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15/01/2004 | FRANCE | N°99MA02435

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 15 janvier 2004, 99MA02435


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 31 décembre 1999, sous le n°' 99MA02435, présentée pour M. Jean-Gabriel X, détenu au centre pénitentiaire de Lannemezan, rue des Saligues, BP 166, à Lannemezan (65307), par Me LARREA, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n°98-4891, en date du 27 octobre 1999, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision, en date du 2 octobre 1998, par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Perpign

an a décidé de sa mise à l'isolement,

2°/ d'annuler la décision, en date d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 31 décembre 1999, sous le n°' 99MA02435, présentée pour M. Jean-Gabriel X, détenu au centre pénitentiaire de Lannemezan, rue des Saligues, BP 166, à Lannemezan (65307), par Me LARREA, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n°98-4891, en date du 27 octobre 1999, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision, en date du 2 octobre 1998, par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Perpignan a décidé de sa mise à l'isolement,

2°/ d'annuler la décision, en date du 2 octobre 1998, par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Perpignan a décidé de sa mise à l'isolement ;

Classement CNIJ : 54.01.01.02.03

C+

3°/ de condamner l'Etat à lui payer la comme de 5.000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient que la décision attaquée fait référence aux articles D.170 et D.171 du code de procédure pénale qui ont été supprimés par le pouvoir exécutif en 1996 ; qu'elle porte atteinte aux droits de détenus ; qu'il n'a pas été tenu compte de ses observations ; qu'une procédure disciplinaire aurait dû être mise en place ; que les droits de la défense ont été bafoués ; que la décision attaquée a conduit à une limitation de la réduction de peine dont il aurait pu bénéficier à un mois ; qu'il y a eu détournement de procédure ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2000, présenté par le garde des Sceaux, ministre de la justice, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la mise à l'isolement ne met pas un terme à l'exercice de la plénitude des droits fondamentaux des prisonniers ; qu'elle est sans incidence sur la réduction de peine ; qu'il s'agit d'une mesure d'ordre intérieur ; qu'il n'y a pas eu de détournement de procédure dès lors que la mesure était motivée par des raisons de sécurité ; que le rapport établi le 30 septembre 1998 est distinct de cette procédure ; que ce n'est que dans l'exercice de son pouvoir souverain que le juge de l'application des peines a limité la réduction de peine accordée à M. X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 décembre 2003 :

- le rapport de Mme FEDI, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que par jugement, en date du 27 octobre 1999, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête présentée par M. X tendant à l'annulation de la décision, en date du 2 octobre 1998, par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Perpignan a décidé de sa mise à l'isolement ; que M. X interjette appel de ce jugement ; que le garde des Sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête ;

Sur la recevabilité de la requête de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article. D. 283-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à l'espèce : Tout détenu se trouvant dans un établissement ou quartier en commun peut soit sur sa demande, soit par mesure de précaution ou de sécurité, être placé à l'isolement. La mise à l'isolement est ordonnée par le chef de l'établissement qui rend compte à bref délai au directeur régional et au juge de l'application des peines. Le chef de l'établissement fait en outre rapport à la commission de l'application des peines dès la première réunion suivant la mise à l'isolement ou le refus opposé à la demande d'isolement du détenu. Le détenu peut faire parvenir au juge de l'application des peines soit directement, soit par l'intermédiaire de son conseil, toutes observations utiles en ce qui concerne la décision prise à son égard. Les détenus placés à l'isolement sont signalés au médecin qui les visite dans les conditions prévues à l'article D. 375. Le médecin émet, chaque fois qu'il l'estime utile, un avis sur l'opportunité de prolonger l'isolement ou d'y mettre fin. La durée de l'isolement ne peut être prolongée au-delà de trois mois sans qu'un nouveau rapport ait été fait devant la commission de l'application des peines et sans une décision du directeur régional, prononcée après avis du médecin ;

Considérant qu'il ressort des dispositions ci-dessus et des pièces du dossier que la mise à l'isolement, par sa nature même, prive la personne qui en fait l'objet de l'accès à celles des activités sportives, culturelles, d'enseignement, de formation et de travail rémunéré qui sont proposées de façon collective aux autres détenus ; qu'une telle mesure peut être prononcée pour une durée qui peut atteindre trois mois et être prolongée ; que, dans ces conditions, et alors même que l'article D.283-2 du code de procédure pénale dispose que la mise à l'isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire. Les détenus qui en font l'objet sont soumis au régime ordinaire de détention, le placement à l'isolement d'un détenu contre son gré constitue, eu égard à l'importance de ses effets sur les conditions de détention, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que dès lors, il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur le fait qu'une mise à l'isolement était une mesure ne pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir pour rejeter la requête pour irrecevabilité ; qu'ainsi le jugement en date du 27 octobre 1999 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des écritures de M. X ;

Considérant que la mise à l'isolement décidée le 2 octobre 1998 par le directeur pénitentiaire de Perpignan à l'encontre de M. X est motivée par les risques de troubles dans l'établissement liés à son action vindicative à l'égard de l'administration pénitentaire dans laquelle il tentait d'entraîner d'autres détenus ; que, dans les circonstances où elle est intervenue, elle doit être regardée comme prononcée en considération de la personne de M. X ; que cette mesure a été prononcée sans que l'appelant ait été mis à même de demander la communication de son dossier et ait disposé d'un délai suffisant pour présenter sa défense ; qu'il n'est pas allégué que l'urgence imposait qu'il ne fut pas procédé à cette formalité ; que la décision, en date du 2 octobre 1998, a donc été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision, en date du 2 octobre 1998, doit être annulée ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme 750 euros aux titres des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 27 octobre 1999 et la décision du directeur du centre pénitentiaire de Perpignan en date du 2 octobre 1998 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 750 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au garde des Sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de l'audience du 22 décembre 2003, où siégeaient :

M. LAFFET, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R.222-26 du code de justice administrative de chambre,

M. CHERRIER et Mme FEDI, premiers conseillers,

assistés de Mme GUMBAU, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 15 janvier 2004.

Le président, Le rapporteur,

Bernard LAFFET Cécile FEDI

Le greffier,

Lucie GUMBAU

La République mande et ordonne au Garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N°''''''''''


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA02435
Date de la décision : 15/01/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAFFET
Rapporteur ?: Mme FEDI
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : LARREA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-01-15;99ma02435 ?
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