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16/06/2016 | FRANCE | N°15MA00598

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 15MA00598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 14 août 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1403879 du 8 janvier 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2015, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2015 ;

2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 14 août 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1403879 du 8 janvier 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2015, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté susvisé du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure suivie est irrégulière faute pour le préfet d'avoir consulté la commission du titre de séjour ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit, le préfet s'étant fondé à tort sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et plus précisément sur son article L 313-14, alors que sa situation relève des stipulations de l'accord franco-tunisien et notamment du d) de son article 7 ter ;

- il remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour sur ce dernier fondement ;

- les périodes pendant lesquelles il a été incarcéré doivent être prises en compte au titre des années au cours desquelles il avait sa résidence habituelle en France ;

- le préfet ne pouvait pas se fonder sur les condamnations pénales prononcées à son encontre pour lui refuser le titre de séjour sollicité, aucun texte et notamment pas l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien ne prévoyant une réserve tenant à l'ordre public ;

- au demeurant, la condamnation prononcée en 2003 à son encontre est ancienne et il n'a pas depuis commis d'infractions graves ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, président,

- et les observations de Me A..., représentant M. B....

1. Considérant que M. B..., de nationalité tunisienne, entré en France à une date indéterminée a, le 30 juillet 2009, sollicité son admission au séjour ; que le préfet des Alpes-Maritimes, après avoir laissé naître une décision implicite de rejet de cette demande, a pris le 14 août 2014 un arrêté refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ; que M. B... relève appel du jugement du 8 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant que pour refuser l'admission au séjour de M. B..., le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour obtenir une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, qu'il ne satisfaisait pas davantage aux prescriptions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire, et que sa présence sur le territoire constituait une menace pour l'ordre public ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 en matière de séjour et de travail : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation " ; que l'article 3 de la même convention stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " " ; que le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que : " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

4. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 précité à l'appui d 'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, au sens de l'article 11 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que si l'autorité administrative ne peut légalement rejeter une demande d'admission exceptionnelle au séjour d'un ressortissant tunisien en qualité de salarié en se fondant sur les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes ait entendu, en l'espèce, rejeter une telle demande sur le fondement de ces dispositions ; que, d'ailleurs, il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que le préfet a estimé que de M. B... ne pouvait se prévaloir utilement des dispositions de l'article L. 313-14 pour obtenir à titre exceptionnel, la délivrance de la carte de séjour salarié mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 dans la mesure où sa situation était réglée par les seules stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ; qu'en revanche, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est prévalu dans sa demande de titre de séjour de considérations tenant à sa vie privée et notamment à la durée de sa résidence habituelle en France ; que le préfet des Alpes-Maritimes l'a rejetée en se fondant sur la circonstance que M. B... ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions des articles L. 313-14 et L 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne produisait aucun élément de nature à établir que sa demande répondait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels ; qu'en refusant dans ce cadre la délivrance à M. B... d'une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7: - les ressortissants tunisiens qui à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans (...) ; " ;

7. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces stipulations qu'il appartient au ressortissant tunisien de justifier par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008 ; que si M. B... soutient résider habituellement en France depuis l'année 1993, et donc depuis plus de dix ans, à la date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, il n'apporte aucun justificatif susceptible d'attester de sa présence sur le territoire national au cours des années 1993 à 1998 et ne justifie pas, par les documents qu'il produits, avoir résidé habituellement en France au cours des années 1999 à 2002 ; qu'en conséquence, au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, M. B... ne pouvait justifier d'une résidence habituelle sur le territoire national de plus de dix ans exigée par les stipulations précitées ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a été écroué du 19 septembre 2002 au 31 décembre 2004 au centre de détention de Tarascon pour purger une peine d'emprisonnement de trois ans, à raison d'une agression sexuelle avec usage ou menace d'une arme et vol aggravé, prononcée par le tribunal de grande instance de Nice le 17 septembre 2003 ; que si M. B... a, depuis sa remise en liberté, résidé en France, ainsi que l'attestent non seulement les pièces produites mais aussi les nombreuses condamnations dont il a fait l'objet depuis lors pour conduite sans permis et sans assurance, conduite en état d'ivresse manifeste, détention frauduleuse de faux documents administratifs, recel de bien provenant d'un vol et port prohibé d'arme de 6ème catégorie, la circonstance invoquée tenant à la durée de son séjour ne constitue pas un motif exceptionnel justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour ; que c'est, par suite, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de régulariser sa situation ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet peut refuser de délivrer la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 lorsque la présence de l'étranger en France constitue une menace pour l'ordre public ; que les faits d'agression sexuelle avec usage ou menace d'une arme et vol aggravé pour lesquels M. B... a été condamné sont particulièrement graves ; que si l'intéressé fait valoir que ces faits sont anciens et que depuis qu'il purgé sa peine d'emprisonnement il n'a plus commis depuis d'infractions graves, il ne ressort pas des pièces du dossier que depuis sa remise en liberté, il ait démontré une volonté et des capacités d'insertion sociale et professionnelle ainsi que l'attestent les nombreuses condamnations dont il a fait l'objet, ainsi que l'absence de toute activité professionnelle connue ; qu'en estimant, dès lors, que la présence de M. B... en France constituait à la date de son arrêté une menace à l'ordre public au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en refusant, en conséquence, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ;

11. Considérant que les années passées en détention au titre d'une peine privative de liberté ne peuvent être regardées comme une période de résidence habituelle au sens de ces dispositions et s'imputer sur le calcul des dix ans qu'elles mentionnent ; que comme il a été dit au point 8, M. B... a été écroué du 19 septembre 2002 au 31 décembre 2004 au centre de détention de Tarascon pour purger une peine d'emprisonnement ; que ces années passées en détention ne peuvent être prises en compte dans le calcul de la durée de résidence habituelle de l'intéressé sur le territoire national ; qu'ainsi, compte tenu de la circonstance, rappelée au point 7, qu'il ne justifie pas avoir résidé habituellement en France avant son emprisonnement en septembre 2002, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de la durée de son séjour de dix ans en France, le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait légalement, par l'arrêté litigieux du 14 août 2014, lui refuser le séjour sans avoir au préalable consulté la commission du titre de séjour ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2016.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00598
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : AYADI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-16;15ma00598 ?
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