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18/12/2012 | FRANCE | N°10MA00166

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 18 décembre 2012, 10MA00166


Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2010, présentée pour Mme Tatiana B, demeurant ..., par Me Bertozzi ;

Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0602705, 0602706 du 20 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 1998 et 1999 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°)

de mettre à la charge de l'Etat une somme portée à 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 ...

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2010, présentée pour Mme Tatiana B, demeurant ..., par Me Bertozzi ;

Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0602705, 0602706 du 20 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 1998 et 1999 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme portée à 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2012,

- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B relève appel du jugement du 20 octobre 2009 rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre des années 1998 et 1999 suite à un examen de situation fiscale personnelle ;

Sur la domiciliation fiscale de la requérante :

S'agissant du droit interne :

2. Considérant que ni le jugement ni l'administration n'ont commis une erreur de droit en affirmant " qu'il suffit qu'un seul des trois critères de l'article 4 B-1 soit démontré pour entraîner la domiciliation fiscale en France en application de la convention nouvelle sans rechercher si elle était applicable en l'espèce " ; qu'en s'exprimant ainsi, la requérante opère une confusion entre le droit interne (article 4B du code général des impôts) et le droit conventionnel, alors que la situation fiscale d'une personne doit en premier lieu être examinée au regard du droit interne (qui définit plusieurs critères par ordre décroissant d'importance, le foyer, le lieu de séjour principal, l'activité professionnelle, le centre des intérêts économiques) et ne sera examinée ensuite au regard du droit conventionnel que si cette personne justifie être " résidente de chaque Etat " c'est-à-dire, au sens de chacune des conventions invoquées, assujettie à l'impôt dans chaque Etat en raison de son " domicile " ; qu'à cet égard, la requérante ne peut reprocher aux premiers juges de ne pas avoir recherché quelle était la convention applicable, celle du 4 octobre 1985 ou celle du 26 novembre 1996, dès lors que leurs critères d'application (la définition du " résident d'un Etat ") et leurs critères de détermination du pays d'imposition (recherche du lieu du foyer permanent d'habitation, du centre des intérêts vitaux, du lieu de séjour principal ou de la nationalité) sont restés identiques dans les deux conventions successives, ces critères étant pareillement hiérarchisés dans chaque convention, à savoir que l'administration comme le juge doivent rechercher en premier lieu quel est le lieu du foyer permanent d'habitation, puis, s'il y a deux foyers de cette sorte, quel est le lieu du centre des intérêts vitaux, etc... ; que l'administration dans ses deux propositions de rectification détermine le lieu d'imposition de Mme B au seul regard du droit interne, et n'envisage d'appliquer la convention qu'au cas où il serait prouvé qu'elle est imposable en Russie, preuve qui ne peut reposer que sur la requérante, seule à même de réunir les éléments justifiant d'une imposition effective dans un autre pays ;

3. Considérant qu'au regard du droit interne français, il suffit donc que soit rempli le seul critère de la disposition d'un " foyer " en France pour fonder légalement une imposition en France ; que la notion de " foyer " ou de " foyer permanent d'habitation " ne se limite pas à la simple disposition d'un " logement " comme le soutient Mme B, logement dont la possession alléguée à Moscou n'a d'ailleurs jamais été justifiée malgré les demandes du service en ce sens, mais suppose en outre que la personne vive effectivement à cet endroit, et entretienne avec son environnement des liens familiaux, amicaux, professionnels permanents ou durables ; que pour ces motifs, l'administration a étudié les indices attestant d'une présence réelle et non simplement théorique de l'intéressée, tels que les consommations d'énergie et de téléphone, avérées dès février 1998 à la villa de Mougins acquise fin décembre 1997, la disposition de quatre véhicules acquis en 1998, l'ouverture d'un compte bancaire à la BNP Cannes en août 1998 et les nombreux mouvements constatés sur ce compte, qui attestent de sa présence à Mougins, peu important la durée de plus ou moins soixante-dix jours de ses séjours en 1998, dès lors que le critère du lieu de séjour principal ne vient qu'en deuxième ou troisième position parmi les critères de la domiciliation fiscale, et que les éléments fournis par le vérificateur, joints au fait que Mme B vivait à Mougins avec son fils alors âgé de onze mois, suffisent à caractériser l'existence d'un " foyer " en France au sens du droit interne, et à considérer qu'elle est imposable en France sur l'ensemble de ses revenus ;

4. Considérant que, pour contester l'existence d'un foyer en France, Mme B soutient que le procès-verbal du service des douanes du 28 janvier 1999, qui désignait Mougins comme sa résidence principale, ne peut faire foi car il a été pris en violation du principe d'égalité des armes, et en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dans la mesure où elle a été entendue sans l'assistance d'un conseil, et où, en raison de sa mauvaise compréhension de la langue française, elle s'est méprise sur la portée de la notion de " résidence principale ", en désignant la propriété de Mougins acquise fin 1997, qui n'est qu'une résidence secondaire ; que toutefois, d'une part il ressort du procès-verbal que son " degré de compréhension de la langue française est correct ", d'autre part les stipulations de la convention européenne ne s'appliquent pas aux procédures pré-contentieuses ; qu'enfin, un procès-verbal fait foi jusqu'à preuve du contraire, non apportée en l'espèce ; qu'en tout état de cause, les aveux de Mme B au service des douanes ne sont pas au nombre des critères retenus pour établir une domiciliation fiscale, et sont par suite superflus ;

5. Considérant que si la requérante affirme disposer, outre d'un logement à Moscou, de plusieurs comptes bancaires en Russie, elle n'en justifie pas ; que selon les termes du contrat de prêt contracté le 2 février 1999 auprès de la banque Intellekt Bank sise à Moscou, les sommes devaient être versées " sur les comptes dans les établissements de crédit indiqués par l'emprunteur ... avec conversion en devises " c'est-à-dire que les fonds étaient dès l'origine destinés à être utilisés à l'étranger ;

S'agissant de l'application de la convention fiscale :

6. Considérant que pour prouver qu'elle était imposée en Russie, Mme B soutient avoir déposé ses déclarations de revenus en Russie et produit des avis d'imposition ; que toutefois, elle n'a déposé des déclarations de revenus à Moscou qu'en 2002, soit après le début du contrôle, et les avis d'imposition russes produits mentionnent des revenus dont certains de source étrangère, luxembourgeoise et allemande, imposables en Russie quel que soit le domicile fiscal du contribuable ; qu'elle n'a pas démontré ainsi être soumise en Russie à une obligation fiscale complète ; que par suite, elle ne peut prétendre que sa situation relèverait de la convention fiscale, dont en tout état de cause le critère du foyer permanent d'habitation la rend imposable en France ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant du mandat :

7. Considérant que le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable, personne physique ou morale, pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre emporte, sauf stipulation contraire, élection de domicile auprès de ce mandataire ; que lorsqu'un tel mandat a été porté à la connaissance du service en charge de la procédure d'imposition, celui-ci est en principe tenu d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de cette procédure ; qu'en revanche, lorsque le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour l'assister dans ses relations avec l'administration ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition, ce mandat n'emporte pas élection de domicile auprès de ce mandataire ; que, dans ce cas, l'administration doit notifier l'ensemble des actes de la procédure au contribuable, alors même que le mandat confie au mandataire le soin de répondre à toute notification de redressements, d'accepter ou de refuser tout redressement ; que si, cependant, l'administration procède à une notification non au contribuable lui-même, mais à une personne qui se présente comme son mandataire, il appartient au juge d'apprécier, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la notification est parvenue au contribuable et si, par suite, elle peut être regardée comme régulière ;

8. Considérant qu'en l'espèce, le mandat de Mme B à M. C le 23 avril 2001 stipule qu'il est donné pour " entreprendre toutes démarches administratives sur le dossier en vue d'un contrôle fiscal " ; que ces termes ne comportent aucune élection de domicile auprès du mandataire et que l'administration pouvait à bon droit adresser ses courriers à la contribuable qui n'était pas dessaisie de la procédure ;

S'agissant de la réception des pièces de procédure :

9. Considérant qu'en cas de retour à l'administration fiscale du pli recommandé contenant une réponse aux observations du contribuable, la preuve qui incombe à l'administration d'établir que le redevable a reçu notification régulière de ce pli peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur les documents de ce pli retournés à l'expéditeur, soit d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le facteur, conformément à la réglementation postale en vigueur, d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste ;

10. Considérant que, compte tenu des modalités susrappelées d'organisation de la délivrance des plis recommandés, doit être regardé comme pourvu de mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve requise, le pli recommandé retourné au service accompagné de sa liasse postale, lorsque, d'une part, cette dernière ne contient plus que le volet " avis de réception ", sur lequel a été apposé par voie de duplication la date de la vaine présentation du pli et que, d'autre part, l'enveloppe comporte l'indication du motif de non-remise du pli ainsi que le nom et l'adresse du bureau d'instance, une telle production attestant que, conformément à la réglementation postale, le facteur a détaché le volet " avis de passage " de la liasse pour le déposer, après l'avoir dûment complété, dans la boîte aux lettres du destinataire ;

11. Considérant que la requérante soutient que la procédure d'imposition est irrégulière car plusieurs documents de procédure, tels les mises en demeure, l'avis 3929, la notification du 12 novembre 2001, la lettre n°3926 ou les avis d'imposition n'ont pas été réceptionnés par elle ni par M. C, faute d'avis de mise en instance de la Poste, qu'elle demande à l'administration de verser au dossier ; que l'administration n'établit pas que les services de la Poste lui auraient délivré, en son absence, un avis de mise en instance postal ;

12. Considérant cependant que les avis de mise en instance ne peuvent en tout état de cause pas être produits par l'administration dès lors qu'ils sont restés dans la boîte aux lettres de Mme B ; que l'administration ne peut fournir que les enveloppes de ses envois mentionnant le fait que la destinataire en a été avisée, la date de présentation, et le motif et la date du retour du pli à l'expéditeur ; qu'il résulte de l'instruction et des copies d'enveloppes produites que toutes les pièces de procédure ont fait l'objet des avis de mise en instance requis, puis d'envois par lettre simple le 12 avril 2001 à Théoule sur Mer où résidait Mme B en 2001, permettant à M. C de se signaler au service en qualité de mandataire, et enfin d'une remise en mains propres à M. C, attestée par lettre du 19 juin 2001 contresignée par lui ; qu'au demeurant, Mme B a dûment accusé réception de la mise en demeure du 22 août 2001 et de la proposition de rectification du 18 janvier 2002 ; que l'éventuelle non-réception des avis d'imposition demeure sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

13. Considérant que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les documents de procédure ont été régulièrement notifiés à la requérante ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

14. Considérant qu'en l'absence de dépôt de déclarations de revenus au titre des années 1998 et 1999 malgré deux mises en demeure, le vérificateur a taxé d'office à l'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales les crédits bancaires relevés sur le compte ouvert auprès de la BNP, pour un montant de 894 499 F en 1998 et de 3 672 353 F en 1999, ainsi que le solde créditeur de la balance espèces dont le calcul est détaillé dans les notifications, ramené à 170 600 F pour 1998 et à 947 000 F pour 1999 ; qu'en raison de la procédure d'office mise en oeuvre, la charge de prouver l'exagération des bases d'imposition incombe à la contribuable ;

15. Considérant qu'en se bornant à soutenir que les sommes ainsi taxés d'office proviendraient du prêt consenti le 2 février 1999 par la banque russe, Mme B n'apporte pas la preuve exigée, dès lors que d'une part, le prêt de 1999 ne peut justifier les virements constatés en 1998, et qu'elle ne justifie d'aucun mouvement de fonds de Russie vers le compte BNP ni en 1998, ni en 1999 ; qu'outre l'origine des sommes, il lui appartient de prouver leur caractère non imposable en France, ce qu'elle ne fait pas ; que par suite, c'est à juste titre que l'administration a rattaché lesdites sommes au revenu imposable en France ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme B la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Tatiana B et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 10MA00166 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00166
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : M. LOUIS
Rapporteur ?: Mme Anita HAASSER
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : BERTOZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-12-18;10ma00166 ?
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