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04/07/2006 | FRANCE | N°06MA00930

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 04 juillet 2006, 06MA00930


Vu la requête enregistrée le 30 mars 2003, présentée pour M. Kamel X élisant domicile ..., par Me Dalançon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0601219 en date du 28 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 février 2006 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et fixé l'Algérie comme pays de destination et de l'arrêté du même jour le plaçant en rétention administrat

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2°) d'annuler lesdits arrêtés, ou, tout au moins, suspendre l'exécution de ces acte...

Vu la requête enregistrée le 30 mars 2003, présentée pour M. Kamel X élisant domicile ..., par Me Dalançon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0601219 en date du 28 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 février 2006 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et fixé l'Algérie comme pays de destination et de l'arrêté du même jour le plaçant en rétention administrative ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés, ou, tout au moins, suspendre l'exécution de ces actes ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 27 décembre 2004 par laquelle le président de la Cour a notamment délégué M. François Bourrachot, président, pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2006 :

- le rapport de M. Bourrachot, président rapporteur ;

- les observations de Me Clerc, substituant Me Dalancon ;

- et les conclusions de Mme Fernandez, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 17 du code de la nationalité française dont les dispositions ont été reprises à l'article 18 du code civil : Est français l'enfant, légitime ou naturel, dont l'un des parents au moins est français. ; qu'aux termes des dispositions de l'article 29 du code de la nationalité française dont les dispositions ont été reprises à l'article 20-1 du code civil : La filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité. ; qu'aux termes des dispositions de l'article 95 du code de la nationalité française dont les dispositions ont été reprises à l'article 23-6 du code civil : La perte de la nationalité française peut être constatée par jugement lorsque l'intéressé, français d'origine par filiation, n'en a point la possession d'état et n'a jamais eu sa résidence habituelle en France, si les ascendants, dont il tenait la nationalité française, n'ont eux-mêmes ni possession d'état de Français, ni résidence en France depuis un demi-siècle. Le jugement détermine la date à laquelle la nationalité française a été perdue. Il peut décider que cette nationalité avait été perdue par les auteurs de l'intéressé et que ce dernier n'a jamais été français ; qu'aux termes des dispositions de l'article 144 du code de la nationalité française dont les dispositions ont été reprises à l'article 30-3 du code civil : Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, ou les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français. Le tribunal devra dans ce cas constater la perte de la nationalité française, dans les termes de l'article 95. ; qu'aux termes de l'article 29 du code civil : La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou

judiciaire (...) ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande au Tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation des arrêtés en date du 24 février 2006 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et l'a placé en rétention administrative, M. X soutenait qu'il possédait la nationalité française par filiation et produisait deux jugements de 1939 rédigés dans les formes requises admettant à la qualité de citoyens français de statut civil de droit commun son arrière grand-père et son grand-père en application des dispositions de la loi du

4 juillet ; qu'il soutenait en outre qu'en vertu de l'article 1er de l'ordonnance n°62-825 du

21 juillet 1962, bien que domiciliés en Algérie à l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination, ils ont conservé la nationalité française de plein droit et que sa mère a, de son côté, effectué une demande de nationalité française ; que le préfet ne fait état d'aucun jugement faisant application des dispositions précitées du code de la nationalité française et constatant la perte de la nationalité française ; qu'eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, il y a lieu pour le Cour administrative d'appel de Marseille de surseoir à statuer sur la requête de M. X jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêté en date du 18 février 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de :

Considérant qu'aux termes de l'article L.512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou dans les sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif. Le président ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine (…) ; que selon les dispositions de l'article L.512-3 du code précité : (…) Cet arrêté ne peut être exécuté avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou de sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale ou, si le président du tribunal administratif ou son délégué est saisi, avant qu'il n'ait statué (…) ; qu'aux termes de l'article L.512-5 : Le jugement du président du tribunal administratif ou de son délégué est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat délégué par lui. Cet appel n'est pas suspensif. A compter d'une date fixée par décret en Conseil d'Etat, cet appel sera interjeté, dans les mêmes condition, devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente (…) ; que l'article 7 du décret n°2004-789 du 29 juillet 2004, paru au Journal officiel du 3 août 2004 a fixé cette date au 1er janvier 2005 ;

Considérant que, par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité d'un arrêté préfectoral décidant la reconduite à la frontière d'un étranger ; que cette procédure se caractérise notamment par le fait que l'arrêté ne peut pas être mis à exécution pendant le délai du recours contentieux ouvert à son encontre et qu'une demande présentée devant le président du tribunal administratif et tendant à l'annulation de cet arrêté a un effet suspensif jusqu'à ce qu'il ait été statué sur elle ; qu'ainsi, un arrêté de reconduite à la frontière n'est pas justiciable, devant le juge des référés du tribunal administratif, de la procédure institué par les dispositions de l'article L.521-1 du code de justice administrative ; qu'après avoir expressément rappelé que, conformément à une règle générale de procédure contentieuse applicable en l'absence de texte contraire, l'appel formé contre le jugement rendu par le président du tribunal administratif ou son délégué n'est pas suspensif, le législateur, en limitant à un mois la durée du délai d'appel et en spécifiant que l'appel doit être présenté devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un membre de cette cour désigné par lui, a entendu prévoir qu'il est statué sur cet appel dans de brefs délais ; que, par suite, eu égard aux caractéristiques particulières de la procédure ainsi définie, l'étranger qui fait appel du jugement rejetant sa demande en annulation de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière n'est pas recevable à demander au juge des référés de la cour administrative d'appel, sur le fondement des dispositions de l'article L.521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté ; qu'il lui est loisible, au demeurant, de demander à la cour administrative d'appel d'ordonner le sursis à l'exécution dudit jugement en application des dispositions de l'article R.811-17 du même code ;

Considérant que la demande de sursis à exécution des arrêtés de reconduite à la frontière et de placement en rétention administrative du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 24 février 2006, présentée par M. X doit être analysée comme étant une demande de sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Marseille précité en date du 28 février 2006 ; qu'il convient, dès lors, de requalifier ladite demande telle que précisé ci-dessus ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.811-14 du code de justice administrative : Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel ; qu'en vertu de l'article R.811 ;17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel peut, à la demande du requérant, être ordonné par la juridiction d'appel si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ;

Considérant que la dévolution de compétence au magistrat délégué pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière vaut également pour le jugement des conclusions aux fins de sursis à exécution d'un jugement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au Tribunal administratif de Marseille que M. X avait versé divers documents concernant sa filiation ainsi que la demande d'accession à la qualité de citoyens français de son arrière grand-père et de son grand-père ; que sa mère a, de son côté, effectué une demande de nationalité française ; qu'ainsi, le requérant est fondé à soutenir qu'en s'abstenant de relever d'office le moyen tiré de ce qu'il était lui-même Français par filiation, ledit tribunal avait commis une erreur de droit en omettant de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;

Considérant que l'exécution de l'arrêté en date du 14 février 2006 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé la reconduite à la frontière de M. X, rendue possible par l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Marseille du 28 février 2006, implique la menace pour M. X d'être reconduit à la frontière alors qu'un doute sérieux existe quant à la possession de la nationalité française par ce dernier ; que cette reconduite à la frontière aurait, par elle-même, des conséquences difficilement réparables pour l'intéressé ; qu'en conséquence le requérant est fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Marseille du 28 février 2006 ;

D E C I D E :

Article 1 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. X dirigée contre les arrêtés en date du 24 février 2006 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et l'a placé en rétention administrative jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si le requérant possède la nationalité française.

Article 2 : M. X devra justifier, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de sa diligence à saisir de cette question la juridiction compétente.

Article 3 : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête de M. X tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Marseille du 28 février 2006, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Kamel X, au préfet des

Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera adressée à Me Dalançon.

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N°0600930


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 06MA00930
Date de la décision : 04/07/2006
Sens de l'arrêt : Sursis à exécution accordé
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: Mme FERNANDEZ
Avocat(s) : DALANCON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-07-04;06ma00930 ?
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