertise.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Green Energy Company.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Green Energy Company est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Green Energy Company et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY00157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00157
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

27-04 Eaux. - Énergie hydraulique (voir : Energie).


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : REMY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-27;22ly00157 ?
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