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06/01/2017 | FRANCE | N°16MA01405

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 06 janvier 2017, 16MA01405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2015 par lequel le préfet de l'Aude l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1506272 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2016, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib

unal administratif de Montpellier du 10 mars 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2015 lui f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2015 par lequel le préfet de l'Aude l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1506272 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2016, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 mars 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- en l'absence d'examen de sa situation, la décision contestée est irrégulière ;

- le préfet ne pouvait considérer qu'il ne justifiait pas de la communauté de vie avec sa compagne et des liens avec son père et sa fratrie ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- étant père de deux enfants nés en France, cette décision viole les articles 3-1, 9-1 et 10-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2016, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Massé-Degois a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. D..., de nationalité congolaise, relève appel du jugement du 10 mars 2016 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2015 par lequel le préfet de l'Aude l'a obligé à quitter le territoire français ;

2. Considérant, en premier lieu, que la décision faisant obligation de quitter le territoire français à M. D..., qui vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fait état de la situation administrative et personnelle de ce dernier et des conditions de son séjour en France en rappelant notamment l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 10 juillet 2014 notifié le 25 juillet suivant à sa sortie de prison et indique qu'il se maintient en situation irrégulière en France et que les conséquences de cette décision ne paraissent pas disproportionnées par rapport à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que les éléments de droit et de fait mentionnés dans la décision en litige témoignent de l'examen particulier de la situation particulière de M. D... au regard de sa vie privée et familiale ; que, par suite, et ainsi que l'a jugé le tribunal, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que M. D... ne peut utilement reprocher au préfet de l'Aude, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, de s'être fondé sur une absence de justification des faits relatifs à sa situation personnelle dès lors que, ainsi que l'ont estimé les premiers juges sans commettre d'erreur d'appréciation, les indications figurant dans la décision en litige attestent de l'examen de sa situation au regard des éléments dont disposaient les services préfectoraux ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'en application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ;

5. Considérant que M. D..., qui après être entré en France, à l'âge de 15 ans, le 10 octobre 2008 muni d'un visa de long séjour pour y rejoindre son père naturalisé français, sans solliciter à sa majorité, le 5 novembre 2010, son admission au séjour, a fait l'objet, d'une part, le 4 mai 2012 d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 juillet 2012 puis par un arrêt de la Cour de céans n° 12MA03465 du 18 juin 2013, et, d'autre part, d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 10 juillet 2014, notifié le 25 juillet suivant au centre pénitentiaire de Béziers, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 novembre 2014 puis par un arrêt de la Cour de céans n° 15MA00891 du 25 février 2016 ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. D... ne produit aucune pièce, à l'exception d'une simple attestation du 7 août 2014 de son père corroborée par aucun élément objectif, de nature à justifier de sa résidence habituelle en France depuis sa majorité ; que les témoignages versés au dossier, rédigés en juillet et en août 2014, par le frère et les demi-frères et demi-soeurs de M. D..., qui se bornent à faire état de leur lien de parenté, ne sont pas de nature à établir l'existence des liens familiaux allégués ; que si M. D... est le père d'une enfant, née le 8 octobre 2012 à Béziers de sa relation avec Mme G... B...épouseE..., celle-ci a cependant été confiée à l'aide sociale à l'enfance depuis le 10 décembre 2012 et placée en famille d'accueil ; que si M. D... bénéficie d'un droit de visite et justifie avoir exercé ce droit de manière assidue jusqu'au 16 octobre 2013, il ne justifie pas exercer ce droit depuis cette date et ne démontre pas pourvoir à l'entretien et l'éducation de sa fille par la seule attestation d'un éducateur spécialisé de l'Association prévention spécialisée 34 datée du 14 avril 2014 qui se borne à mentionner l'engagement de démarches en vue de la régularisation de son séjour et de l'accueil de cette dernière ; que si M. D... est également le père d'un enfant, né le 16 novembre 2015 à Béziers de sa relation avec une ressortissante française, les pièces du dossier ne permettent toutefois ni d'établir la communauté de vie du couple à la date de la décision attaquée, ni l'existence d'une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son second enfant né deux mois après la décision contestée ; qu'eu égard à la durée et aux conditions irrégulières de son séjour, nonobstant l'âge auquel il est arrivé sur le territoire national, compte tenu de ses difficultés d'insertion dans la société française et en dépit du fait que résident en France son père, l'un de ses frères et sept de ses demi-frères ou demi-soeurs, de nationalité française, M. D..., qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine alors même que sa mère serait portée disparue depuis 2009, n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et qu'elle aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de l'Aude n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que sa décision emporte sur la situation personnelle de M. D... ;

6. Considérant, en quatrième lieu, et, d'une part, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, d'autre part, selon l'article 9-1 de la même convention : " Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré (...) " et selon l'article 10-1 de ladite convention : " Conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence " ;

7. Considérant que M. D..., au soutien du moyen tiré de la violation des stipulations précitées, se prévaut des conséquences de sa séparation avec sa fille et son fils ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, l'intéressé n'établit pas exercer effectivement depuis le mois d'octobre 2013 le droit de visite défini par le juge aux affaires familiales auprès de sa fille ni entretenir des relations paternelles avec ses enfants, ni pourvoir à leur entretien et à leur éducation ; que, dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal, en obligeant M. D... à quitter le territoire français, le préfet de l'Aude, n'a pas insuffisamment pris en compte l'intérêt supérieur de ses deux enfants et la décision en litige n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'enfin, M. D... ne peut utilement se prévaloir des stipulations des articles 9 et 10 de la même convention internationale qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé, en tout état de cause, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me F...C....

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Massé-Degois, première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 janvier 2017.

2

N° 16MA01405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01405
Date de la décision : 06/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : DUBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-01-06;16ma01405 ?
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