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08/11/2016 | FRANCE | N°15MA00708

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2016, 15MA00708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Guyanet a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler le marché public de " prestation de nettoyage des locaux administratifs de la préfecture de la région Guyane " conclu par l'Etat.

Par un jugement n° 1300581 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2015, la société Guyanet, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce

jugement du tribunal administratif de la Guyane du 18 décembre 2014 ;

2°) d'annuler le marché public de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Guyanet a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler le marché public de " prestation de nettoyage des locaux administratifs de la préfecture de la région Guyane " conclu par l'Etat.

Par un jugement n° 1300581 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2015, la société Guyanet, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 18 décembre 2014 ;

2°) d'annuler le marché public de " prestation de nettoyage des locaux administratifs de la préfecture de la région Guyane " conclu par l'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par avis d'appel public à la concurrence, publié le 6 février 2013 dans le journal France Guyane, le préfet de la Guyane a lancé une procédure adaptée pour l'attribution d'un marché public relatif aux prestations de nettoyage des locaux administratifs de la préfecture de la région Guyane. Par lettre datée du 23 avril 2013, la société Guyanet a été informée de ce que le marché avait été attribué à la société NetIbis et qu'elle-même avait été classée en troisième position s'agissant des variantes 1 et 2. La société Guyanet relève appel du jugement n° 1300581 du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce marché.

Sur la recevabilité de la demande :

2. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.

3. Il résulte de l'instruction que la société Guyanet a été informée du rejet de son offre par une lettre datée du 23 avril 2013 et qui lui a donc été notifiée au plus tôt à cette date. Par suite, la demande en contestation de la validité du contrat enregistrée par le greffe du tribunal administratif de Guyane le 24 juin 2013 ne saurait être regardée comme tardive. La fin de non-recevoir opposée en première instance ne peut dès lors qu'être rejetée.

Sur la contestation de la validité du contrat :

4. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat. Saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.

5. A l'appui d'un recours en contestation de la validité d'un contrat signé, comme en l'espèce, avant le 4 avril 2014, le concurrent évincé peut invoquer tout moyen. Ainsi, et comme le soutient à juste titre la société requérante, le caractère opérant des moyens soulevés par cette dernière ne saurait être subordonné à la circonstance que les vices auxquels ces moyens se rapportent soient en rapport direct avec l'intérêt lésé de la requérante.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance des informations données par le pouvoir adjudicateur quant aux caractéristiques essentielles du contrat :

6. En vertu du principe d'égalité de traitement des candidats, rappelé à l'article 1er du code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur doit porter à la connaissance de tous les candidats les caractéristiques essentielles du contrat. S'agissant d'un marché de nettoyage, et donc, d'une activité à forte intensité de main d'oeuvre, la masse salariale mise en oeuvre par le précédent titulaire du marché, dont il est constant qu'elle était susceptible de devoir être reprise, devait être portée à la connaissance des candidats.

7. Il est constant que le pouvoir adjudicateur n'a pas communiqué aux candidats la liste des salariés à reprendre en application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 étendue par l'arrêté du 23 juillet 2012. Il ne saurait à cet égard être reproché à la société requérante de n'avoir pas posé de questions concernant la reprise des personnels dès lors que ces informations devaient figurer dans les documents de la consultation. Par suite, et à l'exception de la précédente attributaire du marché, les candidats n'ont reçu à aucun moment une information suffisante sur l'élément essentiel que constituait, eu égard au poids des charges de personnel dans l'activité considérée, la masse salariale qu'ils étaient susceptibles de devoir reprendre pour la préparation de leur offre. Par suite, l'absence d'information des entreprises candidates sur le personnel à reprendre a constitué une atteinte au principe d'égalité de traitement des candidats.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'imprécision du critère de sélection " adéquation de l'offre au cahier des charges " :

8. Les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes qui découlent de l'exigence d'égal accès à la commande publique, rappelés par le II de l'article 1er de ce code. Les marchés passés selon la procédure adaptée prévue à l'article 28 du même code sont soumis aux dispositions de son article 1er, comme tous les contrats entrant dans le champ d'application de celui-ci. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors également porter sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères. Il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné. Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il lui appartient, y compris lorsqu'il met en oeuvre une procédure adaptée sur le fondement de l'article 28 du code des marchés publics, d'assurer l'information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Cette information appropriée suppose que le pouvoir adjudicateur indique aussi les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures. Par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur entend fixer des niveaux minimaux de capacité, ces derniers doivent aussi être portés à la connaissance des candidats. Cette information appropriée des candidats n'implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en oeuvre des critères de sélection des candidatures.

9. La société Guyanet fait valoir que les critères de sélection des offres sont imprécis et laissent au pouvoir adjudicateur une liberté de choix discrétionnaire ne permettant pas de garantir l'égalité de traitement des candidats dans la mesure où la notion d' " adéquation de l'offre aux cahiers des charges ", pondérée à hauteur de 30%, ne permet pas de savoir quelles dispositions du cahier des charges sont visées.

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10. Le règlement de la consultation a retenu, parmi les critères d'attribution, le " prix " de la proposition pour un pourcentage de 60%, l' " adéquation de l'offre au cahier des charges " pour un pourcentage de 30% et le " délai d'intervention ", pondéré à 10%. Or, le second critère était très général et le règlement de la consultation ne décrivait pas non plus les modalités de sa mise en oeuvre. Si l'Etat soutient, dans son mémoire en défense, que " tout soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent " devait comprendre que ce second critère visait à apprécier " la concordance et la cohérence des termes de l'offre (moyens humains, organisation) au regard des exigences du CCTP, en l'espèce exprimées en surfaces à nettoyer, type de local et de sol, fréquence et méthode de nettoyage ", le règlement de consultation ne comportait aucun élément en ce sens et n'indiquait pas les dispositions du cahier des charges qui devaient être appréciées par le pouvoir adjudicateur. En outre, le pouvoir adjudicateur devait en principe exercer un contrôle de conformité des offres au CCTP et rejeter comme irrégulières les offres ne respectant pas les exigences de ce document. Dans ces conditions, le pouvoir adjudicateur, qui ne pouvait faire du respect d'un document contractuel dont les exigences devaient être respectées par les candidats, un critère d'appréciation de l'offre, n'a pas porté à la connaissance des candidats les modalités de mise en oeuvre des critères d'attribution du marché, et a ainsi porté atteinte au principe d'égal accès à la commande publique.

En ce qui concerne l'absence de notation distincte des deux variantes :

11. Aux termes de l'article 3.1 du cahier des clauses techniques particulières : " Le nettoyage sera effectué par local ou zone selon une fréquence définie comme suit. Deux variantes ont été établies. Les candidats devront répondre sur ces deux variantes ".

12. La société Guyanet reproche au pouvoir adjudicateur d'avoir procédé à une notation globale des variantes 1 et 2 s'agissant des critères relatifs à l'adéquation de l'offre au cahier des charges et au délai d'intervention.

13. Selon le CCTP, la différence entre les deux variantes du marché tient au fait que la variante 1 prévoit un nettoyage des vitres des bâtiments une fois par semestre alors que la seconde variante retient un nettoyage trimestriel. Ces variantes diffèrent ainsi seulement par la fréquence de nettoyage des vitres des bâtiments. La circonstance que s'agissant de l'adéquation de l'offre et des délais d'intervention, la note, pour ces deux variantes, ait été de 1, ce qui correspond à une adéquation excellente de l'offre au CCTP et à un très bon délai d'intervention, quelle que soit la variante, ne saurait suffire à établir que le pouvoir adjudicateur aurait procédé à une notation globale des offres de bases et des variantes alors que les notes finales pour chacune des options sont finalement différentes. Enfin, le classement des sociétés étant identique quelle que soit l'option retenue, il ne saurait lui été reproché de n'avoir pas formellement indiqué le double classement résultant de l'analyse des offres en fonction des variantes.

Sur les conséquences de l'illégalité du contrat :

14. D'une part, en vertu de l'article 4.3 du règlement de consultation et de l'article 1.4 du cahier des clauses administratives particulières applicable au contrat, le marché en litige devait être conclu pour une durée d'un an avec possibilité de deux reconductions tacites d'un an chacune, sans que la durée totale du marché ne puisse excéder trois ans. Il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement de la société NetIbis a été signé le 15 avril 2013. Ainsi, les prestations dudit contrat ayant, à ce jour, été entièrement exécutées, la résiliation de celui-ci ne peut être prononcée.

15. D'autre part, seule une illégalité affectant le consentement des parties ou la validité du contrat lui-même, ou certains vices d'une particulière gravité, justifient que soit prononcée l'annulation du contrat.

16. Peuvent constituer un vice d'une particulière gravité, de nature à justifier l'annulation d'un contrat, des manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence, lorsqu'ils révèlent notamment la volonté de favoriser un candidat. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les deux manquements relevés ci-dessus auraient été commis délibérément ni qu'ils révèleraient une collusion entre la société NetIbis et l'administration, au détriment des autres entreprises candidates. Ainsi, et en l'absence de circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, les vices retenus précédemment ne justifient pas que soit prononcée l'annulation du marché. Par suite, et en tant qu'elles reposent sur les moyens précités, les conclusions de la société Guyanet qui tendent à l'annulation du marché attaqué ne peuvent qu'être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Guyanet n'est pas fondée à se plaindre du rejet, par le jugement attaqué, de sa demande à fin d'annulation du contrat litigieux.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Ces dispositions font obstacle à que soit mis à la charge de l'Etat le versement à la société Guyanet de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de la société Guyanet est rejetée.

2

N° 15BX00313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00708
Date de la décision : 08/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions. Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Serge GONZALES
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL CABINET MANCILLA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-11-08;15ma00708 ?
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