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09/05/2012 | FRANCE | N°10MA00249

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 09 mai 2012, 10MA00249


Vu, enregistrée le 21 janvier 2010, la décision n° 318699 du Conseil d' Etat en date du 15 janvier 2010 annulant, à la demande de la SARL GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE (GSRA), l'arrêt, en date du 22 mai 2008, de la Cour administrative d'appel de Marseille et renvoyant à la Cour l'examen de l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 22 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier avait annulé, à la demande de M. A, la décision du 3 mars 2004 de l'inspecteur du travail des Pyrénées-Orientales accordant l'autorisation de licencier M. A et avait rejeté sa demande

de première instance ;

Vu la requête, enregistrée au greff...

Vu, enregistrée le 21 janvier 2010, la décision n° 318699 du Conseil d' Etat en date du 15 janvier 2010 annulant, à la demande de la SARL GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE (GSRA), l'arrêt, en date du 22 mai 2008, de la Cour administrative d'appel de Marseille et renvoyant à la Cour l'examen de l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 22 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier avait annulé, à la demande de M. A, la décision du 3 mars 2004 de l'inspecteur du travail des Pyrénées-Orientales accordant l'autorisation de licencier M. A et avait rejeté sa demande de première instance ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 septembre 2006, présentée pour la SOCIETE GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE (GSRA), prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est situé ZI la Paine, rue du Castellas, à Montredon aux Corbières (11100), par la SELAFA J. Barthelemy et associés, avocats ;

La SOCIETE GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE (GSRA) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406242 en date du 22 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de M. A, tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2004 par laquelle l'inspecteur du travail des Pyrénées-Orientales lui a accordé l'autorisation de licencier M. A, salarié protégé ;

2°) de rejeter la demande de M. A, présentée devant les premiers juges ;

3°) de condamner M. A à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits et aux relations des citoyens avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2012 :

- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

- et les observations de Me Heymans, de la société d'avocats KPDB pour la SARL GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE ;

Considérant que la SARL GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE (GSRA) relève appel du jugement n° 0406242, en date du 22 juin 2006, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé, sur la demande de M. A, salarié protégé, la décision du 3 mars 2004 par laquelle l'inspecteur du travail des Pyrénées-Orientales lui avait accordé l'autorisation de le licencier, en raison de fautes graves ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sur la légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article 4, alinéa 2, de la loi du 12 avril 2000 susvisée : "Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci" ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'autorisation de licencier M. A a été signée, sans doute possible, par M. Naudan, inspecteur du travail, dont la compétence territoriale au sein du service de l'inspection du travail n'est pas contestée ; qu'aucun doute n'existant sur l'identité et la qualité du signataire de cette décision, la circonstance que son prénom n'apparaisse pas en totalité, mais soit seulement représenté par son initiale, s'est avérée, au cas d'espèce, sans influence sur la légalité de cette décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-4 du code du travail, alors encore applicable : "L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. L'inspecteur du travail statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande motivée prévue à l'article R. 436-3 ; il ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés au troisième alinéa du présent article. La décision de l'inspecteur est motivée. Elle est notifiée à l'employeur et au salarié ainsi que, lorsqu'il s'agit d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, à l'organisation syndicale concernée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception" ; que la décision contestée vise les textes applicables ; qu'elle relate, en préambule, les griefs reprochés à M. A par la société appelante ; que, dans ces circonstances, les faits que l'inspecteur a pris en considération pour justifier l'autorisation de licencier cet agent ne peuvent qu'être ceux mentionnés dans la demande d'autorisation de licenciement, qu'il a d'ailleurs écartés pour partie ; que l'autorisation précitée est ainsi suffisamment motivée ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 425-1 du code du travail dans leur version applicable aux faits du litige, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les disques chronotachygraphes du camion de M. A, chauffeur-routier employé par l'appelante, comportaient des annotations inexactes pour la nuit du 21 au 22 novembre 2003 ; qu'alors même que les fiches hebdomadaires de pointage et les déclarations de frais établies pour le compte de ce salarié, pour les semaines du 20 au 24 octobre 2003 et du 17 au 22 novembre 2003, ne comportaient que des croix et aucune mention manuscrite permettant d'en identifier assurément l'auteur, ces différents éléments concordent à établir, eu égard au remboursement indu de frais qui s'en est suivi, que ces annotations erronées n'étaient pas le fruit d'une erreur, ainsi que l'avait relevé l'inspecteur du travail, et que M. A était seul à y trouver intérêt, compte tenu du bénéfice financier qu'il en a retiré ; que ces faits, au surplus répétés, étaient suffisamment graves pour justifier son licenciement pour faute grave ;

Considérant que si ces faits sont survenus et ont été révélés alors que M. A venait, d'une part, de déclarer sa candidature aux élections des représentants du personnel devant se dérouler en décembre 2003 et, d'autre part, de réclamer un coefficient salarial plus élevé, cette seule concomitance ne traduit pas, compte tenu des circonstances de l'espèce ci-dessus rappelées, l'existence d' un lien de causalité directe entre le licenciement de l'intéressé et l'exercice de son activité syndicale ;

Considérant, enfin, que la situation de l'ensemble des salariés a fait l'objet d'un contrôle de la part de la société appelante, à la demande de l'inspection du travail ; que si la société appelante n'a finalement pas licencié deux collègues de M. A, poursuivis pour des faits équivalents, elle justifie cette décision, sans être sérieusement contestée sur ce point, par l'ancienneté plus grande et le comportement de ces deux salariés, justifiant une individualisation des sanctions ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. A, la décision contestée n'est pas empreinte de discrimination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête de première instance, la SARL GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE (GSRA) est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement susvisé du 22 juin 2006, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision en date du 3 mars 2004 de l'inspecteur du travail des Pyrénées-Orientales, autorisant le licenciement de M. A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par la SARL GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE (GSRA) et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0406242 en date du 22 juin 2006 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : M. A versera à la SARL GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE (GSRA) la somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL GRAND SUD ROUTE ALIMENTAIRE (GSRA), à M. Denis A et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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N° 10MA002492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00249
Date de la décision : 09/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Isabelle HOGEDEZ
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : CABINET JACQUES BARTHELEMY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-09;10ma00249 ?
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