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29/10/2013 | FRANCE | N°12MA02034

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 29 octobre 2013, 12MA02034


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 mai 2012 sous le n° 12MA02034, présentée par MeB..., pour M. D...A..., demeurant ... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900234 du 22 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de la décision du 8 octobre 2008 du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant son recours gracieux tendant au versement des traitements non perçus entre le 19 janvier 2006 et le 25 mars 2007 du fait de son placement sous contrôle judiciaire, et

à la condamnation de l'Etat à lui verser lesdits traitements, soit une ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 mai 2012 sous le n° 12MA02034, présentée par MeB..., pour M. D...A..., demeurant ... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900234 du 22 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de la décision du 8 octobre 2008 du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant son recours gracieux tendant au versement des traitements non perçus entre le 19 janvier 2006 et le 25 mars 2007 du fait de son placement sous contrôle judiciaire, et à la condamnation de l'Etat à lui verser lesdits traitements, soit une somme équivalente à 40 000 euros ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ladite décision du 8 octobre 2008 et de condamner l'Etat à lui verser ses traitements non perçus entre le 19 janvier 2006 et le 25 mars 2007, soit une somme équivalente à 40 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi modifiée n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2013 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant MeB..., pour M. A...;

1. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de M. A...tendant à la condamnation de l'Etat (ministère de la justice) à lui verser une indemnité de 40 000 euros ; que M. A...interjette appel de ce jugement ; qu'il résulte de l'instruction qu'il réclame à nouveau cette somme de 40 000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du non-versement de son traitement de surveillant pénitentiaire sur la période courant du 19 janvier 2006 au 25 mars 2007, en invoquant, d'une part, la faute de l'administration pénitentiaire d'avoir méconnu le principe de la présomption d'innocence, d'autre part, la faute de cette administration de ne l'avoir pas affecté, dans un délai raisonnable, dans un centre pénitentiaire autre que celui des Baumettes ;

Sur la recevabilité de la requête introductive d'appel :

2. Considérant que la partie intimée oppose la fin de non-recevoir tirée de l'insuffisante motivation de la requête introductive d'appel : qu'il résulte toutefois de l'instruction que cette requête contient des moyens contestant la réponse apportée par les premiers juges ; que la fin de non-recevoir ainsi opposée manque en fait ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la présomption d'innocence :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M.A..., surveillant pénitentiaire affecté au centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille, a été placé sous contrôle judiciaire par une ordonnance du juge d'instruction du 19 janvier 2006 et mis en examen pour des chefs de corruption passive, avec interdiction de se rendre sur son lieu de travail ; qu'il ne s'est pas, par suite, rendu sur son lieu de travail des Baumettes à compter du 19 janvier 2006 et que le versement de son traitement a été interrompu en l'absence de service fait ; qu'il a été affecté au centre pénitentiaire de Draguignan le 26 mars 2007, date à laquelle il a bénéficié, à nouveau, du versement de son traitement ; qu'il sera finalement relaxé des poursuites engagées à son encontre par jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Marseille rendu le 9 juin 2008 ; qu'invoquant le principe de la présomption d'innocence, il soutient que l'administration pénitentiaire aurait dû maintenir le versement de son traitement sur la période courant du 19 janvier 2006 au 26 mars 2007 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 64 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : "Les fonctionnaires (...) ont droit, après service fait, à une rémunération (...)" ; et qu'aux termes de l'article 30 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : "En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille." ; que si l'article 30 précité dispose que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peut prononcer la suspension d'un fonctionnaire en cas de faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun , et que le fonctionnaire suspendu conserve son traitement jusqu'à la décision prise à son égard, qui doit intervenir dans les quatre mois, ces dispositions ne font pas obligation à l'administration de prononcer la suspension qu'elles prévoient à la suite d'une faute grave et ne l'empêchent pas d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait, notamment en raison de l'interdiction d'exercer ses fonctions résultant d'une mesure de contrôle judiciaire ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si l'appelant soutient qu'à l'issue de son placement en contrôle judiciaire, il a été relaxé des poursuites pénales engagées à son encontre et que son administration aurait ainsi méconnu le principe de la présomption d'innocence en le considérant à tort coupable du 19 janvier 2006 au 26 mars 2007, il résulte toutefois de l'instruction que le ministre de la justice ne s'est pas cru lié par l'ordonnance de placement en contrôle judiciaire, mais s'est contenté de constater l'absence de service fait et d'interrompre, sur la base de ce seul constat, en application de l'article 64 précité et sans commettre d'erreur de droit, le versement de son traitement ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en supprimant le versement de son traitement sur la période courant du 19 janvier 2006 au 26 mars 2007, l'administration aurait commis une erreur de droit, en méconnaissant notamment le principe de la présomption d'innocence applicable à la procédure judiciaire dont il a été l'objet ;

En ce qui concerne le délai de la nouvelle affectation :

7. Considérant, en premier lieu, que sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade ;

8. Considérant, en second lieu, qu'à la suite de la décision judiciaire plaçant M. A...sous contrôle judiciaire, le ministre de la justice n'a pris aucune mesure administrative conservatoire de suspension, ce qui, ainsi qu'il a été dit, ne révèle aucune illégalité ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'en l'espèce, l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire n'interdisait pas de façon générale l'exercice par M. A...de ses fonctions de surveillant pénitentiaire, mais interdisait cet exercice au sein du seul établissement pénitentiaire des Baumettes ; qu'il appartenait dans ces conditions à l'administration, dès lors qu'elle n'avait pas choisi de suspendre administrativement l'intéressé, de l'affecter dans un délai raisonnable sur un poste vacant d'un autre établissement, sans qu'il soit nécessaire d'attendre que l'intéressé se manifeste par une demande de mutation pour convenances personnelles ; que la partie intimée n'apporte aucun élément de nature à établir l'absence de poste vacant susceptible d'accueillir l'intéressé sur la période en litige ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appelant est fondé à soutenir que la décision l'affectant finalement le 26 mars 2007 au centre pénitentiaire de Draguignan a été prise à l'issue d'un délai non raisonnable ; qu'il y a lieu de retenir, dans les circonstances de l'espèce, une période de responsabilité de l'Etat débutant 3 mois après le placement en contrôle judiciaire de l'intéressé, nonobstant la circonstance qu'aucune pièce du dossier ne permette de démontrer que l'administration pénitentiaire a reçu la première demande d'affectation de l'intéressée datée du 7 avril 2006 ; qu'il y a lieu par voie de conséquence pour la Cour d'annuler le jugement attaqué et de statuer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions indemnitaires de M.A... ;

10. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'il existe un lien de causalité suffisamment direct et certain entre l'inertie fautive de l'administration pénitentiaire qui a attendu le 29 mars 2007 pour affecter l'intéressé en ne respectant pas le délai de 3 mois susmentionné et la perte de traitement que l'intéressé a subi sur la période courant du 19 avril 2006 au 29 mars 2007 ;

11. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que M. A...était placé à l'échelon 9 du grade de surveillant pénitentiaire ; qu'eu égard au montant du traitement figurant sur les bulletins de paye versés au dossier au titre des mois d'octobre, novembre et décembre 2005, sans qu'il y ait lieu de prendre en compte les indemnités d'heures supplémentaires et de nuit figurant sur ces bulletins, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en estimant à hauteur de 16 500 euros la perte de revenus nets que l'intéressé a subie ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de condamner l'Etat (ministère de la justice) à verser à M. A...une indemnité de 16 500 euros ; que le surplus des conclusions indemnitaires de M. A...doit en revanche être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ministère de la justice) la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'appelant ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille en date du 22 mars 2012 est annulé.

Article 2 : L'Etat (ministère de la justice) est condamné à verser à M. A...une indemnité de 16 500 euros (seize mille cinq cents euros).

Article 3 : Le surplus des conclusions indemnitaires de M. A...est rejeté.

Article 4 : L'Etat (ministère de la justice) versera à M. A...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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N° 12MA020342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02034
Date de la décision : 29/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Positions diverses.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement - Retenues sur traitement - Retenues sur traitement pour absence du service fait.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : OSPITAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-10-29;12ma02034 ?
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