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26/06/2012 | FRANCE | N°11MA00545

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 26 juin 2012, 11MA00545


Vu, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 11MA00545, le 9 février 2011, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) VITEMBAL TARASCON, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis ZAC du Grand Roubian à Tarascon (13150), par la SELARL d'avocats Cornet-Vincent-Segurel ;

La SOCIETE VITEMBAL TARASCON demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703821 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annul

ation de la décision en date du 6 novembre 2006 par laquelle l'inspecteur du tra...

Vu, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 11MA00545, le 9 février 2011, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) VITEMBAL TARASCON, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis ZAC du Grand Roubian à Tarascon (13150), par la SELARL d'avocats Cornet-Vincent-Segurel ;

La SOCIETE VITEMBAL TARASCON demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703821 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 novembre 2006 par laquelle l'inspecteur du travail de la 1ère section des Bouches-du-Rhône a refusé l'autorisation de licenciement de M. A, salarié protégé, ensemble la décision en date du 12 avril 2007 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a confirmé la décision de refus d'autorisation de l'inspecteur du travail ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

..........................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2012 :

- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de Me Decroix du cabinet d'avocats Cornet-Vincent-Segurel pour la SOCIETE VITEMBAL TARASCON ;

Considérant que la SOCIETE VITEMBAL TARASCON, qui exerce une activité de plasturgie, dispose d'un établissement situé à Tarascon ainsi que d'un établissement dénommé " VITEMBAL SOCIETE INDUSTRIELLE ", situé à Remoulins ; que M. A a été embauché le 9 mars 1998 en contrat à durée déterminée, en qualité de conducteur de machines, par la société VITEMBAL INDUSTRIELLE puis a été ensuite recruté, en vertu d'un contrat à durée indéterminée dans l'établissement de la SOCIETE VITEMBAL TARASCON à compter du 2 octobre 2000 et y a exercé la fonction de chef d'équipe, à compter du 31 octobre 2001, l'intéressé encadrant 25 personnes travaillant dans un atelier ; que, le 11 février 2005, M. A a été désigné délégué syndical (Force ouvrière) de l'établissement et de l'unité économique et sociale (UES) VITEMBAL, représentant syndical auprès du comité central d'entreprise de l'UES VITEMBAL, membre élu suppléant du comité d'établissement de VITEMBAL TARASCON, délégué du personnel suppléant de VITEMBAL TARASCON et membre du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de VITEMBAL TARASCON ; que, par un jugement en date du 28 juillet 2005, le Tribunal d'instance de Tarascon, saisi par la SOCIETE VITEMBAL TARASCON, a reconnu l'existence d'une union économique et sociale entre les deux sociétés VITEMBAL INDUSTRIELLE et VITEMBAL TARASCON ; que, le 27 juin 2006, le directeur de l'établissement, accompagné d'un huissier, a surpris M. A, ainsi que trois membres de son équipe, regardant une compétition de football sur un moniteur de surveillance situé dans le bureau des chefs d'équipe, ce matériel ayant été manipulé afin de pouvoir réceptionner la télévision ; que, dans un premier temps, l'employeur a décidé de rétrograder M. A dans ses fonctions et a soumis cette décision à l'approbation de l'intéressé, par un courrier du 28 juillet 2006 et, en l'absence de réponse de ce dernier, a décidé d'engager une procédure de licenciement ; que, par un courrier en date du 8 septembre 2006, le directeur de la SOCIETE VITEMBAL TARASCON a demandé à l'inspection du travail des Bouches-du-Rhône l'autorisation de licencier M. A pour faute, à raison des faits survenus le 27 juin 2006, l'employeur reprochant à ce salarié d'avoir utilisé, dans son intérêt personnel, un matériel de la société destiné à la sécurité des installations, après l'avoir détourné de son objet, d'avoir rendu ce système de sécurité inopérant, de ne pas avoir accompli les tâches lui incombant en laissant l'atelier sans surveillance et en mettant en péril la sécurité des matériels et personnels de production et d'avoir agi au vu et au su du personnel et rendu complices et co-auteurs de ses fautes plusieurs de ses subordonnés ; que, par une décision du 6 novembre 2006, l'inspecteur du travail de la 1ère section des Bouches-du-Rhône a refusé cette autorisation aux motifs, d'une part, que ces faits, dont la réalité était établie et qui étaient fautifs, n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de ce salarié et, d'autre part, que la procédure de licenciement était en lien avec les mandats détenus par l'intéressé ; que la SOCIETE VITEMBAL TARASCON a formé, par un courrier reçu le 12 décembre 2006, un recours hiérarchique à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail et, par une décision en date du 12 avril 2007, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a confirmé la décision de l'inspecteur du travail aux motifs que si les faits reprochés à M. A étaient établis et constituaient une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la demande de licenciement était en lien avec les mandats détenus par ce salarié ; que la SOCIETE VITEMBAL TARASCON relève appel du jugement n° 0703821 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 novembre 2006 de l'inspecteur du travail et de la décision ministérielle du 12 avril 2007 ;

Sur la légalité des décisions contestées :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant, en premier lieu, que M. A a été désigné, le 11 février 2005, délégué syndical FO au sein de l'UES des sociétés VITEMBAL TARASCON et VITEMBAL SOCIETE INDUSTRIELLE ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société requérante, estimant qu'il n'existait pas d'UES entre ces deux sociétés, a contesté cette désignation devant le Tribunal d'instance de Tarascon ; que cette juridiction a débouté la société de son action et, par son jugement du 28 juillet 2005, notifié à la société requérante le 1er août suivant a reconnu, d'une part, l'existence d'une UES entre les sociétés VITEMBAL TARASCON et VITEMBAL SOCIETE INDUSTRIELLE et, d'autre part, la régularité de la désignation de M. A en qualité de délégué syndical de l'UES, précisant dans son jugement que le syndicat n'avait pas préalablement à désigner un délégué syndical au niveau de la seule société VITEMBAL TARASCON ; qu'il ressort également des pièces du dossier que, lors de la réunion du C.E/DP du 22 septembre 2005, M. A a été prié de quitter la séance au motif qu'il avait été désigné représentant syndical de l'UES et non de l'établissement de Tarascon, contrairement à ce que le Tribunal d'instance de Tarascon avait jugé ; qu'en outre, il résulte de la note d'information au personnel établie par l'employeur le 20 septembre 2005 et retraçant les débats de la réunion extraordinaire de la DSU du 15 septembre 2005 que l'employeur s'est plaint des conditions dans lesquelles M. A avait été désigné délégué syndical de l'UES, contraignant ainsi la société à saisir le Tribunal d'instance ; que, par ailleurs, par un courrier du 19 octobre 2005, le directeur de la société requérante a informé M. A qu'il ne le considérait pas comme délégué syndical de VITEMBAL TARASCON ni comme représentant syndical auprès du comité d'établissement de Tarascon ; qu'à la suite du jugement précité rendu par le Tribunal d'Instance de Tarascon, que l'employeur n'a pas contesté, la SOCIETE VITEMBAL TARASCON a initié la mise en oeuvre d'un accord avec les organisations syndicales pour le découpage de l'UES en établissements distincts et la désignation des représentants syndicaux, en définitive signé le 20 octobre 2005 ; qu'il est constant que cet accord n'a été signé que par des organisations syndicales minoritaires même si les autres organisations syndicales, dont celle à laquelle appartenait M. A, ne sont pas opposées à cet accord ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a saisi, le 7 novembre 2005, le Tribunal d'instance d'Alès afin de faire annuler les mandats de délégué syndical central de l'UES et a demandé la transformation de ces mandats en celui de délégué syndical d'établissement et qu'elle ne s'est désistée de cette action qu'à la suite de la désignation, notamment de M. A, le 9 janvier 2006, en qualité de délégué syndical de l'établissement de VITEMBAL TARASCON et délégué syndical au niveau de l'UES ; que si, par ces différentes actions judiciaires, la société requérante n'a méconnu aucune disposition législative ou réglementaire, il résulte de l'ensemble des faits ci-dessus rappelés que, d'une part, l'employeur était opposé à la mise en place d'une UES, dont l'existence n'a été reconnue que par une décision de justice consécutive à la désignation de M. A en qualité de délégué syndical de cette entité et, d'autre part, que ce salarié protégé n'a pas eu la possibilité d'exercer son mandat alors que sa désignation avait été reconnue comme étant régulière par la décision de justice précitée du 28 juillet 2005 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport remis par l'inspecteur du travail au directeur départemental du travail, produit en première instance par le ministre du travail, et dont les mentions n'ont pas contestées par la société requérante, que l'employeur a tardé à mettre en place le comité central d'entreprise, lequel n'était toujours pas mis en place à la date de la demande d'autorisation de licenciement de M. A ; qu'il résulte, en outre, du procès-verbal de désaccord sur la composition du comité central d'entreprise dans l'UES VITEMBAL signé le 9 mai 2006, en présence des organisations syndicales représentatives dont celle à laquelle appartenait M. A, que l'entreprise se chargerait de saisir, dans les meilleurs délais, la direction du travail ; qu'ainsi, la société requérante ne peut utilement invoquer le fait qu'elle n'aurait eu aucune obligation à ce titre et que les organisations syndicales auraient eu la possibilité de saisir elles-mêmes la direction du travail de ce désaccord ; qu'en outre, la société requérante n'a pas contesté les mentions figurant dans le rapport précité de l'inspecteur du travail que ce n'est qu'à la suite d'une visite de l'inspecteur du travail du Gard, le 20 septembre 2006, qu'elle a décidé de saisir la direction du travail afin qu'une décision permettant la création du comité central d'entreprise soit prise par l'administration, ce qui a été fait par une décision du 8 novembre 2006 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a organisé, avec les membres du CHSCT, en juin 2006 un droit de retrait afin que la ligne " WELEX 2 " soit parfaitement sécurisée à la suite de la mise en place de nouveaux couteaux rotatifs ; que M. A a initié, le 31 juillet 2006, soit antérieurement à la demande d'autorisation de licenciement du 8 septembre 2006, un mouvement de grève devant se dérouler début août 2006 ; qu'il résulte, en outre, des pièces du dossier que M. A, en sa qualité de membre du CHSCT, a saisi l'employeur d'une demande d'information sur le système de vidéo surveillance mis en place par le direction dans lequel il l'interrogeait sur l'information préalable des salariés quant à la mise en oeuvre de ce système ; qu'ainsi, M. A exerçait activement ses mandats ;

Considérant, enfin, qu'il est constant qu'aucun reproche n'avait été formulé à l'encontre de M. A entre mars 1998, date de son embauche et le début de l'année 2006, date à laquelle deux faits fautifs ont été reprochés par l'employeur au salarié, ceux du 27 juin 2006 fondant la procédure de licenciement en litige et des faits du 16 mars 2006 relatifs à une pause de nuit non réglementaire ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des faits ci-dessus rappelés, pris en compte par l'inspecteur du travail et par le ministre dans les décisions en litige, qu'en estimant que la demande d'autorisation de licenciement n'était pas dépourvue de tout lien avec les mandats détenus par M. A, l'inspecteur du travail et le ministre du travail n'ont pas commis d'erreur dans l'appréciation des faits de l'espèce ; qu'eu égard au lien existant entre les mandats détenus par ce salarié protégé et la demande d'autorisation de licenciement, tant l'inspecteur du travail que le ministre étaient tenus, comme ils l'ont fait par les décisions contestées, de rejeter cette demande et ce, quelle que soit la valeur du motif avancé à l'appui de la demande ; qu'il s'ensuit que, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, tous les moyens invoqués par la société requérante sont inopérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE VITEMBAL TARASCON n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 décembre 2010, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 novembre 2006 de l'inspecteur du travail et de la décision ministérielle du 12 avril 2007 précitées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE VITEMBAL TARASCON une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE VITEMBAL TARASCON est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE VITEMBAL TARASCON versera à M. A une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE VITEMBAL TARASCON, à M. A et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 11MA00545 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA00545
Date de la décision : 26/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Illégalité du licenciement en rapport avec le mandat ou les fonctions représentatives.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CORNET - VINCENT - SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-06-26;11ma00545 ?
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