La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2024 | FRANCE | N°22LY02992

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 01 février 2024, 22LY02992


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2203108 du 12 juillet 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 12 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Lantheaume, demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2203108 du 12 juillet 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Lantheaume, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 28 janvier 2022 du préfet de l'Ardèche ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal, qui n'a pas répondu de façon suffisamment précise au moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et s'est borné à lister les éléments relatifs à son insertion sociale et professionnelle, n'a pas suffisamment motivé le jugement ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- les décisions accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire.

La requête de M. A... a été communiquée au préfet de l'Ardèche qui n'a pas présenté d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- et les observations de Me Chinouf, substituant Me Lantheaume, pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant comorien né le 3 mai 1994, a résidé à Mayotte de 2004 à 2014, avant d'arriver en métropole le 22 octobre2014 muni d'un visa de long séjour en vue de poursuivre des études. Il a obtenu un titre de séjour en qualité de visiteur valable du 30 janvier 2017 au 29 janvier 2018. Sa demande de renouvellement de titre de séjour a été classée sans suite. Il a demandé en février 2021 au préfet de l'Ardèche de régulariser sa situation au titre de ses attaches personnelles et familiales en France ainsi qu'au titre du travail. Par un arrêté du 31 mai 2021, qui a été annulé par jugement du 9 décembre 2021, le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire. Par un nouvel arrêté du 28 janvier 2022, le préfet a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal a répondu de façon suffisamment circonstanciée aux points 4 et 11 du jugement aux moyens tirés de ce que le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande de régularisation au titre du travail et de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le jugement ne serait pas suffisamment motivé sur ces deux points doit être écarté.

Sur le refus de séjour :

3. En premier lieu, pour les motifs exposés par le tribunal aux points 3 et 4 du jugement qu'il y a lieu d'adopter, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait insuffisamment motivé doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de régulariser la situation de M. A... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre du travail, le préfet de l'Ardèche a indiqué que l'intéressé se prévalait d'une demande d'autorisation de travail pour un emploi en contrat à durée déterminée (CDD) auprès de l'association Activ'Emploi sur un poste d'ouvrier polyvalent " espaces verts ", puis a exposé de façon exhaustive le parcours étudiant et professionnel de l'intéressé en France, pour en conclure que M. A... ne justifiait pas de motifs exceptionnels d'admission au séjour. Le préfet, qui a ainsi examiné si la qualification, l'expérience et les diplômes de M. A... ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule pouvaient constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour, a procédé à un examen réel et sérieux de sa situation. Si celui-ci lui avait fait parvenir un courrier, daté du 7 janvier 2022, dans lequel il faisait état, outre de son parcours depuis son arrivée en France métropolitaine et de sa volonté d'y demeurer, de ce que l'association Activ'Emploi allait lui proposer un contrat à durée indéterminée et qu'il l'en informerait en temps voulu, le préfet n'était pas tenu de surseoir à statuer sur la demande de M. A... dans l'attente éventuelle de la transmission d'un tel contrat ni de viser ces éléments dans sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation doit être écarté.

5. En troisième lieu, M. A... reprend en appel les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Malgré les éléments mis en avant par M. A... en appel sur son intégration sociale et professionnelle, il y a lieu, d'écarter ces moyens par adoption des motifs du tribunal.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

7. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. Outre sa durée de présence en France, M. A... s'est prévalu, pour justifier d'une régularisation de sa situation au titre du travail, d'une promesse d'embauche en CDD en qualité d'ouvrier polyvalent " espaces verts " au sein de l'association Active Emploi. Il ressort des pièces du dossier qu'après l'obtention d'un baccalauréat littéraire à Mayotte, il a entamé des études supérieures en sociologie à l'université de Saint-Etienne, études qu'il a été contraint d'arrêter rapidement. Une attestation de la mission locale Nord Ardèche indique qu'il a suivi trois stages de formation aux métiers du bâtiment, aux métiers des espaces verts et au métier de CPE entre le 2 février 2015 et le 17 juillet 2015 et un stage de deux semaines en tant qu'agent polyvalent au Lazer game de Davézieux. A compter du 1er mai 2017, il a bénéficié d'un contrat unique d'insertion à temps partiel d'un an en tant que salarié " entretien de la nature " au Parc naturel régional du Pilat. Il a produit deux bulletins de salaire au titre d'un emploi simplifié agricole en juillet 2018 pour un revenu total de 431 euros. Enfin, il a signé un contrat d'insertion à temps partiel de six mois à partir du 21 août 2018 chez Active Emploi en qualité d'ouvrier polyvalent qui a pris fin de façon anticipée en raison de sa situation administrative. Si M. A... justifie ainsi d'une expérience dans le domaine d'activité dans lequel il postule, le préfet de l'Ardèche a pu, eu égard au caractère relativement court de l'ensemble des expériences accumulées dans le domaine de l'entretien des espaces verts, estimer que les éléments dont il se prévalait ne constituaient pas des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rejeter sa demande de titre de séjour en qualité de salarié présentée sur ce fondement sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur les autres décisions :

9. Compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de ce que les décisions accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de renvoi devraient être annulées par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02992

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02992
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly02992 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award