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05/11/2013 | FRANCE | N°11MA02333

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 05 novembre 2013, 11MA02333


Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2011, présentée pour M. et Mme B...A..., domiciliés Case postale 93 à Genève (1215) en Suisse, par Me C...;

M. et Mme B...A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803075 du 14 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, des contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 ;

2°) de prononcer la décharge

desdites impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur l...

Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2011, présentée pour M. et Mme B...A..., domiciliés Case postale 93 à Genève (1215) en Suisse, par Me C...;

M. et Mme B...A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803075 du 14 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, des contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 ;

2°) de prononcer la décharge desdites impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale entre la France et la Suisse signée le 9 septembre 1966 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2013,

- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme A...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2003 à 2005 ; qu'à l'issue de ce contrôle, une proposition de rectification en date du 18 avril 2007 leur a été adressée, selon la procédure de redressement contradictoire ; que le 31 juillet 2007, ont été mises en recouvrement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales, assorties des intérêts et de pénalités, au titre des années 2004 et 2005, correspondant à des redressements en matière de traitements et salaires et de revenus de capitaux mobiliers ; que, par un jugement en date du 14 avril 2011, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. et Mme A...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 ; que M. et Mme A... relèvent régulièrement appel de ce jugement ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que par deux décisions en date du 2 janvier 2012, postérieures à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a prononcé le dégrèvement, à hauteur de 13 550 euros, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, établies au titre des années 2004 et 2005 en matière de revenus de capitaux mobiliers (soit 2 726 euros au titre de 2004 et 10 824 euros au titre de l'année 2005 ) ; que les conclusions de la requête de M.et Mme A...relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant que M. et Mme A...soutiennent que la réponse à leurs observations, en date du 14 mai 2007, est insuffisamment motivée en ce qui concerne les revenus des capitaux mobiliers ; que, toutefois, ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, les redressements en matière de revenus de capitaux mobiliers ont fait l'objet d'un dégrèvement ; que, dans ces conditions, un tel moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre des redressements opérés en matières de traitements et salaires ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les traitements et salaires :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. " ; et que, selon l'article 79 de ce code : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu " ;

5. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 17 de la convention franco-suisse susvisée : " 1. (...) les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans un autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat. 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans le premier Etat si : a) le bénéficiaire séjourne dans l'autre Etat pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 183 jours au cours de l'année fiscale considérée, b) les rémunérations sont payées par un employeur ou au nom d'un employeur qui n'est pas résident de l'autre Etat ; et c) la charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l'employeur a dans l'autre Etat (...) " ;

6. Considérant qu'une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision fondant l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt de rechercher d'abord si l'imposition contestée a été valablement établie au regard de la loi fiscale nationale et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A...ont déclaré avoir perçu, au titre de l'année 2004, des salaires à concurrence d'une somme de 9 965 euros et n'avoir disposé d'aucun revenu au titre de l'année 2005 ; que dans le cadre des dispositions des articles L. 16 B et R. 16 B 1 du livre des procédures fiscales, et en exécution d'une ordonnance en date du 20 juin 2006 prise par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse, l'administration, qui avait réuni des éléments laissant présumer l'existence d'une fraude fiscale commise par la société suisse Asiatronics, ayant son siège social en Suisse, et dirigée par M.A..., a procédé, le 21 juin 2006, à plusieurs visites domiciliaires dont l'une s'est déroulée au domicile de M. et MmeA..., situé à la Colle-sur-Loup dans les Alpes-Maritimes ; qu'ont été trouvés, au domicile des requérants, des documents concernant la vie juridique commerciale administrative et financière de la SA Asiatronics, lesquels démontraient que M. A...assurait en réalité la direction et la gestion juridique, commerciale et financière de cette société, depuis sa création en février 2004, à partir de son domicile, cette dernière ne possédant en Suisse qu'une adresse de domiciliation commerciale et juridique et une boîte postale ; que, par conséquent, les sommes perçues par M. A...en rémunération de ses fonctions de directeur général ont été imposées dans la catégorie traitements et salaires, pour un montant de 150 000 euros en 2004 et de 180 000 euros en 2005 ;

8. Considérant que M. et Mme A...ont contesté, par courrier en date du 14 mai 2007, la proposition de rectification du 18 avril 2007 susmentionnée, concernant, en particulier, les rectifications opérées dans la catégorie des traitements et salaires ; que, par suite, conformément à l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration, qui a mis en oeuvre la procédure contradictoire, d'établir le bien-fondé des impositions en litige ;

9. Considérant que, pour justifier les rehaussements qu'elle a effectués dans la catégorie des traitements et salaires, le service s'est fondé sur une attestation en date du 6 juin 2005 émanant d'un expert comptable, agissant en qualité de commissaire aux comptes de la SA Asiatronics, selon laquelle M.A..., percevait un revenu mensuel brut de 15 000 euros, pour exercer les fonctions de directeur général de cette société ; que, contrairement à ce que font valoir les requérants, qui ne contestent pas que M. A...était le directeur général de cette société, et qui ne remettent pas sérieusement en compte la valeur probante de ladite attestation, cette dernière, qui est suffisamment précise, suffit à établir qu'un salaire brut mensuel de 15 000 euros aurait été versé en à M. A...en 2004 et 2005 ; qu'en outre, la circonstance que seule une somme de 59 900 euros a été encaissée au cours de l'année 2005 sur les comptes bancaires français des intéressés ne suffit pas à démontrer que M. A...n'avait pas perçu l'ensemble des rémunérations mentionnées dans l'attestation du 6 juin 2005, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas contesté que M. A...disposait de plusieurs comptes ouverts en Suisse et en Chine, qui n'avaient pas été déclarés et, d'autre part, que le vérificateur n'a pas obtenu la communication de tous les comptes ouverts au nom des requérants et n'a pu avoir accès à la comptabilité de la SA Asiatronics ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée, en produisant l'attestation susmentionnée, comme apportant la preuve, qui lui incombe, que M. A... a perçu des rémunérations au cours des années 2004 et 2005, des sommes respectives de 150 000 euros et 180 000 euros ,

10. Considérant que M. et Mme A...font valoir, en appel, que M. A...serait devenu résident fiscal suisse définitivement le 7 mars 2005, en produisant une autorisation de séjour en Suisse, valable à compter de cette date, et l'autorisant à y exercer une activité lucrative ; que, toutefois, il ne fournit aucun justificatif attestant de sa qualité de résident fiscal suisse ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que le requérant résidait avec son épouse et sa fille à la Colle-sur-Loup, cette dernière étant scolarisée à Cagnes-sur-Mer en 2005, et que les époux A...déclaraient leurs revenus en France en 2005, en mentionnant leur adresse de la Colle sur Loup au 1er janvier 2006 ; que, dès lors, M. A...doit être considéré comme ayant son domicile fiscal en France en 2005, au sens des dispositions précitées du a) de l'article 4 B du code général des impôts ; qu'ainsi qu'il a été précisé au point précédent, l'administration ayant établi que les rémunérations versées à M. A...par la SA Asiatronics correspondaient à l'exercice en France de ses fonctions de directeur général, elle était fondée à imposer lesdits revenus dans la catégorie des traitements et salaires, en application des dispositions précitées de l'article 79 du code général des impôts; qu'en tout état de cause, les salaires perçus par l'intéressé pour un emploi exercé en France ne pouvaient être imposés qu'en France, en vertu des stipulations de l'article 17 de la convention franco-suisse ;

11. Considérant que le moyen tiré de l'inexistence de revenus distribués en raison de l'existence de dépenses réglées avec une carte bancaire détenue auprès de la Banque cantonale de Genève concernait le redressement effectué en matière de revenus de capitaux mobiliers, qui a fait l'objet d'un dégrèvement de l'administration ; que, par suite, un tel moyen est inopérant s'agissant des redressements concernant les traitements et salaires et ne peut qu'être écarté ;

Sur les pénalités :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ; qu'il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application de telles majorations ;

13. Considérant qu'en l'espèce, l'administration établit l'absence de bonne foi du contribuable, eu égard, d'une part, à l'importance des revenus non déclarés, lesquels constituaient l'essentiel, voire l'intégralité, des ressources des requérants en 2005 notamment, et d'autre part, au fait que M. A...avait volontairement domicilié ...alors qu'elle exerçait en réalité son activité à partir de la France, et qu'il ne pouvait, par suite, ignorer le caractère imposable des rémunérations qu'il percevait ; que la circonstance alléguée par M. et Mme A...que l'activité de la société Asiatronics n'était pas une activité de conseil en matière fiscale, mais de négoce en matière informatique n'est pas de nature à remettre en cause l'existence d'une volonté délibérée de ces derniers d'éluder l'impôt ; que, dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit, faire application de la majoration pour manquement délibéré ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales des années 2004 et 2005, à hauteur de la somme de 2 726 (deux mille sept cent vingt-six) euros en droits et en pénalités pour 2004 et de 10 824 (dix mille huit cent vingt-quatre) euros en droits et en pénalités pour 2005.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 11MA02333


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02333
Date de la décision : 05/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. LOUIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : PAGANELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-05;11ma02333 ?
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