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19/10/2017 | FRANCE | N°15MA03073

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2017, 15MA03073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Saint-Julien-Le-Montagnier à lui verser une somme de 53 000 euros en réparation des préjudices de toute nature qu'il estime avoir subis du fait de l'inondation de sa propriété.

Par un jugement n° 1300151 du 19 juin 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2015, M. C...D..., représenté par Me E..., demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 juin 2015 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Saint-Julien-Le-Montagnier à lui verser une somme de 53 000 euros en réparation des préjudices de toute nature qu'il estime avoir subis du fait de l'inondation de sa propriété.

Par un jugement n° 1300151 du 19 juin 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2015, M. C...D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 juin 2015 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Julien-Le-Montagnier à lui verser la somme de 53 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Julien-Le-Montagnier la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commune a commis une faute en lui délivrant, sans l'assortir de prescriptions, un permis de construire dans une zone dont elle ne pouvait ignorer le caractère inondable ;

- le plan local d'urbanisme a été adopté sans tenir compte de l'existence de ce risque d'inondation ;

- ce risque a été aggravé par la délivrance d'autorisations de construire en amont de sa propriété ;

- la commune a manqué à son obligation de maîtrise de l'écoulement des eaux

pluviales ;

- la commune n'a pas tenu la promesse qu'elle lui avait faite de trouver une solution de drainage du terrain lui appartenant ;

- la responsabilité de la commune est également engagée du fait de l'aggravation des inondations par la réalisation de travaux publics de rehaussement de la voie publique et par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics de collecte des eaux pluviales ;

- il subit des préjudices matériels et moral du fait des inondations de sa propriété.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2015, la commune de Saint-Julien-Le-Montagnier, représentée par la SELAS LLC et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas commis de faute en délivrant un permis de construire au requérant ;

- elle n'a pas commis de faute en s'abstenant de réaliser un réseau d'évacuation des eaux pluviales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Saint-Julien-Le-Montagnier.

1. Considérant que M.D..., propriétaire depuis 2002 d'une maison édifiée sur un terrain situé au hameau des Guis sur le territoire de la commune de Saint-Julien-le-Montagnier, relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 juin 2015 rejetant sa demande tendant à la condamnation de cette commune à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des inondations de sa propriété lors d'épisodes pluvieux en 2008, 2009 et 2010 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

2. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ;

3. Considérant qu'il ressort des rapports établis les 21 mai 2010 et 1er février 2012 que l'expert désigné par l'assureur de M. D...n'a pas été en mesure, en l'absence d'investigations complémentaires, de déterminer la cause des inondations, survenues au cours des années 2008, 2009 et 2010, de la maison et du jardin dont le requérant est propriétaire ; que l'intéressé, qui supporte la charge de la preuve, n'établit pas que ces événements trouvent leur origine, ainsi qu'il le soutient, au demeurant sans précision suffisante, dans le rehaussement d'une voie publique ou dans l'insuffisance des collecteurs d'eaux pluviales et de ruissellement implantés sur le bassin versant en amont de l'immeuble lui appartenant ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " Les communes ou leurs établissements publics de coopération délimitent, après enquête publique : / (...) / 3°Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement (...) " ;

5. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les communes ont l'obligation de recueillir l'ensemble des eaux de pluie transitant par leur territoire afin d'éviter que les eaux de ruissellement n'atteignent les constructions édifiées dans l'axe de leur écoulement naturel ; qu'en tout état de cause, M. D...ne démontre pas, par la seule production de l'attestation de M.A..., l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices qu'il estime avoir subis et l'absence de délimitation par la collectivité d'une zone où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ; qu'ainsi, M. D...n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune sur ce fondement ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délivrance du permis de construire :

" Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique " ;

7. Considérant qu'en application de cet article, il appartient à l'autorité administrative compétente de se prononcer sur les demandes de permis de construire dont elle est saisie en prenant en compte l'ensemble des risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques effectivement constatés à la date où elle prend sa décision, alors même qu'aucun plan de prévention des risques n'aurait été adopté ;

8. Considérant que la commune de Saint-Julien-le-Montagnier n'est pas répertoriée dans l'Atlas des zones inondables du département du Var ; qu'elle ne figure pas non plus sur la liste des communes où s'applique l'obligation de joindre un état des risques naturels et technologiques à tout contrat de vente ou de location qui est annexée à l'arrêté du 9 février 2006 du préfet du

Var ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maire de la commune de Saint-Julien-le-Montagnier aurait eu connaissance, avant la date de délivrance des autorisations de construire une maison en 2001 et une piscine en 2005, d'éléments d'information établissant l'existence d'un risque d'inondation ; que les attestations produites par M.D..., qui se bornent à relater, d'une part, les difficultés rencontrées lors de la construction de la maison liées à des remontées d'eau dans les tranchées des fondations et, d'autre part, les inondations subies par le terrain de 2008 à 2010 ou la présence de nappes d'eau, ne démontrent ni l'existence de ce risque ni que la commune ne pouvait l'ignorer à la date à laquelle le maire lui a accordé les autorisations de construire ; que si l'existence d'un aléa de retrait et gonflement des argiles a été portée le

7 février 2012 à la connaissance de la commune par le préfet du Var, il ne résulte pas de cette mesure d'information, qui est au demeurant postérieure à la délivrance des autorisations de construire et aux inondations en litige, que ces dernières seraient en lien avec l'aléa relatif à la nature du sol ; qu'il suit de là que, compte tenu des informations dont il disposait, le maire de la commune de Saint-Julien-le-Montagnier n'a pas, en délivrant au requérant un permis de construire sans l'assortir de prescriptions, entaché son appréciation d'une erreur manifeste au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que la commune n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que, pour les motifs indiqués au point précédent, la commune était informée de l'existence d'un risque d'inondation aux dates auxquelles le conseil municipal a approuvé le plan d'occupation des sols en 1981 ou la révision de ce document d'urbanisme le 26 mars 1999 ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de l'aggravation du risque d'inondation du fait de la délivrance d'autorisations de construire des habitations sur le versant amont de la colline voisine n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé ;

11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que si le maire de la commune de Saint-Julien-le-Montagnier s'était engagé, le 8 avril 2010, à trouver une solution de drainage du terrain appartenant à M. D..., son courrier ne constituait pas, eu égard aux termes dans lesquels il était rédigé, un engagement formel et précis ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne donnant pas suite à ce courrier qui, en tout état de cause, est postérieur aux inondations à l'origine des dommages dont la réparation est demandée ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Julien-le-Montagnier, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, de condamner M. D..., à verser à la commune de Saint-Julien-le-Montagnier une somme de 2 000 euros en application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à la commune de Saint-Julien-le-Montagnier une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et à la commune de Saint-Julien-le-Montagnier.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2017 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2017.

N° 15MA03073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03073
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SCP BRUNET - DEBAINES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-19;15ma03073 ?
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