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28/01/2014 | FRANCE | N°12MA04796

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2014, 12MA04796


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2012, présentée pour la SA Digitick, agissant par son directeur général délégué et dont le siège est 101 rue d'Aboukir à Paris (75002), par Me E... ;

La SA Digitick demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102258 du 16 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 novembre 2010 par laquelle le contrôleur du travail des Bouches-du-Rhône l'a mise en demeure de pourvoir son établissement de vestiaires collectifs conformes à

la réglementation prévues par le code du travail dans un délai d'un mois, ensembl...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2012, présentée pour la SA Digitick, agissant par son directeur général délégué et dont le siège est 101 rue d'Aboukir à Paris (75002), par Me E... ;

La SA Digitick demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102258 du 16 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 novembre 2010 par laquelle le contrôleur du travail des Bouches-du-Rhône l'a mise en demeure de pourvoir son établissement de vestiaires collectifs conformes à la réglementation prévues par le code du travail dans un délai d'un mois, ensemble la décision en date du 31 janvier 2011 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côtes d'Azur a rejeté son recours préalable et maintenu la mise en demeure ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2014 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la SA Digitick ;

1. Considérant que, le 8 novembre 2010, le contrôleur du travail des Bouches-du-Rhône a adressé à la SA Digitick une mise en demeure de pourvoir son établissement situé à Marseille de vestiaires collectifs séparés hommes/femmes, installés dans un local spécial de surface convenable et isolé des locaux de travail et d'équiper ces vestiaires d'un nombre suffisant de sièges et d'armoires individuelles, l'ensemble dans un délai d'un mois ; que, par un courrier daté du 23 décembre 2010, la SA Digitick a formé un recours contre cette décision devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, conformément aux dispositions de l'article L. 4723-1 du code du travail ; que son courrier a été réceptionné par l'administration le lendemain ; que le silence gardé par le directeur régional sur ce recours pendant le délai de 21 jours prévu à l'article R. 4723-3 du code du travail, qui expirait le 14 janvier, a fait naître une décision implicite d'acceptation, comme le prévoit l'article R. 4723-4 du même code et nonobstant la notification tardive, le 17 janvier, d'une décision de prolongation du délai d'instruction ; que, le 31 janvier 2011, le directeur régional a pris une décision expresse de rejet du recours préalable et de confirmation de la mise en demeure ; que cette décision doit être regardée comme procédant au retrait de la décision implicite d'acceptation du 14 janvier ; que, le 28 mars 2011, la SA Digitick a demandé l'annulation de la mise en demeure du 8 novembre 2010 ainsi que de la décision de rejet de son recours du 31 janvier 2011 ; que, par la présente requête, elle défère à la Cour le jugement du 16 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 8 novembre 2010 :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 4721-4, L. 4723-1, et R. 4723-1 et suivants du code du travail que l'employeur auquel le contrôleur du travail a adressé une mise en demeure de se conformer aux prescriptions réglementaires relatives aux mesures générales de santé et de sécurité au travail doit, préalablement à un recours contentieux contre cette décision, saisir le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'un recours préalable ; que, dans ce cas, la décision du directeur régional se substitue à celle du contrôleur du travail qui disparaît de l'ordonnancement juridique et, par suite, n'est plus susceptible de recours ; qu'il suit de là que, ainsi que l'a jugé le tribunal, la demande d'annulation de la SA Digitick dirigée contre la mise en demeure du 8 novembre 2010 était irrecevable, sans que la société requérante puisse utilement faire valoir qu'elle conteste la décision du directeur régional du 31 janvier 2011 en tant qu'elle confirme la mise en demeure du 8 novembre 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 31 janvier 2011 :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article L. 4723-1 du code du travail, le refus opposé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi au recours préalable obligatoire formé par l'employeur doit être motivé ; que la décision contestée du 31 janvier 2011 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est dès lors motivée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que par arrêté du 29 octobre 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Bouches-du-Rhône du même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation à MmeC..., directrice régionale adjointe, à l'effet de signer tous les actes et décisions pris dans le cadre des compétences anciennement dévolues aux directeurs régionaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle par les dispositions alors en vigueur du code du travail ; que les décisions devant être prises sur les recours formés par les employeurs contre les mises en demeure que leur adressent les contrôleurs du travail étaient au nombre de celles dévolues au directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle par les dispositions de l'article L. 4723-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à la date de l'arrêté en cause ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée manque en fait ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la SA Digitick fait valoir qu'elle n'a pas eu communication du constat dressé par le contrôleur du travail lors de sa visite dans les locaux de l'entreprise du 4 novembre 2010 ; que, toutefois, les constatations faites par le contrôleur du travail à cette occasion ont fait l'objet de la mise en demeure du 8 novembre 2010, laquelle a été notifiée à la société requérante le 10 décembre 2010, comme elle l'indique dans ses écritures de première instance ; que, par suite, le moyen manque en fait ;

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 4228-1 du code du travail : " L'employeur met à la disposition des travailleurs les moyens d'assurer leur propreté individuelle, notamment des vestiaires (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4228-2 du même code : " Les vestiaires collectifs (...) sont installés dans un local spécial de surface convenable, isolé des locaux de travail et de stockage et placé à proximité du passage des travailleurs. Lorsque les vestiaires et les lavabos sont installés dans des locaux séparés, la communication entre ceux-ci doit pouvoir s'effectuer sans traverser les locaux de travail ou de stockage et sans passer par l'extérieur " ; que l'article R. 4228-5 de ce code dispose : " Dans les établissements employant un personnel mixte, des installations séparées sont prévues pour les travailleurs masculins et féminins " ; que l'article R. 4228-6 prévoit : " Les vestiaires collectifs sont pourvus d'un nombre suffisant de sièges et d'armoires individuelles ininflammables. Ces armoires permettent de suspendre deux vêtements de ville. (...) Les armoires individuelles sont munies d'une serrure ou d'un cadenas " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'employeur doit mettre à la disposition de ses salariés des vestiaires collectifs installés dans un local spécialement aménagé à cet effet, isolé des locaux de travail et, le cas échéant, d'un accès séparé pour les personnels masculins et féminins ; que si la SA Digitick fait valoir qu'elle met à disposition de ses employés, en nombre suffisant, des penderies, des armoires individuelles pouvant être verrouillées et des porte-manteaux, ces équipements ne constituent pas un vestiaire au sens des dispositions précitées, dès lors qu'ils ne sont pas installés dans un local spécifique séparé des locaux de travail, sans que la société requérante ne puisse utilement se prévaloir de la réponse ministérielle n° 31648 du 16 juillet 1980 faite à M. D..., député, laquelle est dépourvue de portée juridique ; qu'en outre, ces équipements ne sont pas distincts pour les salariés masculins et féminins ; que la présence, dans les locaux de l'établissement, de deux salles d'eau comportant des toilettes et des lavabos, l'une étant réservée aux hommes et l'autre aux femmes, et d'une douche, n'est pas davantage de nature à satisfaire aux exigences imposées par les textes précités, dès lors que ces pièces ne sont pas destinées à permettre aux salariés de déposer leurs effets personnels et ne comportent d'ailleurs pas de sièges et d'armoires individuelles ; que, par suite, c'est à bon droit que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a estimé que les locaux de l'établissement de la SA Digitick ne répondaient pas aux exigences des dispositions des articles R. 4228-1 et suivants du code du travail et a mis en demeure la société de s'y conformer ; que l'appréciation de la société requérante selon laquelle les conditions de travail qu'elle fournit à ses salariés sont plus confortables que celles prévues par le code du travail, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce soutient la SA Digitick, la mise en demeure dont elle a fait l'objet était justifiée par les manquements de l'employeur à ses obligations et non par le comportement des employés ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision ait été motivée par des considérations étrangères à la santé et à la sécurité des salariés ;

9. Considérant, en troisième lieu, que les circonstances qu'aucun vol au détriment des salariés n'aurait été commis dans les locaux de l'entreprise et que les courriers du contrôleur du travail des 16 avril et 26 juin 2009 n'auraient pas exigé la mise en place de vestiaires tels qu'imposés par la mise en demeure litigieuse, sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée, qui ne repose sur aucun de ces deux motifs ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que la SA Digitick ne saurait utilement faire valoir que ses locaux ne lui permettent pas d'aménager des vestiaires dans les conditions prévues par les articles R. 4228-1 et suivants du code du travail, dès lors que, si ce motif peut être de nature à justifier l'octroi d'une dispense par l'inspecteur du travail en application de l'article L. 4228-16 du même code, il est constant en l'espèce que l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône n'avait pas encore répondu à la demande de dispense formée par la requérante à la date de la décision contestée et qu'en l'absence de cette dispense, la circonstance invoquée n'est pas de nature à exempter l'employeur du respect de ses obligations ; que, de même, les moyens tirés de ce que l'installation de vestiaires collectifs, par le réaménagement des locaux qu'elle impliquerait, réduirait le confort actuel des employés et empêcherait la société requérante de recruter du personnel supplémentaire, et que les représentants du personnel ont estimé la mise en place d'un vestiaire collectif inutile dans un avis émis le 17 décembre 2007, sont inopérants ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'en indiquant qu'il n'existait aucune disposition dérogatoire relative au secteur d'activité dans lequel la société requérante exerce, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a pas nié la faculté pour l'employeur de demander une dispense à l'inspecteur du travail en vertu de l'article L. 4228-16 du code du travail et n'a dès lors pas commis d'erreur de droit ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Digitick n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Digitick est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Digitick et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 12MA04796

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04796
Date de la décision : 28/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-03 Travail et emploi. Conditions de travail. Hygiène et sécurité.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET JACQUES BARTHELEMY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-01-28;12ma04796 ?
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