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08/11/2011 | FRANCE | N°09MA02983

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2011, 09MA02983


Vu I°), sous le n° 09MA02983, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 2 août 2009, présentée pour Mme Régine B épouse A, demeurant ..., par Me Redon, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700604 du 29 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Saint-Cyprien a rejeté sa demande d'indemnisation, d'autre part, à la condamnation de la commune de Saint-Cyprien à lui payer la somme de

520 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamatio...

Vu I°), sous le n° 09MA02983, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 2 août 2009, présentée pour Mme Régine B épouse A, demeurant ..., par Me Redon, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700604 du 29 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Saint-Cyprien a rejeté sa demande d'indemnisation, d'autre part, à la condamnation de la commune de Saint-Cyprien à lui payer la somme de 520 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable, ainsi que de leur capitalisation, et enfin, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert aux fins de préciser l'étendue de son préjudice ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance, en ramenant la condamnation de la commune de Saint-Cyprien au paiement d'une somme de 500 000 euros, assortie des intérêts capitalisés à compter de la date précédemment mentionnée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................

Vu II°), sous le n° 10MA01221, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 mars 2010, présentée pour Mme Régine B épouse A, demeurant ..., par Me Gimondi, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802402 du 22 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mai 2008 par laquelle la commune de Saint-Cyprien a opposé la prescription quadriennale à la créance dont elle se prévalait ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2011 :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de Me Germe de la SCP CGCB, pour la commune de Saint-Cyprien ;

Considérant que les requêtes n° 09MA02983 et 10MA01221 présentées pour Mme A présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que, par une convention du 23 octobre 1987, la commune de Saint-Cyprien a donné en amodiation pour une durée de trente-cinq ans à la SCI Hôtel de Saint-Cyprien Port , devenue ultérieurement SCI Les résidences du port , une parcelle de terre-plein, d'une superficie totale de 11 615 m², située dans l'enceinte du port de plaisance ; que la SCI a notamment fait édifier sur ces terrains des bâtiments à usage d'habitation, exploités sous la forme d'une résidence hôtelière, et à usage commercial ; que, par acte notarié du 20 septembre 1991, Mme A a acquis deux appartements ; que, par jugement du 27 février 2002, devenu définitif, le Tribunal administratif de Montpellier, saisi d'une demande de résiliation de la convention par la commune, après avoir estimé que l'article 4-3 de la convention du 23 octobre 1987, qui stipulait que l'amodiataire est propriétaire des bâtiments construits ou à édifier, et en a la libre jouissance en application de l'article 9 du fascicule n°2 , reconnaissait à l'amodiataire la propriété des installations à construire, et des bâtiments édifiés antérieurement à la signature de l'amodiation, lesquels n'avaient fait l'objet d'aucun déclassement, et méconnaissait ainsi les principes mêmes de la domanialité publique portuaire, a constaté la nullité de l'ensemble de cette convention ; que, par lettre datée du 5 septembre 2005 dont il a été a accusé réception le 7 septembre 2006, le conseil de Mme A a adressé à la commune de Saint-Cyprien une demande d'indemnisation des préjudices que celle-ci estimait avoir subis à raison de la faute commise par cette collectivité, tenant à la conclusion d'une convention d'amodiation entachée de nullité ; que, par jugement du 29 mai 2009, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté, en se fondant sur la prescription quadriennale opposée par décision du maire du 21 mai 2008, la demande de Mme A tendant, à titre principal, à la condamnation de la commune de Saint-Cyprien à lui payer la somme de 520 000 euros ; que, par jugement du 22 janvier 2010, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande par laquelle Mme A sollicitait l'annulation la décision lui opposant la prescription quadriennale ; que Mme A relève appel de ces 2 jugements ;

Sur la prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ; qu'aux termes de l'article 2 de cette loi : La prescription est interrompue par : - Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ; - Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; - Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance. Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d' un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ; qu'en vertu des dispositions de l'article 3 de la même loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir été alerté des agissements de la SCI Les résidences du port , et notamment des déclarations d'intention d'aliéner portant sur des biens situés sur le domaine public, le maire de la commune de Saint-Cyprien lui a adressé le 7 juin 1995 une mise en demeure de respecter ses obligations contractuelles, en lui rappelant les règles de la domanialité publique, notamment l'impossibilité de cession de locaux en pleine propriété ; que cette mise en demeure a ensuite été adressée par la commune, par lettre du 13 juin 1995, à tous les acquéreurs des biens cédés par la société amodiataire, au nombre desquelles figure Mme A ; que, contrairement à ce que soutient Mme A, le contenu de la mise en demeure du 7 juin 1995 était suffisamment précis et circonstancié, pour permettre aux acheteurs des biens cédés d'avoir connaissance du caractère illicite des cessions d'appartements et de commerce effectuées en pleine propriété, en méconnaissance des règles de la domanialité publique, du comportement frauduleux de la société amodiataire et de l'absence d'information de la collectivité des agissements de cette société ; que si, en appel, Mme A fait valoir qu'il n'est pas établi qu'elle a effectivement reçu la lettre du 13 avril 1995, il résulte, en tout état de cause, de la lecture du jugement du Tribunal de grande instance de Perpignan du 14 décembre 1998 que l'intéressée a assigné la SCI amodiataire dès le 12 juillet 1995 devant cette juridiction, afin qu'elle procède à l'annulation des actes de vente des appartements qu'elle avait acquis, ainsi que des prêts correspondants, au motif que ces acquisitions ne portaient que sur un droit de jouissance et non sur un droit de propriété ; qu'à cette date, et à supposer qu'elle n'ait pas eu connaissance de l'existence de sa créance dès la signature du contrat de vente au mois de septembre 1991, Mme A était donc en mesure de connaître la nature, l'étendue et l'origine du dommage dont elle réclame réparation ; que, par conséquent, Mme A n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait apprécié l'importance de son préjudice qu'à la lecture du jugement du 27 février 2002 du Tribunal administratif de Montpellier ayant constaté la nullité de la convention d'amodiation du 23 octobre 1987 ;

Considérant que Mme A fait valoir l'existence de décisions juridictionnelles dans lesquelles la responsabilité de la commune de Saint-Cyprien était mise en en cause ; que, toutefois, il ressort du jugement du Tribunal de grande instance de Perpignan du 14 décembre 1998, de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 26 février 2002, du jugement du Tribunal de grande instance de Perpignan du 14 octobre 2002, ainsi que de l'arrêt du 5 octobre 2004 de la Cour d'appel de Montpellier que les demandes de Mme A devant les juridictions judiciaires n'étaient dirigées qu'à l'encontre de la SCI Les résidences du port et du notaire rédacteur de l'acte acte de vente litigieux, et ne concernaient pas une créance due par la commune de Saint-Cyprien ou une autre collectivité publique ; que, dès lors, il n'existe aucune action contentieuse intentée par Mme A relative au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance alléguée, de nature à interrompre la prescription quadriennale ;

Considérant qu'il suit de ce qui a été dit précédemment que le délai de la prescription quadriennale a commencé à courir le 1er janvier 1996, la prescription étant ainsi acquise à compter du 31 décembre 1999 ; que, par suite, la demande d'indemnisation présentée à la commune de Saint-Cyprien par courrier reçu le 7 septembre 2006 a été effectuée tardivement, alors que le délai de prescription était déjà expiré ; que c'est donc à bon droit que le Tribunal administratif de Montpellier a accueilli l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Saint-Cyprien et refusé d'annuler la décision correspondante du maire ;

Considérant que le délai de prescription de quatre ans des créances sur l'Etat et les collectivités locales prévu par les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 n'a pas pour effet, par lui-même, de porter atteinte aux biens ou au droit de propriété tels qu'ils sont protégés par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance modifiée du 7 novembre 1958 : Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé (...) ; que Mme A doit être regardée comme soutenant Aque les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 instituant la prescription quadriennale porte également atteinte au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à laquelle renvoie le préambule de la Constitution ; que ce moyen est irrecevable dès lors qu'il n'a pas été présenté dans un écrit distinct ;

Considérant que Mme A ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 17 de la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen du 10 décembre 1948, la seule publication faite au Journal officiel du 9 février 1949 du texte de cette déclaration ne permettant pas de ranger cette dernière au nombre des engagements internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés, ont une autorité supérieure à celle de la loi en vertu de l'article 55 de la Constitution ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Saint-Cyprien, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, verse les sommes que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A une somme globale de 1 500 euros au titre des mêmes frais engagés par la commune ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme A sont rejetées.

Article 2 : Mme A versera à la commune de Saint-Cyprien une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Régine B épouse A et à la commune de Saint-Cyprien.

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N° 09MA02983,10MA01221

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA02983
Date de la décision : 08/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-04-02 Comptabilité publique et budget. Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale. Régime de la loi du 31 décembre 1968.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : REDON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-11-08;09ma02983 ?
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