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19/10/2023 | FRANCE | N°22LY03699

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 19 octobre 2023, 22LY03699


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 30 janvier 2020 par laquelle le conseil académique de l'université Clermont-Auvergne a émis un avis défavorable à sa mutation sur le poste de maître de conférences n° 0614, la décision du 3 février 2020 prise en conséquence par le président de l'université Clermont-Auvergne et la décision de ce dernier portant rejet de son recours gracieux ainsi que, en tant que besoin, les délibérations prises par le

comité de sélection, le conseil académique et le conseil d'administration appelé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 30 janvier 2020 par laquelle le conseil académique de l'université Clermont-Auvergne a émis un avis défavorable à sa mutation sur le poste de maître de conférences n° 0614, la décision du 3 février 2020 prise en conséquence par le président de l'université Clermont-Auvergne et la décision de ce dernier portant rejet de son recours gracieux ainsi que, en tant que besoin, les délibérations prises par le comité de sélection, le conseil académique et le conseil d'administration appelés à se prononcer sur le concours de recrutement.

Par un jugement n°2001203 du 10 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 décembre 2022 et 17 février 2023, Mme B..., représentée par Me Herin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées ;

2°) d'enjoindre au président de l'université Clermont-Auvergne de reprendre la procédure de mutation et le cas échéant de reprendre le recrutement en application de l'article 9-3 et 9-2 du décret du 6 juin 1984 ;

3°) de mettre à la charge de l'université Clermont-Auvergne une somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, le tribunal ayant omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence du président du conseil académique pour décider seul, de la mise en œuvre d'une expertise supplémentaire ainsi que des personnalités amenées à évaluer la candidature dans le cadre de cette expertise ; il a omis de statuer sur le moyen tiré de la rupture d'égalité en raison de l'existence de cette expertise supplémentaire ;

- le tribunal ne pouvait écarter, sans l'examiner au fond, le grief tenant à la nécessité pour le conseil académique de statuer sur les critères de la mutation prioritaire, tels que définis à l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, considérant la nécessité d'une seconde saisine de cette instance collégiale, en cas d'avis défavorable à la mutation prioritaire, dans les termes de l'article 9-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié ;

- sur le fond du litige, le président du conseil académique ne peut décider seul de la mise en œuvre d'une expertise supplémentaire ;

- le conseil académique a entaché la délibération en litige d'une incompétence négative ; il ne pouvait pas se prononcer sur l'adéquation du dossier du candidat à la mutation au profil du poste à pourvoir ;

- l'avis du conseil académique est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il a été pris en méconnaissance du principe de transparence et constitue une rupture d'égalité ;

- le conseil académique s'est estimé lié par les résultats des expertises diligentées ;

- il a commis une erreur de droit en se référant aux termes des deux rapports d'expertise qui portent une appréciation des mérites scientifiques de sa candidature ; il méconnaît les dispositions de l'article 9-3 du décret n° 84-431 ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- les opérations de recrutement mises en œuvre après le refus initial de mutation sont entachées d'illégalités par voie de conséquence de l'illégalité de la délibération défavorable du 20 janvier 2021, l'université ne justifie pas du respect des règles de composition et de saisine du comité de sélection, du conseil académique et du conseil d'administration.

Par un mémoire enregistré le 30 janvier 2023, l'université de Clermont-Ferrand, représentée par Me Gardien, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gardien, pour l'université Clermont-Auvergne ;

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une demande de mutation pour rapprochement de conjoints selon la procédure dérogatoire prévue à l'article 9-3 du décret du 6 juin 1984, Mme B..., maître de conférences à l'université de Bourgogne, a présenté sa candidature sur un poste de maître de conférences en biologie des organismes et biologie des populations et écologie ouvert au recrutement à l'université Clermont-Auvergne. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 10 novembre 2022 qui a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 30 janvier 2020 par laquelle le conseil académique de l'université Clermont-Auvergne a émis un avis défavorable à sa mutation sur ce poste, la décision du président de l'université Clermont-Auvergne du 3 février 2020 prise en conséquence de cet avis et la décision par laquelle ce dernier a rejeté son recours gracieux ainsi que, en tant que besoin, des délibérations prises par le comité de sélection, le conseil académique et le conseil d'administration appelés à se prononcer sur le concours de recrutement.

Sur la régularité :

2. Contrairement à ce que soutient Mme B..., les premiers juges ont répondu aux moyens tirés de l'incompétence du président du conseil académique pour prendre un avis auprès d'experts extérieurs et d'une rupture d'égalité à l'égard des autres candidats.

3. Si elle reproche également l'absence de réponse sur le fond au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, le tribunal, qui a jugé que l'intéressée ne pouvait utilement se prévaloir de cette disposition, a statué dessus.

4. Aucun des moyens invoqués à cet égard par l'intéressée n'est donc fondé.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne la délibération du 30 janvier 2020 ainsi que les décisions du président de l'université Clermont-Auvergne du 3 février 2020 et de rejet du recours gracieux de Mme B... :

5. Aux termes de l'article 9-3 du décret du 6 juin 1984 portant statut particulier des enseignants-chercheurs : " Par dérogation à l'article 9-2, le conseil académique ou l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1, en formation restreinte, examine les candidatures à la mutation et au détachement des personnes qui remplissent les conditions prévues aux articles 60 et 62 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, sans examen par le comité de sélection. Si le conseil académique retient une candidature, il transmet le nom du candidat sélectionné au conseil d'administration. Lorsque l'examen de la candidature ainsi transmise conduit le conseil d'administration à émettre un avis favorable sur cette candidature, le nom du candidat retenu est communiqué au ministre chargé de l'enseignement supérieur. L'avis défavorable du conseil d'administration est motivé. / Lorsque la procédure prévue au premier alinéa n'a pas permis de communiquer un nom au ministre chargé de l'enseignement supérieur, les candidatures qui n'ont pas été retenues par le conseil académique ou qui ont fait l'objet d'un avis défavorable du conseil d'administration sont examinées avec les autres candidatures par le comité de sélection selon la procédure prévue à l'article 9-2 ".

6. La requérante soutient que le conseil académique a refusé d'examiner les éléments de son dossier de candidature à la mutation, en particulier les critères tenant à sa situation personnelle tels que notamment prévus à l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État. Toutefois, le conseil académique, qui devait apprécier l'adéquation de la candidature au profil du poste ainsi qu'à la stratégie de l'établissement, n'avait pas à prendre en compte ces critères dans l'examen de sa candidature. Le moyen doit être écarté comme inopérant.

7. Si elle n'est pas prévue par l'article 9-3 du décret du 6 juin 1984, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'interdisait que le président du conseil académique procède à la consultation d'experts extérieurs pour porter une appréciation scientifique sur la candidature de la requérante ou que seul le conseil académique, en tant qu'organe collégial, pouvait décider d'y recourir. Aucun vice de procédure ne saurait être retenu à cet égard.

8. Ni les dispositions de l'article 9-3 du décret du 6 juin 1984 ni aucun autre texte ou principe n'imposent que, dans le cadre de l'examen d'une candidature à la mutation, notamment lorsque cet examen se déroule avec le concours d'experts extérieurs, le candidat doit être informé de la saisine de tels experts, et des éléments portés à leur connaissance et qu'il doit être invité, le cas échéant, à présenter des observations. Par suite, et alors que les experts ont été consultés uniquement pour émettre un avis sur l'adéquation de son profil avec le poste sollicité, le moyen tiré d'une méconnaissance de la procédure contradictoire ne peut qu'être écarté.

9. Il y a lieu d'écarter pour les mêmes motifs que les premiers juges le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis du conseil académique.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des mentions de l'avis contesté, que le conseil académique se serait estimé en situation de compétence liée par les résultats des expertises diligentées.

11. Il apparaît que, dans le cadre de l'appréciation à laquelle il s'est livré pour apprécier l'adéquation de la candidature de Mme B... au profil du poste, le conseil académique a pu, sans s'estimer lié, se fonder sur les deux avis rendus par les experts extérieurs. Par suite, et alors même qu'aucune analyse comparée de son dossier de candidature avec les orientations stratégiques de l'établissement n'a été réalisée, aucune erreur de droit ne saurait être ici relevée.

12. Si Mme B... invoque une " rupture d'égalité ", rien ne permet de dire qu'elle aurait fait l'objet d'un traitement différent de celui réservé aux autres candidats alors que, au demeurant, elle était la seule enseignante en recrutement prioritaire sur la session contestée.

13. Il appartient au conseil académique, lorsqu'il examine les candidatures à la mutation et au détachement des personnes qui remplissent les conditions prévues aux articles 60 et 62 de la loi du 11 janvier 1984, de procéder à une appréciation individuelle de l'adéquation de chaque candidature au profil du poste offert à la mutation puis, lorsqu'il constate une telle adéquation, de transmettre au conseil d'administration le nom de chacun des candidats ainsi sélectionnés, sans pouvoir légalement refuser une telle transmission au motif que plusieurs candidatures seraient en adéquation avec le profil du poste. En l'espèce l'université recherchait une personne maîtrisant la partie zoologique / biologie animale en enseignement mais également en recherche pour le poste de maître de conférences en biologie des organismes et biologie des populations et écologie. Le profil de ce poste précisait ainsi que " le candidat enseignera la biologie animale et l'écologie en licence et master et qu'en recherche, il travaillera sur les interactions trophiques en milieux aquatiques ". " Le(a) maître de conférence assurera ses enseignements en cours, travaux pratiques et dirigés dans les disciplines de la biologie des organismes et de l'écologie et plus précisément participera aux différents modules d'écologie de la prochaine licence Sciences de la Vie. Il prendra en charge une partie des enseignements de travaux pratiques de biologie animale en première, deuxième et troisième année et interviendra dans le nouveau master Gestion de l'environnement, parcours fonctionnement et restauration des milieux aquatiques continentaux, et se verra confié en première et deuxième année des enseignements d'écologie aquatique prenant en compte des aspects aussi bien appliqués (professionnalisant) que théoriques (recherche) dans les modules spécifiques de ce parcours ". " Enfin, il serait apprécié que la personne recrutée ait des connaissances en bio-informatique (phylogénie) afin de pouvoir intervenir dans cette discipline ". Il apparaît, d'après notamment l'expertise diligentée par le conseil académique, que Mme B... avait fait une thèse sur les champignons puis s'était spécialisée en botanique en enseignement et en recherche, que ses compétences portaient principalement sur les communautés aquatiques fongiques, dans une approche d'écologie évolutive et non sur des problématiques d'écologie fonctionnelle, et que sa thématique de recherche actuelle était davantage axée sur l'écologie végétale terrestre. Si elle soutient qu'elle a consacré sa recherche tout à la fois à l'écologie aquatique dans le cadre de sa thèse mais également à l'écologie des plantes, ses travaux portant en particulier sur l'analyse des interactions trophiques entre plantes, micro-organismes et insectes au sein d'une équipe scientifique, les pièces du dossier ne permettent pas de l'établir. Ainsi c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le conseil académique a pu constater que son profil n'était pas en adéquation avec le poste offert à la mutation.

14. En l'absence d'illégalité de la délibération du conseil académique du 20 janvier 2020, les opérations de recrutement mises en œuvre après le refus initial de mutation ne sauraient être annulées.

En ce qui concerne les délibérations prises par le comité de sélection, le conseil académique et le conseil d'administration :

15. Le moyen tiré de ce que l'université ne justifie pas du respect des règles de composition et de saisine du comité de sélection, du conseil académique et du conseil d'administration qui n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme à l'université Clermont-Auvergne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Clermont-Auvergne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au président de l'université Clermont-Auvergne.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY03699 2

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03699
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-05-01 Enseignement et recherche. - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. - Enseignement supérieur et grandes écoles. - Universités.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : HERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;22ly03699 ?
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