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10/12/2015 | FRANCE | N°14MA03584

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 14MA03584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 février 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1402264 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2014 M.B..., représenté par MeC...

, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 février 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1402264 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2014 M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juillet 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 février 2014 ;

3°) d'ordonner au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour comportant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) subsidiairement, d'ordonner au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros à verser à Me C...en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les articles L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il est entré en France en 2010, sous couvert d'un visa " conjoint de français " afin de rejoindre son épouse ; il a tout mis en oeuvre pour s'intégrer ; il a travaillé dès le mois de décembre 2010 en qualité d'intérimaire ; il dispose d'un logement ; il bénéficie d'une promesse d'embauche ; son frère et sa soeur sont de nationalité française ; pour les mêmes raisons, cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au sujet des conséquences de ce refus sur sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions de la directive n° 2008/115/CE car le préfet n'a pas motivé la décision et n'a pas examiné sa situation personnelle ; il s'est cru en compétence liée ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet n'indique pas pourquoi il a choisi de fixer un délai de retour d'un mois ; il s'est cru lié par ce délai ; il appartenait à l'administration d'informer le requérant de la possibilité de demander un délai plus long.

Par un mémoire enregistré le 18 mai 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M.B....

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 septembre 2014 admettant M. B... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Laso a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, entré en France le 5 août 2010, a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité de " conjoint de français " valable jusqu'au 26 juillet 2012 ; que, le 16 juillet 2012, M. B...a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, suite au divorce du couple prononcé par jugement du 2 juillet 2012, le préfet de l'Hérault a, par un arrêté du 24 février 2014, rejeté sa demande, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination ; que M. B...relève appel du jugement du 11 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 2014 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant que le refus de séjour attaqué vise les textes dont il est fait application et mentionne, de manière suffisamment précise et circonstanciée, les faits qui en constituent le fondement et qui permettent de vérifier que le préfet de l'Hérault a procédé à un examen de la situation particulière de M.B... ; qu'ainsi, l'arrêté rappelle notamment que " le couple a divorcé le 2 juillet 2012 " ; qu'il mentionne également que le requérant est " âgé de 38 ans, divorcé, sans enfant ", le " caractère récent de son entrée en France " et que l'intéressé ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté serait insuffisamment motivé ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

4. Considérant que M.B..., entré régulièrement en France le 5 août 2010 soutient qu'il a rejoint son épouse ainsi que son frère et sa soeur, de nationalité française, qu'il a travaillé dès le mois de décembre 2010 en qualité d'intérimaire et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche ; que, toutefois, comme il a été dit au point 2. M. B...a divorcé le 2 juillet 2012 ; que M.B..., célibataire, sans charge de famille, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans ; que, dans ces conditions, eu égard au caractère récent de son séjour en France à la date de la décision attaquée et alors même que son frère et sa soeur sont de nationalité française, qu'il a travaillé depuis le mois de décembre 2010 et qu'il dispose d'une promesse d'embauche, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que cette décision a méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ; que M. B... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne comporte pas de motivation propre en méconnaissance de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

6. Considérant que lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive 20008/115/CE du 16 décembre 2008 ; que, par suite, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'elles prévoient, lorsque la délivrance d'un titre de séjour a été refusée à l'étranger, que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l'article 12 de cette directive ;

7. Considérant qu'en l'espèce, M. B...s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 24 février 2014 ; qu'à cette date, il était dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ; que dès lors que, d'une part, ainsi qu'il a été dit, le refus de titre de séjour opposé à M. B... comportait les éléments de droit et de fait sur lesquels il était fondé et était, par suite, suffisamment motivé et que, d'autre part, le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est expressément visé par la mesure d'éloignement attaquée, cette décision n'appelait pas d'autre mention spécifique pour respecter l'exigence de motivation posée par le I de l'article L. 511-1 ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français et de l'absence d'examen de la situation personnelle de M. B...doivent être écartés ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas des motifs de sa décision que le préfet de l'Hérault se serait cru à tort tenu de prononcer à l'encontre de M. B...une obligation de quitter le territoire français ;

9. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. ( ...) " ;

11. Considérant que ces dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont issues de la transposition, en droit interne, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ; que M. B... ne peut ainsi utilement invoquer directement l'article 7 de cette directive à l'encontre de la décision litigieuse ;

12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit estimé tenu de n'accorder qu'un délai d'un mois à M. B...pour quitter volontairement le territoire français sans procéder à l'examen particulier de sa situation ; qu'il n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit ;

13. Considérant qu'en se bornant à alléguer que la durée de trente jours contestée est insuffisante au regard de son intégration en France et de la présence de son frère, M. B... n'établit pas que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire plus long ;

14. Considérant que l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas que le délai de départ volontaire n'est accordé qu'à la suite d'une demande de l'intéressé ; qu'il s'ensuit qu'il ne pèse aucune obligation à la charge de l'administration d'informer les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le conseil de M. B...demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

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N° 14MA03584 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03584
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Michel LASO
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : POILPRE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-10;14ma03584 ?
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