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29/09/2017 | FRANCE | N°16MA04903

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2017, 16MA04903


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 13 octobre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé la société Adoma à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1401062 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 13 octobre 2014.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 décembre

2016 et le 27 mars 2017, la société Adoma, représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 13 octobre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé la société Adoma à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1401062 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 13 octobre 2014.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 décembre 2016 et le 27 mars 2017, la société Adoma, représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 1er décembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de Bastia ;

3°) de mettre à la charge de M. H... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits reprochés à M. H... sont établis et constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

- les moyens soulevés en première instance par M. H... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2017, M. B...H..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Adoma sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les faits reprochés ne sont pas établis ;

- le signataire de l'acte était incompétent ;

- la décision ministérielle est insuffisamment motivée ;

- elle porte atteinte à la présomption d'innocence.

Par ordonnance du 2 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2017.

Des observations présentées par le ministre du travail ont été enregistrées le 8 septembre 2017, postérieurement à la clôture d'instruction.

M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 24 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Coutier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société Adoma.

1. Considérant que, par courrier du 5 mars 2014, la société Adoma a demandé l'autorisation de licencier pour faute grave M. H..., salarié en qualité de gestionnaire de résidences sociales et investi des fonctions représentatives de délégué du personnel suppléant ; que, par décision du 25 avril 2014, l'inspecteur du travail a opposé un refus ; que, saisi par l'employeur d'un recours hiérarchique par courrier du 11 juin 2014, le ministre chargé du travail, par décision du 13 octobre 2014, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation sollicitée ; que, par jugement du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision ministérielle ; que la société Adoma relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'en application des dispositions du code du travail les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant que, pour demander l'autorisation de licencier M. H..., la société Adoma s'est notamment fondée sur la circonstance que l'intéressé avait perçu des sommes d'argent en espèces de la part des résidents en contrepartie de l'attribution de chambres et de logements, en location ou sous-location clandestine, et d'une assistance dans l'accomplissement de formalités administratives ; que, pour délivrer l'autorisation sollicitée, le ministre chargé du travail a estimé que les faits étaient établis et constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations versées au débat par l'employeur, qui émanent de cinq résidents, de quatre cadres de la société rapportant les témoignages de certains résidents, et d'une employée de la société chargée du nettoyage des locaux, que M. H... percevait à titre personnel de la part des résidents une rémunération en espèces, de l'ordre de 400 à 700 euros, pour l'attribution d'une chambre, d'un logement, ou pour l'aide à l'obtention d'une allocation personnalisée au logement ; que, si les résidents ne précisent pas la date des faits, qui duraient depuis plusieurs années, leurs témoignages sont néanmoins suffisamment circonstanciés pour être pris en compte ; que les attestations des cadres de l'entreprise ne sauraient être écartées au seul motif qu'elles ont été rédigées par les supérieurs hiérarchiques du salarié ; qu'en particulier l'attestation de Mme D..., directrice territoriale adjointe de la société, est très précise et cite les noms et numéros de chambre des résidents qui lui ont fait des déclarations ; que l'employée chargée de l'entretien des locaux, dépourvue de lien hiérarchique avec la société Adoma, rapporte ce que les résidents lui ont confié ; que M. H... a reconnu lors de l'enquête administrative avoir aidé certains résidents à remplir leurs déclarations de revenu et avoir reçu en contrepartie, outre des oranges et des babouches, des sommes inférieures à dix euros ; que, dans ces conditions, l'ensemble des faits reprochés à M. H... sur lesquels le ministre s'est fondé, qui sont d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement, doivent être regardés comme établis sans que l'intéressé puisse se prévaloir de ce qu'en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, le doute doit profiter au salarié ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu, pour annuler la décision contestée, que les faits d'attribution de logements ou de chambres en location ou sous-location n'étaient pas établis et qu'il ne résultait pas de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il n'avait tenu compte que des faits reconnus par le salarié lors de l'enquête administrative ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif de Bastia par M. H... ;

6. Considérant, en premier lieu, que la décision du 13 octobre 2014 est signée par M. A... G..., directeur général du travail, nommé par décret du 20 mars 2014 ; que l'intéressé était compétent pour autoriser le licenciement d'un salarié protégé en vertu de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision en litige comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, dès lors, elle satisfait aux exigences de motivation de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur et de l'article R. 2421-12 du code du travail applicables à la décision statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel ;

8. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il résulte des termes mêmes de sa décision du 13 octobre 2014 que le ministre s'est fondé exclusivement sur les attestations produites par l'employeur et les éléments ressortant de l'enquête administrative et non sur la procédure pénale en cours ; qu'ainsi le moyen tiré de l'atteinte à la présomption d'innocence ne peut être accueilli ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Adoma est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 13 octobre 2014 ; que, par suite, le jugement du 1er décembre 2016 doit être annulé ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Adoma, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. H... et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Adoma au titre des frais engagés sur le même fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 1er décembre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de Bastia et ses conclusions incidentes d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Adoma présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Adoma, à M. B... H...et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2017.

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N° 16MA04903

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04903
Date de la décision : 29/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : MONDOLONI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-09-29;16ma04903 ?
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