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04/07/2017 | FRANCE | N°14MA05189

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2017, 14MA05189


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les décisions implicites de rejet opposées par la société Orange à ses demandes en date des 11 janvier, 20 janvier et 7 février 2012 tendant au retrait de sa mutation sur un poste de gestionnaire à l'unité d'intervention de Marseille et à sa mutation sur un poste correspondant à son grade et à ses compétences, la décision du 5 mars 2012 le plaçant en congé de maladie d'office, la décision du 25 mai 2012 par laquelle

la société Orange lui a fait savoir qu'il allait être reçu par le directeur de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les décisions implicites de rejet opposées par la société Orange à ses demandes en date des 11 janvier, 20 janvier et 7 février 2012 tendant au retrait de sa mutation sur un poste de gestionnaire à l'unité d'intervention de Marseille et à sa mutation sur un poste correspondant à son grade et à ses compétences, la décision du 5 mars 2012 le plaçant en congé de maladie d'office, la décision du 25 mai 2012 par laquelle la société Orange lui a fait savoir qu'il allait être reçu par le directeur des ressources humaines le 12 juin 2012 et que, dans l'attente, il pouvait rester à son domicile sans produire d'arrêt de travail, ainsi que le refus implicite de lui communiquer divers documents, d'autre part, de condamner la société Orange au paiement, en réparation des conséquences dommageables résultant du harcèlement moral dont il a fait l'objet, des sommes de 200 000 euros et 700 000 euros.

Par un jugement n° 1203109 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2014 et le 8 mars 2016, M. C..., représenté par Me A...D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 novembre 2014 ;

2°) d'annuler, en premier lieu, les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par la société Orange sur ses demandes des 11 janvier, 20 janvier et 7 février 2012 tendant au retrait de sa mutation sur un poste de gestionnaire à l'unité d'intervention de Marseille et à sa mutation sur un poste correspondant à son grade, ainsi qu'à l'annulation de la décision en date du 5 mars 2012 le plaçant en congé maladie d'office ;

3°) de condamner la société Orange à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires de première instance étaient recevables ;

- les documents produits établissent que la société Orange l'a affecté à 3 reprises sur des emplois ne correspondant pas à son classement statutaire ;

- le placement en congé d'office le 22 février 2012 est irrégulier et n'est justifié par aucun motif médical ;

- les fautes alléguées et le harcèlement moral qui en résulte sont établis et justifient la condamnation de la société Orange au paiement des sommes demandées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2016, la société Orange, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de M. C... à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la procédure présente un caractère abusif qui justifie que le requérant soit condamné à lui verser la somme demandée au titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance du 10 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renouf,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me A... D..., représentant M.C....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision du 5 mars 2012 :

1. Considérant que si M. C... réitère devant la Cour ses conclusions tendant à l'annulation de la décision révélée, selon lui, par le courrier qui lui a été adressé le 5 mars 2012, il ne conteste pas l'irrecevabilité que le tribunal a opposé auxdites conclusions ; qu'ainsi, ces conclusions doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les décisions implicites attaquées :

2. Considérant qu'il est constant que les emplois de la société Orange sont classés en 11 niveaux hiérarchiques, depuis le niveau I-1, le moins élevé, jusqu'au niveau IV-2, le plus élevé ; que M. C..., qui avait la qualité de cadre depuis de nombreuses années, était classé lors des affectations en litige au niveau hiérarchique III-3 ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du compte rendu du " parcours d'intégration " établi par société Orange pour le comité technique paritaire de novembre 2012 que la société Orange a affecté M. C... sur un emploi de catégorie II-1 lors de sa reprise des fonctions le 17 janvier 2011, soit 5 niveaux en dessous du niveau détenu par l'intéressé ; que M. C... a ensuite été affecté le 11 avril 2011 sur un emploi de niveau II-2 puis, le 23 janvier 2012, sur un emploi de niveau II-3 ; qu'ainsi, et alors qu'il est constant que le DRH de la direction opérationnelle Sud-Est s'est engagé le 12 juin 2012 à nommer à l'avenir M. C... sur un poste " en lien avec son grade ", il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été affecté les 17 janvier 2011, 11 avril 2011 et 23 janvier 2012, successivement, sur 3 emplois ne correspondant pas à son grade ;

3. Considérant que la société Orange se prévaut de ce qu'elle a organisé un " parcours d'insertion " au bénéfice de l'intéressé en raison de son état de santé et que les affectations en litige devaient permettre à chaque étape de vérifier l'aptitude de M. C... à exercer ses fonctions ; que cependant, il ressort des pièces du dossier que le comité médical qui a décidé, le 2 décembre 2010, que M. C..., en congé de maladie depuis plus d'un an, était apte à reprendre ses fonctions, a jugé en outre qu'il n'était pas utile d'adapter l'emploi que M. C... avait vocation à occuper et n'a pas préconisé le reclassement de l'intéressé sur un emploi ne correspondant à son grade, alors que le formulaire sur lequel le comité exprime ses préconisations lui en offre expressément la possibilité ; qu'en outre, la circonstance que le médecin du travail de l'entreprise ait jugé M. C... apte aux emplois sur lesquels la société Orange avait décidé de l'affecter, sans tenir compte de la décision du comité médical, n'implique pas que ledit médecin, qui n'était en tout état de cause pas habilité à s'opposer à la décision du comité médical consulté sur ce point, ait jugé M. C... inapte aux emplois correspondant à son grade ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le comité médical n'a pas modifié par la suite son opinion de l'aptitude de l'intéressé à l'exercice des emplois de son grade, lors de ses décisions des 21 avril 2011 et 21 juillet 2011 ;

4. Considérant qu'ainsi, le motif médical invoqué par la société Orange pour justifier ses décisions de nommer M. C... sur des emplois inférieurs à son grade manque en fait ; que, par suite, M. C... était fondé à demander à occuper des emplois correspondant à son grade ; que, par suite, sans que la circonstance que M. C... aurait, selon la société Orange, accepté d'occuper les emplois sur lesquels elle l'avait nommé ait une incidence sur la légalité de ces affectations, les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par la société Orange sur les demandes de M. C... en date des 11 janvier, 20 janvier et 7 février 2012 tendant au retrait de sa mutation sur un poste de gestionnaire à l'unité d'intervention de Marseille et tendant à sa mutation sur un poste correspondant à son grade doivent être annulées ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

5. Considérant, en premier lieu, qu'en affectant illégalement M. C..., ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur des emplois inférieurs à son grade les 17 janvier 2011, 11 avril 2011 et 23 janvier 2012, la société Orange a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée pendant laquelle l'intéressé a subi cette situation irrégulière qui n'a pris fin qu'en novembre 2012 et au contexte de contestation persistante par la société Orange de l'aptitude de M. C... à exercer ses fonctions ainsi qu'à l'incidence de cette contestation sur le bien-être et la santé de l'intéressé, il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi en condamnant la société Orange à lui verser à ce titre la somme de 10 000 euros ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, par un courrier du 5 mars 2012, la société Orange a interdit à M. C... de se rendre à son travail et lui a enjoint de " transmettre des arrêts de travail de votre médecin traitant jusqu'à la date de passage en comité médical " ; que, si le médecin du travail de la société Orange pouvait éventuellement placer M. C... en arrêt de travail, l'injonction adressée à un agent qui ne s'estime pas malade de solliciter des arrêts de travail de son médecin traitant est en elle-même entachée d'illégalité ; qu'en outre, et alors que seule la santé psychologique de M. C... est en cause, il résulte de l'instruction que, dès le 22 mars 2012, un psychiatre des hôpitaux du service de psychiatrie des adultes de l'AP-HM a attesté de l'aptitude de M. C... à exercer ses fonctions, que le comité médical compétent, réuni le 10 mai 2012, a refusé de placer M. C... dans l'une quelconque des situations d'arrêt de maladie légalement envisageables et s'est prononcé sans réserve pour la reprise par l'intéressé de ses fonctions dès le jour de la réunion ; qu'enfin, si la société Orange invoque dans son courrier du 5 mars 2012 une position du médecin du travail prise à l'issue d'une rencontre organisée le 22 février 2012, elle n'a produit à l'appui de cette allégation aucun document, alors même que la Cour lui a expressément demandé le 5 avril 2017 de produire le document qu'aurait établi le médecin du travail à l'issue de cette réunion ; qu'ainsi, M. C... est fondé à se prévaloir du caractère irrégulier et injustifié de la mesure prise à son encontre le 5 mars 2012 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice qui en est résulté pour l'intéressé dans les circonstances particulières de l'espèce, en condamnant la société Orange à lui verser la somme de 3 000 euros à ce titre ;

7. Considérant, en revanche, que le harcèlement moral dont M. C... demande par ailleurs à être indemnisé repose pour partie sur des faits antérieurs qui ont déjà donné lieu à des décisions juridictionnelles portant sur le harcèlement allégué, devenues définitives ; que, s'agissant des faits nouveaux allégués, à savoir le caractère irrégulier des affectations 2011-2012 et de l'injonction de se placer en arrêt de maladie début 2012, ceux-ci ont donné lieu à une indemnisation du préjudice qui en a résulté, sans que la qualification de harcèlement moral soit, dans les circonstances de l'espèce, de nature à justifier l'ajout d'une indemnisation supplémentaire ; qu'ainsi, les conclusions indemnitaires de M. C... fondées sur le harcèlement moral invoqué doivent être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par la société Orange à ses demandes des 11 janvier, 20 janvier et 7 février 2012 tendant au retrait de sa mutation sur un poste de gestionnaire à l'unité d'intervention de Marseille et à sa mutation sur un poste correspondant à son grade et a, d'autre part, rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions reconventionnelles de la société Orange :

9. Considérant que si la société Orange demande que M. C... soit condamné à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice que lui aurait causé le caractère prétendument abusif de sa requête, ces conclusions ne sauraient, dans les circonstances de l'espèce, être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Orange demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par la société Orange sur les demandes de M. C... en date des 11 janvier, 20 janvier et 7 février 2012 tendant au retrait de sa mutation sur un poste de gestionnaire à l'unité d'intervention de Marseille et à sa mutation sur un poste correspondant à son grade sont annulées.

Article 2 : La société Orange est condamnée à verser à M. C... la somme de 13 000 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 novembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions reconventionnelles présentées par la société Orange sont rejetées.

Article 6 : La société Orange versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. Renouf, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2017.

N° 14MA05189 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA05189
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : VAN ROBAYS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-07-04;14ma05189 ?
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