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09/11/2023 | FRANCE | N°23LY00758

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 23LY00758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2007271 du 24 novembre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, Mme B..., représen

tée par Me Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 aoû...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2007271 du 24 novembre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, Mme B..., représentée par Me Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 ;

3°) d'enjoindre préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen complet et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnait le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfants ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité congolaise (République du Congo), née le 26 mai 1994, est entrée en France le 9 septembre 2019, selon ses déclarations. Le 31 mai 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 novembre 2021. Par un arrêté du 31 août 2022, fondé sur le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Mme B... relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, énoncé dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 3 de sa décision.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les services de la préfecture ont refusé d'enregistrer la demande d'autorisation provisoire de séjour que Mme B... a déposée en octobre 2021 à raison de l'état de santé de son fils mineur, au motif que la situation médicale de cet enfant n'était pas méconnue lors du dépôt de sa demande d'asile le 30 octobre 2019 et qu'elle avait été informée, par la remise de la notice d'information relative aux possibilités de demander un titre de séjour dès le début de l'examen par la France d'une demande d'asile, en application de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du délai qui lui était imparti pour déposer une demande d'admission au séjour. Cette circonstance ne saurait, à elle seule, caractériser une méconnaissance, par le préfet du Rhône, du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, et ce alors que Mme B... ne soutient pas qu'elle n'aurait pas été informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement à l'issue de sa procédure de demande d'asile et mise à même de présenter des observations.

4. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier, que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la situation D... avant de l'obliger à quitter le territoire français. A cet égard, le refus d'enregistrement mentionné au point 3 ci-dessus ne saurait, en lui-même, caractériser l'absence de prise en compte, par le préfet, de la situation de l'enfant de l'intéressée.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme B... réside en France depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée, avec son fils mineur. Elle ne justifie d'aucune attache personnelle ou familiale sur le territoire national, ni d'aucune intégration socio-professionnelle. Si elle fait état de risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'en justifie pas, alors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté la demande d'asile qu'elle a présentée à ce titre, après avoir estimé que si elle a subi des violences, médicalement constatées, rien ne permettait de les relier aux évènements présentés comme ayant justifié son départ de la République du Congo. Les pièces médicales produites au dossier la concernant, à savoir un certificat médical du 5 octobre 2021 concluant à un état dépressif sévère en lien avec un syndrome de stress post-traumatique nécessitant un suivi et une attestation de prise en charge par une psychologue datée du 28 septembre 2021, ne permettent pas d'établir que son état de santé nécessiterait son maintien sur le territoire national. Il en va de même s'agissant de son fils, dont la gravité de l'état de santé n'est démontrée ni par le certificat médical du 21 septembre 2009, qui fait état de " céphalées chroniques en cours d'exploration ", ni par celui du 3 novembre 2021, qui se borne à lister les consultations de celui-ci. Il n'est, dès lors, fait état d'aucun obstacle avéré à la poursuite de la vie familiale D... et de son fils hors C.... Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France D..., le préfet du Rhône, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus que l'état de santé du fils mineur D... ne nécessite pas son maintien en France et que la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de le séparer de sa mère, dès lors que la cellule familiale pourra se reconstituer hors C.... Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations précitées doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 10 de sa décision.

10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de celle fixant le pays de destination.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "

12. Si Mme B... fait valoir qu'elle serait exposée à des risques en cas de retour en République du Congo, en raison de ses liens avec un avocat assurant la défense d'opposants politiques, elle ne démontre pas la réalité et le caractère actuel de ces risques, et ce alors que tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile, devant lesquels elle s'est prévalu des mêmes faits, ont estimé qu'ils n'étaient pas établis. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que la gravité invoquée de l'état de santé de son fils mineur n'est pas établie, de telle sorte qu'un retour en République du Congo ne saurait l'exposer à un risque pour son intégrité physique. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de renvoi sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00758
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-09;23ly00758 ?
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