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15/09/2017 | FRANCE | N°16MA03045

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 15 septembre 2017, 16MA03045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...veuve C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1602559 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B... veuveC....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enre

gistrée le 22 juillet 2016, Mme B... veuveC..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...veuve C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1602559 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B... veuveC....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2016, Mme B... veuveC..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 juillet 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 8 décembre 2015 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de la somme de 2 000 euros.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'administration en fondant sa décision sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les moyens tirés d'une insuffisance de motivation, d'une erreur de droit, et d'une erreur de fait n'étaient pas inopérants ;

- en l'absence d'indication du nom et du prénom du préfet délégant sa signature, l'arrêté en litige est entaché d'un vice de forme ;

- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé ;

- l'administration a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa demande en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article 6.7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle a commis une seconde erreur de droit en lui opposant les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté comporte une erreur de fait sur sa situation personnelle ;

- une atteinte excessive a été portée à sa vie privée et familiale, en violation de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas le certificat de résidence prévu à l'article 7 bis de l'accord franco-algérien sur le fondement de son pouvoir de régularisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, il n'a pas méconnu son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel.

Le bureau d'aide juridictionnelle a constaté, le 12 décembre 2016, la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme B... VeuveC....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.

1. Considérant que, par jugement du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B... veuveC..., de nationalité algérienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme B... Veuve C...relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que le tribunal n'a pas répondu au moyen, qui n'est pas inopérant, tiré de l'erreur de droit commise par l'administration en fondant sa décision sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont pas applicables à un ressortissant algérien ; que, par suite, Mme B... Veuve C...est fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... veuve C...devant le tribunal administratif de Montpellier ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; / 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 bis du même accord : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées (...) " ;

5. Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté est signé, pour le préfet, par M. Olivier Jacob, secrétaire général ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, n'imposent à l'administration de faire figurer également, dans une telle hypothèse, le nom et le prénom du préfet ; que, dès lors, le moyen tiré d'un vice de forme doit être écarté ;

6. Considérant en deuxième lieu que l'arrêté préfectoral contesté comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles il est fondé ; qu'ainsi il satisfait aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, alors en vigueur ;

7. Considérant en troisième lieu qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que Mme B... veuve C...aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de son état de santé ; qu'en particulier, elle ne saurait utilement se prévaloir sur ce point d'un certificat médical établi le 14 janvier 1976, postérieurement à l'arrêté en litige, mentionnant qu'elle souffre d'un diabète de type 2 et d'une hypertension artérielle, au demeurant sans aucune indication sur les conséquences d'un éventuel défaut de soins ou sur l'éventuelle inexistence d'un traitement approprié en Algérie ; que, dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas tenu de vérifier d'office si l'intéressée pouvait prétendre au bénéfice d'un titre de séjour en application d'autres stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, n'a pas commis d'erreur de droit en n'examinant pas la demande de l'intéressée sur le fondement de l'article 6.7 de cet accord ;

8. Considérant en quatrième lieu que Mme B... veuveC..., née le 18 janvier 1942 et dont l'époux est décédé en Algérie en 1989, est entrée sur le territoire français le 12 octobre 2013 ; qu'elle ne séjournait ainsi en France que depuis un peu plus de deux ans à la date de l'arrêté préfectoral ; que sept de ses enfants séjournent régulièrement sur le territoire français ou disposent de la nationalité française ; que ses petits-enfants sont également de nationalité française ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-et-onze ans et où vivent deux de ses fils ; qu'en tout état de cause elle n'établit pas que ces derniers ne pourraient lui apporter une assistance financière ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme B... veuveC..., le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, la requérante ne peut se prévaloir de la violation ni des stipulations de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant en cinquième lieu que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par conséquent, en examinant la situation de Mme B... veuve C...sur le fondement de ces dispositions, le préfet a commis une erreur de droit ;

10. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui sur lequel l'administration s'est appuyée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision en litige, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée et ait été mis à même de présenter des observations sur ce point ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9 que le préfet ne pouvait légalement fonder sa décision sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, cependant, il y a lieu de substituer à cette dernière base légale erronée celle tirée du pouvoir dont dispose le préfet de régulariser ou non la situation d'un étranger, invoquée en défense, dès lors que cette substitution de base légale, sur laquelle Mme B... veuve C...a été mise à même de présenter des observations, n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant en sixième lieu que la requérante ne conteste pas qu'elle ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un certificat de résidence valable dix ans en application de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, dans les circonstances de l'espèce, et notamment compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, dans le cadre de son pouvoir de régularisation, apprécié de façon manifestement erronée la situation personnelle de Mme B... veuveC... ;

13. Considérant en dernier lieu qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français à destination de l'Algérie s'il n'avait pas entaché sa décision d'une erreur de fait en retenant que trois des enfants de Mme B... veuve C...résident en Algérie et six en France alors que ces chiffres sont respectivement, comme il a été dit au point 7, de deux et sept ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... veuve C...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 8 décembre 2015 ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme B... veuve C...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 juillet 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... veuve C...devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...veuve C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pocheron, président de chambre,

M. Guidal, président assesseur,

M. Chanon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 septembre 2017.

2

N° 16MA03045

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03045
Date de la décision : 15/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : LEBEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-09-15;16ma03045 ?
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