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13/04/2010 | FRANCE | N°08MA03375

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 13 avril 2010, 08MA03375


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 17 juillet 2008 sous le n° 08MA03375, présentée pour Mme Tatiana A, demeurant ...), par Me Berteigne, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605213 du 22 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard en date du 20 mars 2006 portant refus de séjour et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler lesdits arrêté et décision ;

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) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexami...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 17 juillet 2008 sous le n° 08MA03375, présentée pour Mme Tatiana A, demeurant ...), par Me Berteigne, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605213 du 22 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard en date du 20 mars 2006 portant refus de séjour et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler lesdits arrêté et décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le nouveau code de procédure civile ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2010 :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, rapporteur,

- les conclusions de Mlle Josset, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, de nationalité russe, relève appel du jugement en date du 22 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du préfet du Gard en date du 20 mars 2006 portant refus de séjour et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Gard :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ; qu'aux termes de l'article R. 421-2 du même code : Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 20 mars 2006 a été notifié le jour même à Mme A et que cette notification comportait la mention des voies et délais de recours ; que Mme A a formé à l'encontre de l'arrêté du 20 mars 2006 un recours gracieux reçu par les services de la préfecture du Gard le 15 mai 2006, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le préfet du Gard sur ce recours gracieux au terme du délai fixé par les dispositions précitées, le 15 juillet 2006 ; que Mme A disposait d'un délai franc de deux mois à compter de cette date ; que toutefois, par application de l'article 642 du nouveau code de procédure civile, lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu d'admettre la recevabilité de la requête présentée le premier jour ouvrable suivant ; que le 16 septembre 2006 étant un samedi, le recours introduit le premier jour ouvrable suivant, le lundi 18 septembre, était dès lors recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, née le 10 septembre 1975, est entrée régulièrement sur le territoire national sous couvert d'un visa de court séjour valable trente jours portant la mention non professionnel le 25 décembre 2002, soit plus de trois ans avant l'intervention de l'arrêté portant refus de séjour contesté ; qu'elle est mariée depuis le 30 novembre 2002, soit également depuis plus de trois avant l'intervention de l'arrêté du 20 mars 2006, avec M. Vladimir B, de nationalité russe, lequel réside régulièrement en France depuis le 9 juillet 1997 et dispose d'une carte de résident valable dix ans ; que Mme A, si elle ne démontre pas être isolée dans son pays d'origine, établit toutefois le décès de son père en 2003 ; que par ailleurs la demande de regroupement familial formée par M. B le 3 février 2003 au profit de son épouse a été rejetée le 18 août 2003, au double motif de l'insuffisance des ressources du demandeur et de la présence de la requérante sur le territoire national ; que, dans ces conditions, à supposer même la circonstance que l'intéressée pourrait désormais bénéficier du regroupement familial établie, l'arrêté préfectoral et la décision implicite de rejet contestés ont porté, eu égard, en particulier, à la nature des liens familiaux de Mme A sur le territoire français, à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris ; que, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2006 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et à demander l'annulation desdits jugement, arrêté et décision ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ;

Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui annule les décisions préfectorales contestées pour violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique nécessairement que le préfet du Gard délivre à Mme A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Gard de délivrer à Mme A un tel titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 22 mai 2008, l'arrêté du préfet du Gard en date du 20 mars 2006 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme A sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Tatiana A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA03375
Date de la décision : 13/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : BERTEIGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-04-13;08ma03375 ?
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