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16/12/2014 | FRANCE | N°13MA01435

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 décembre 2014, 13MA01435


Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2013, présentée pour Mme A... C...néeB..., demeurant..., par Me D... ;

Mme C... demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1200140 du 8 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 30 août 2011 par le maire de Grandvals pour un montant de 15,40 euros en vue du paiement d'une redevance d'occupation du domaine public, a mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j

ustice administrative et l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 000 euro...

Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2013, présentée pour Mme A... C...néeB..., demeurant..., par Me D... ;

Mme C... demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1200140 du 8 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 30 août 2011 par le maire de Grandvals pour un montant de 15,40 euros en vue du paiement d'une redevance d'occupation du domaine public, a mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 000 euros pour recours abusif ;

2°) d'annuler le titre exécutoire du 30 août 2011 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15,40 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement en tant qu'il porte condamnation à une amende pour recours abusif ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Grandvals la somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique ;

..............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2014 :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de MeF..., pour la commune de Grandvals ;

1. Considérant que, par jugement du 8 février 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 110 émis à son encontre le 30 août 2011 par le maire de Grandvals pour un montant de 15,40 euros en vue du paiement d'une redevance d'occupation du domaine public, a mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 000 euros pour recours abusif ; que Mme C... relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que lorsqu'une partie est une personne morale, et alors même qu'elle est représentée par un avocat, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie ; que tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier ;

3. Considérant que, dans son mémoire enregistré devant le tribunal le 21 janvier 2013, Mme C... a soutenu que le mémoire et les pièces produites par la commune de Grandvals devaient être écartés comme irrecevables en l'absence de production d'une délibération du conseil municipal autorisant le maire de la commune à défendre à l'instance ; qu'alors que cette contestation était sérieuse, les premiers juges, qui se sont bornés à répondre que le mémoire en défense avait été présenté par un avocat, ne se sont pas assurés que le maire de Grandvals justifiait de sa qualité pour agir au nom de la commune ; que le jugement est fondé sur certaines observations en défense et a fait droit aux conclusions présentées par la commune de Grandvals au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête sur ce point, Mme C... est fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nîmes ;

Sur la recevabilité des écritures de la commune de Grandvals :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 21 mars 2008, le conseil municipal de Grandvals a donné délégation au maire pour la durée de son mandat en vue d'intenter une action en justice ou de défendre au nom de la commune ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par Mme C..., tiré de l'irrecevabilité des écritures en défense de la commune de Grandvals, ne peut être accueillie ;

Sur la légalité du titre exécutoire :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. Lorsque le redevable n'a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public compétent lui adresse une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d'exécution forcée devant donner lieu à des frais. En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la copie du titre exécutoire n°110 destinée au débiteur mentionne qu'il a été émis par Mme E...G...en sa qualité de maire de la commune de Grandvals ; que le bordereau n° 37 sur lequel figure ce titre est revêtu des mêmes mentions ainsi que de la signature du maire de la commune de Grandvals en sa qualité d'ordonnateur ; qu'ainsi, et quand bien même cette signature est illisible, le titre exécutoire en litige ne méconnaît pas les dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ; que, par voie de conséquence, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, qui repose seulement sur la violation de ces prescriptions, doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique (...) ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ; qu'aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique (...) donne lieu au paiement d'une redevance (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le titre de recettes en litige constitue une mesure de gestion du domaine public communal ; que, dès lors, ce titre n'a pas été édicté en considération de la personne de Mme C... et n'a pas le caractère d'une sanction ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, n'impose qu'une telle mesure soit précédée d'une procédure contradictoire afin que le débiteur puisse présenter ses observations ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, même en l'absence d'acte administratif délimitant ce domaine, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire la solution d'une question préjudicielle de propriété lorsque, à l'appui de la contestation, sont invoqués des titres privés dont l'examen soulève une difficulté sérieuse ;

11. Considérant que Mme C...est propriétaire sur la commune de Grandvals d'un bâtiment cadastré section B n° 375 ; qu'en façade Est de ce bâtiment donnant directement sur la voie publique communale qui traverse le village se trouvent accolés une construction utilisée comme abri pour le bois ainsi qu'un escalier permettant l'accès au premier étage du bâtiment ; qu'il résulte de l'instruction que la bande de terrain sur laquelle se trouvent implantés l'abri pour bois et l'escalier précités, qui n'est pas cadastrée et présente une superficie de 7 m², a constitué, du fait de son étroitesse et de la configuration des lieux, un accessoire de la voie communale longeant le bâtiment appartenant à l'intéressée, avant d'être occupée par l'abri pour bois et l'escalier ; qu'elle constitue ainsi une dépendance du domaine public communal, Mme C...ne produisant au demeurant aucun titre de propriété portant sur ce terrain ; que si l'intéressée verse aux débats des attestations établies par deux habitants du quartier indiquant qu'ils ont toujours vu un " petit cabanon " et un " escalier donnant accès à la porte d'entrée de la maison anciennement Brun ", ces seuls éléments ne peuvent sérieusement permettre de penser que la bande de terrain ne ferait pas partie de la voirie communale ; que, dans ces conditions, l'implantation de l'abri à bois et de l'escalier doit être regardée comme une occupation privative par Mme C... du domaine public routier communal ; que le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits doit donc être écarté ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que Mme C...fait valoir qu'elle n'était pas seule propriétaire du bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section B n° 375 et que la redevance contestée ne pouvait ainsi être mise à sa seule charge ; que, toutefois, l'indemnité pour occupation sans titre du domaine public ne repose pas sur la qualité de propriétaire de la parcelle voisine mais sur celle d'occupant du domaine public ; que Mme C... ne conteste pas utiliser l'escalier et l'abri à bois mentionnés au point 11 ; que, par suite, le maire de la commune de Grandvals a pu légalement mettre à sa charge la redevance en litige, alors même qu'elle ne serait pas la seule propriétaire du bâtiment voisin ;

13. Considérant, en cinquième lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2241-1 de ce code : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune (...) " ; que l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation " ; qu'il résulte de ces dispositions, ainsi que de celles des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques citées au point 8, qu'il appartient au conseil municipal, en tant qu'autorité chargée de la gestion du domaine public communal, de fixer le tarif des redevances d'occupation du domaine en tenant compte des avantages de toute nature procurés à ses occupants ; qu'une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période ;

14. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : 1° De conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits (...) ; 3° De préparer et proposer le budget et ordonnancer les dépenses, de les imputer en section d'investissement conformément à chacune des délibérations expresses de l'assemblée pour les dépenses d'équipement afférentes à des biens meubles ne figurant pas sur les listes et d'une valeur inférieure à un seuil fixé par arrêté des ministres en charge des finances et des collectivités locales " ;

15. Considérant que Mme C... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité des délibérations des 19 novembre 2010 et 26 août 2011 ; que, par la délibération du 26 août 2011 sur laquelle est fondé le titre exécutoire contesté, le conseil municipal de Grandvals a fixé la redevance d'occupation du domaine public communal au titre de l'année 2011 à 2,20 euros le m² pour " le bâti ", en indiquant que ce tarif s'applique aux mêmes redevables et sur les mêmes bases que pour l'année 2010, déterminées par la délibération du 19 novembre 2010 ; que cette dernière délibération mentionne notamment Mme C... comme occupante du domaine public au titre du " bâti " pour une surface de 7 m2 ; qu'il suit de ce qui a été dit au point 13 que le conseil municipal était compétent pour fixer unilatéralement les tarifs d'occupation du domaine public ; qu'il ne saurait sérieusement être soutenu que la délibération du 26 août 2011, qui se borne à fixer le montant de la redevance en fonction de la surface occupée et du tarif unitaire, a pour objet de constater l'existence, la quotité et l'exigibilité de la créance de la commune et d'en poursuivre le recouvrement, alors en outre que le maire de Grandvals a fait procéder à l'émission du titre exécutoire sur le fondement du 1° de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales et non sur celui du 3° du même article ; qu'il suit également de ce qui a été dit précédemment que Mme C... est occupante sans titre du domaine public routier, ces délibérations, qui ne sont pas dépourvues de base légale, n'étant ainsi entachées ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des délibérations des 19 novembre 2010 et 26 août 2011 ne peut être accueilli ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation du titre exécutoire du 30 août 2011 et la décharge de l'obligation de payer la somme de 15,40 euros ;

Sur les autres conclusions de la requête :

17. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'introduction de la requête : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique (...). Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

18. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de Mme C..., partie principalement perdante dans la présente instance ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du même code font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grandvals, qui n'est pas la partie tenue aux dépens, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... le versement à la commune de la somme de 2 000 euros sur ce dernier fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 8 février 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus des conclusions d'appel de l'intéressée sont rejetés.

Article 3 : Mme C... versera à la commune de Grandvals la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...née B...et à la commune de Grandvals.

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N° 13MA01435

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA01435
Date de la décision : 16/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure - État exécutoire.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DESCRIAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-12-16;13ma01435 ?
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