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20/06/2017 | FRANCE | N°15MA03497

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 20 juin 2017, 15MA03497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête enregistrée sous le n° 1400562, la SAS Hôtel Carré Noir a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 12 juin 2014 par lequel le maire de la commune de Porto-Vecchio a ordonné la fermeture administrative de son établissement jusqu'à ce que les travaux prescrits par la commission de sécurité de l'arrondissement de Sartène soient réalisés.

Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1400901, cette même société a demandé au tribunal d'ann

uler l'arrêté du 14 août 2014 par lequel le maire de la commune de Porto-Vecchio a ordonné l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête enregistrée sous le n° 1400562, la SAS Hôtel Carré Noir a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 12 juin 2014 par lequel le maire de la commune de Porto-Vecchio a ordonné la fermeture administrative de son établissement jusqu'à ce que les travaux prescrits par la commission de sécurité de l'arrondissement de Sartène soient réalisés.

Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1400901, cette même société a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 14 août 2014 par lequel le maire de la commune de Porto-Vecchio a ordonné la fermeture administrative de son établissement jusqu'à la réalisation des travaux prescrits par la commission de sécurité de l'arrondissement de Sartène.

Par un jugement n° 1400562-1400901 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Bastia a annulé les arrêtés précités des 12 juin et 14 août 2014 et a mis à la charge de la commune de Porto-Vecchio une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la société Hôtel Carré Noir.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 août 2015, la commune de Porto-Vecchio, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 juin 2015 ;

2°) de rejeter les demandes en annulation des arrêtés précités ;

3°) de mettre à la charge de la société Hôtel Carré Noir le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les deux arrêtés en litige ont été pris conformément aux dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- l'arrêté du 12 juin 2014 n'est pas entaché d'illégalité, dès lors que la commission de sécurité était impartiale, la présence, dans cette commission, d'une personne ayant la qualité d'exploitante d'un hôtel à Porto-Vecchio n'ayant eu aucune d'influence ;

- les deux arrêtés en litige sont suffisamment motivés et ne sont pas entachés d'une erreur d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2017, la SAS Hôtel Carré Noir conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune appelante la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Porto-Vecchio ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que La S.A.S. Hôtel Carré Noir exploite depuis l'année 2011, sans aucune autorisation administrative, un fonds de commerce d'hôtellerie et location meublée sis lieudit Bella Vista, Santa Giulia à Porto-Vecchio ; que, par un premier arrêté du 12 juin 2014, le maire de la commune de Porto-Vecchio a ordonné la fermeture administrative de l'établissement Hôtel Carré Noir à compter de la notification de la décision et jusqu'à ce que les prescriptions fixées par la commission départementale de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public de l'arrondissement de Sartène, dans son procès-verbal du 19 décembre 2013, soient réalisées ; que, par un second arrêté du 14 août 2014, le maire de cette même commune a abrogé l'arrêté du 12 juin 2014 et a ordonné à nouveau la fermeture administrative de l'établissement également à compter de la notification de la décision et jusqu'à ce que les prescriptions fixées par la commission de sécurité, dans son procès-verbal du 11 août 2014, soient réalisées ; que par jugement n° 1400562-1400901 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Bastia a annulé les arrêtés précités des 12 juin et 14 août 2014 et a mis à la charge de la commune de Porto-Vecchio une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la société Hôtel Carré Noir ; que la commune de Porto-Vecchio relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces produites en cause d'appel, notamment de la lettre en date du 23 mai 2014 du préfet de la Corse du Sud accompagnée d'un accusé de réception lisible et mentionnant les risques graves encourus par le public en cas d'ouverture constitués notamment par l'absence d'alarmes dans certaines parties de l'établissement, le défaut d'isolement des chambres et l'éclairage de sécurité non conforme aux normes que la société Hôtel Carré Noir a été mis à même de présenter dans les meilleurs délais ses observations orales ou écrites avant que l'arrêté en litige du 12 juin 2014 ne soit édicté ; que de surcroît, le procès-verbal de visite de la commission départementale de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, établi le 19 décembre 2013, aux termes duquel l'établissement était invité à se mettre en conformité avec les normes de sécurité dans les meilleurs délais possibles, et en tout état de cause avant la réouverture estivale, lui a été notifié le 9 janvier 2014 ; que, dans ces conditions, le motif d'annulation de la première décision de fermeture tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 manque en fait ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il est constant que l'arrêté de fermeture du 14 août 2014 a été pris à la suite d'un nouvel avis défavorable de la commission départementale de sécurité, en date du 11 août 2014 ; que si la SAS Hôtel Carré Noir soutient qu'elle n'a réceptionné l'avis, accompagné d'une lettre du maire en date du 12 août 2014, lequel l'invitait, une nouvelle fois, à se conformer aux prescriptions émises, seulement le 14 août 2014, soit le jour même de l'édiction de l'arrêté, cet élément n'a pas eu, dans les circonstances de l'espèce, pour effet d'entacher la décision en litige d'une violation de la procédure contradictoire préalable, dès lors que le précédent arrêté de fermeture était toujours exécutoire, même si la société ne le respectait pas, et que les principales prescriptions émises par la commission, en particulier celles portant sur l'absence d'alarmes dans certaines parties de l'établissement et d'un éclairage non conforme aux règles de sécurité, n'avaient toujours pas été réalisées ;

5. Considérant que la commune de Porto-Vecchio est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a retenu le moyen de la méconnaissance du contradictoire pour annuler les arrêtés en litige ; qu'il appartient toutefois à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Hôtel Carré Noir devant le tribunal administratif et en cause d'appel ;

6. Considérant, en premier lieu, que, pour prononcer la fermeture de l'établissement par un arrêté du 12 juin 2014, le maire de la commune de Porto-Vecchio s'est référé au procès-verbal précis et motivé de la commission de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public rédigé le 19 décembre 2013, lequel a souligné l'absence de respect de nombreuses prescriptions ; que, par ailleurs, eu égard à la notification de ce procès-verbal, du visa des dispositions législatives et réglementaires applicables et à l'existence depuis l'année 2011 d'une procédure contradictoire à l'encontre de la société Hôtel Carré Noir, la simple erreur de visa relatif à l'article L. 123-27 du code de la construction et de l'habitation n'est pas de nature à entacher en l'espèce la décision litigieuse d'une insuffisance de motivation en droit ou d'un défaut de base légale ; que pour les mêmes raisons, tenant également à la référence du procès-verbal de la commission de sécurité en date du 11 août 2014 réclamant à nouveau la mise en conformité de l'établissement, le second arrêté de fermeture ne souffre d'aucune insuffisance de motivation ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que chaque arrêté de fermeture serait entachée d'un défaut de motivation au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la simple présence, le 17 décembre 2013, aux débats de la commission de sécurité de l'arrondissement de Sartène de MmeB..., adjointe au maire de Porto-Vecchio et exploitante d'un hôtel situé sur le territoire communal à plus de dix kilomètres de l'Hôtel Carré Noir, qui n'a ni pris la parole, ni pris part au vote, n'a pu, par elle-même, avoir une influence déterminante tant sur le sens de l'avis unanime donné par cet organe que sur l'arrêté du maire du 12 juin 2014 ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la commission de sécurité a mentionné dans son procès-verbal du 19 décembre 2013 suffisamment circonstancié, des carences graves notamment en matière d'incendie, soulignant notamment " l'absence d'alarmes dans certains bâtiments ", ainsi que le " défaut d'isolement des chambres et des locaux à risques " et la " non-conformité de l'éclairage de sécurité " ; qu'eu égard à l'existence de risques importants pour la sûreté des usagers de l'établissement, en raison de l'impossibilité de les alerter de la nécessité d'évacuer les bâtiments et du risque de blocage qui peut s'ensuivre, la fermeture de l'établissement s'imposait jusqu'à ce que les travaux de mise en conformité soient effectués ; qu'à supposer même qu'un poteau incendie normalisé aurait été installé à moins de deux cents mètres de l'établissement, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le maire de la commune de Porto-Vecchio, en ordonnant la fermeture administrative de l'hôtel carré noir par sa décision du 12 juin 2014, aurait commis une erreur d'appréciation ;

9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que s'agissant du second arrêté de fermeture, l'avis de la commission du 12 août 2014 mentionne que si certaines mesures préconisées par le précédent avis ont été réalisées de nombreuses autres l'ont été seulement partiellement ; que le rapport précise ainsi que si la sécurité a été améliorée, il y avait encore lieu de préconiser dix-sept mesures de sécurité ainsi que sept mesures permanentes ; qu'en outre et en tout état de cause la SAS ne saurait utilement se prévaloir de l'autorisation d'ouverture de l'hôtel du maire, édicté en octobre 2015, soit postérieurement à l'édiction des arrêtés en litige pris respectivement les 12 juin et 14 août 2014 ; qu'ainsi pour les mêmes motifs exposés au point 8, et alors que la société ne conteste pas sérieusement les mesures préconisées, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le maire de la commune de Porto-Vecchio, en ordonnant la fermeture administrative de l'hôtel carré noir par sa décision du 14 août 2014 aurait commis une erreur d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la commune de Porto-Vecchio est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé les deux arrêtés en litige ; qu'elle est, par suite, fondée à demander l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande d'annulation de la SAS Hôtel Carré Noir ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Hôtel Carré Noir la somme que la commune appelante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Porto-Vecchio, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par la SAS Hôtel Carré Noir au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1400562-1400901 du tribunal administratif de Bastia du 25 juin 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SAS Hôtel Carré Noir devant le tribunal administratif de Bastia ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Porto-Vecchio tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hôtel Carré Noir et à la commune de Porto-Vecchio.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, où siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2017.

4

N° 15MA03497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03497
Date de la décision : 20/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure contradictoire - Caractère obligatoire.

Police - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP CASALTA - GASCHY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-20;15ma03497 ?
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