La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2015 | FRANCE | N°14MA02079

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 07 juillet 2015, 14MA02079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 116 418,64 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des décisions prises par l'inspectrice du travail et le ministre du travail lui ayant refusé l'autorisation de licencier M.C..., salarié protégé, décisions déclarées illégales et annulées par un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 octobre 2012 n° 11029

97.

Par un jugement n° 1203375 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Nîm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 116 418,64 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des décisions prises par l'inspectrice du travail et le ministre du travail lui ayant refusé l'autorisation de licencier M.C..., salarié protégé, décisions déclarées illégales et annulées par un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 octobre 2012 n° 1102997.

Par un jugement n° 1203375 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à verser à la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est la somme de 33 740,79 euros.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 13 mai 2014, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 13 mars 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'indemnisation accordée en tenant compte des rémunérations versées entre le 22 février et le 19 juillet 2011.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, en ce qu'il n'a pas été fait état des éléments pris en compte pour considérer que les décisions illégales étaient directement à l'origine du préjudice subi, relatif à l'obligation de conserver un salarié sans bénéficier d'une contrepartie dans un travail effectif, et en ce que la condamnation a été prononcée sans qu'aient été précisées la méthode de calcul et la nature des éléments ayant permis d'évaluer la réalité et le montant du préjudice ;

- s'il n'est pas contesté que le maintien en poste de M. C...résulte du refus d'autoriser le licenciement de ce salarié et que celui-ci n'a produit aucun travail effectif au titre de la période au cours de laquelle il a été maintenu en poste, ces circonstances ne suffisent pas à établir l'existence d'un préjudice directement et exclusivement imputable à l'Etat, l'employeur lui-même ayant volontairement et exclusivement empêché le salarié de réaliser un travail effectif, notamment en lui supprimant les moyens d'exercer normalement ses fonctions bien avant l'intervention des décisions de refus d'autorisation de licenciement, ainsi que cela ressort du jugement du conseil des prud'hommes de Nîmes du 13 décembre 2011, et ce comportement se trouvant à l'origine du dommage ou y ayant à tout le moins contribué ;

- à titre subsidiaire, la période d'indemnisation ne saurait être postérieure au 19 juillet 2011, date de la notification du licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2014, la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'est conclut, à titre principal et par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 33 740,79 euros et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 116 418,64 euros, à la condamnation de l'Etat à lui verser également la somme de 4 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du remboursement des indemnités de chômage en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, à titre subsidiaire, au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social ne sont pas fondés ;

- l'Etat doit être condamné à l'indemniser au titre des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du conseil des prud'hommes de Nîmes du 13 décembre 2011 en conséquence de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M.C..., dès lors qu'il existe un lien de causalité direct entre l'illégalité des décisions administratives de refus d'autorisation de licenciement et lesdites condamnations ;

- il convient d'y ajouter la somme de 4 000 euros au remboursement de laquelle elle a été condamnée par jugement du conseil des prud'hommes de Nîmes du 17 décembre 2013.

Par ordonnance du 10 mars 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 14 avril 2015.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 7ème Chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est.

1. Considérant que le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social relève appel du jugement du 13 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à verser à la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est la somme de 33 740,79 euros en réparation des préjudices subis du fait des décisions prises par l'inspectrice du travail et le ministre du travail les 22 février et 22 août 2011 lui ayant refusé l'autorisation de licencier de M.C..., salarié protégé, décisions déclarées illégales et annulées par un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 octobre 2012 n° 1102997 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué qu'en se bornant à retenir qu'il résultait de l'instruction que la période à indemniser courait de la date de la première décision annulée, soit le 22 février 2011, à la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. C..., soit le 16 décembre 2011, et que pour cette période le coût salarial exposé sans contrepartie dont justifiait la société était de 33 740,79 euros, sans toutefois exposer le détail du calcul effectué pour parvenir à cette somme, alors que ladite somme ne ressortait pas immédiatement des pièces justificatives fournies et que ladite société demandait au titre de la même période et du même poste de préjudice la somme de 116 418,64 euros, les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur décision en ce qui concerne le montant du préjudice ; qu'il suit de là que le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

3. Considérant qu'il y a donc lieu pour la Cour d'annuler jugement attaqué et de statuer par la voie de l'évocation ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

4. Considérant, en premier lieu, que les décisions par lesquelles l'inspecteur du travail puis le ministre du travail ont refusé d'autoriser le licenciement de M. C..., salarié protégé, ont été annulées par le tribunal administratif de Nîmes par jugement en date du 18 octobre 2012 devenu définitif, pour des motifs de légalité interne tirés de ce que, d'une part, c'était à tort que l'administration avait considéré que la société requérante ne démontrait pas que la production de la société pour le compte de laquelle M. C...exerçait une activité concurrente ne dépassait pas le cadre des obligations contractuelles de celui-ci et, d'autre part, les agissements de M. C..., dont la matérialité était établie, étaient constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; qu'en prenant ces décisions illégales, l'Etat a commis une faute dans l'exercice de ses prérogatives en matière de contrôle des motifs invoqués par un employeur pour justifier du licenciement d'un salarié bénéficiant d'une protection exceptionnelle de nature à engager sa responsabilité ;

5. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'en cas de refus illégal de l'autorité administrative de faire droit à une demande d'autorisation de licenciement fondée sur le comportement fautif du salarié protégé, la réalité du préjudice invoqué par l'employeur au titre des salaires et charges sociales supportés à la suite de ce refus peut être regardée comme établie lorsqu'il résulte de l'instruction que les rémunérations versées n'ont pas été la contrepartie d'un travail effectif ; qu'il résulte de l'instruction que la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est a conservé, du fait de l'illégalité commise par l'Etat, M. C... dans ses effectifs, sans toutefois trouver à son bénéfice de contrepartie intégrale dans un travail effectif, à compter du 22 février 2011, date de la décision de l'inspectrice du travail, et jusqu'au 19 juillet 2011, date de la notification du licenciement de ce salarié ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, l'imputabilité à la société de cette absence de contrepartie effective au titre de la période susmentionnée n'est pas établie ; qu'il résulte encore de l'instruction, en particulier du tableau récapitulatif fourni par la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est, que celle-ci a versé, s'agissant des salaires de M. C...et des charges sociales correspondantes au titre de l'année 2011, une somme totale de 43 879,64 euros, en déduction de laquelle doit venir la somme de 5 390,06 euros correspondant au mois de janvier 2011, ce qui aboutit à la somme de 38 489,58 euros, mais également la somme correspondant au salaire et aux charges sociales de M. C...au titre de la période allant du 1er au 21 février 2011 ; que l'Etat doit ainsi être condamné à verser à la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est la somme de 38 489,58 euros, minorée de la somme correspondant au salaire et aux charges sociales de M. C...au titre de la période allant du 1er au 21 février 2011 ;

6. Considérant, d'autre part et en revanche, que, si la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est demande également la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité égale au montant des condamnations qui ont été prononcées à son encontre par le jugement du conseil des prud'hommes de Nîmes du 13 décembre 2011 en conséquence de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. C...aux torts exclusifs de la société, lesdites condamnations, de nature judiciaire, prononcées par un jugement dont la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est avait au demeurant la possibilité, si elle s'y croyait fondée, de faire appel, ne sauraient être regardées comme constitutives d'un préjudice présentant un lien de causalité direct avec l'illégalité fautive commise par l'Etat ; que ce chef de préjudice doit ainsi être écarté ; qu'il doit en être de même, pour le même motif, s'agissant de la demande de la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité égale au montant de la condamnation qui a été prononcée à son encontre par le jugement du conseil des prud'hommes de Nîmes du 17 décembre 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes que demande la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est au titre des frais exposés par elle tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 13 mars 2014 est annulé.

Article 2 : L'Etat (ministère du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social) est condamné à verser à la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est la somme de 38 489,58 euros minorée de la somme correspondant au salaire et aux charges sociales de M. C...au titre de la période allant du 1er au 21 février 2011.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est, indemnitaires et présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Compagnie des salins du midi et des salines de l'Est.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2015, où siégeaient :

- Mme Paix, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. A...et Mme Jorda-Lecroq, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2015.

''

''

''

''

N° 14MA02079 5

acr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02079
Date de la décision : 07/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-045 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : LEVY ROCHE SARDA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-07;14ma02079 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award